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Il est commode d’introduire les grandeurs adimensionnéesi  i=cpour les différentes espèces.i/ en présence, où c  3H2=.8/ est la densité de matière dite «critique» nécessaire pour « fermer » l’Univers : en l’absence de constante cosmologique (ƒ D 0), l’Univers est plat (k D 0) si et seulement si (ssi)  D c, fermé (k > 0) ssi  > c, et ouvert (k < 0) ssi  < c. Divisant l’équation (8.4a) par H2, on obtient le bilan énergétique

X i i C ƒD 1 k; (8.6) avec i D 8i 3H2 ; (8.7a) ƒ D ƒ 3H2; (8.7b) k D k a2H2: (8.7c)

Un des objectifs de la cosmologie observationelle est de mesurer aussi précisément que possible les valeurs des différents paramètres H ,i,ƒetk aujourd’hui6. L’incertitude sur la mesure de la « constante » de Hubble H0, i.e. le paramètre de Hubble H évalué aujourd’hui, se pro-pageant sur la mesure de nombreux autres paramètres cosmologiques, il est courant d’adopter la paramétrisation H0 D 100 h km  s 1 Mpc 1, avec h ' 0;7.

Le contenu matériel et énergétique du modèle de concordance cosmologique fait interve-nir la matière et le rayonnement connus : les baryons, les photons et les neutrinos, de densités d’énergie réduitesbar, et respectivement. Ce modèle fait également intervenir de la matière et de l’énergie non encore identifiées à ce jour : la matière noire (voir §8.3), de densité d’énergie réduitemn, et l’énergie noire, supposée par la suite sous la forme d’une constante cos-mologiqueƒ, de sorte que la densité d’énergie noire réduite est simplement ƒ.

⁵Tant que l’on peut négliger les interactions entre composantes de matière, on a de plus conservation du tenseur énergie-impulsion individuel de chaque composante de matière, de sorte que PiC 3H.iC pi/ D 0 pour chaque espèce.i/ individuellement.

⁶Le modèle de concordance cosmologique fait intervenir de nombreux autres paramètres physiques et astro-physiques : l’amplitude8des fluctuations de densité à l’échelle 8h 1Mpc, le rapport r des amplitudes des pertur-bations de type tensorielles et scalaires issues de l’inflation, la profondeur optique de l’Univers au moment de la réionisation, etc. Voir par exemple [384] pour une liste exhaustive.

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F. 8.1:Les mesures cosmologiques actuelles concordent vers un univers plat (k D 0), contenant environ 73% d’énergie noire sous forme d’une constante cosmologiqueƒ (ƒ ' 0;73). Figure tirée de [243].

Bilan énergétique

La combinaison des mesures actuelles les plus précises — anisotropies du fond diffus cos-mologique, relation magnitude-décalage vers le rouge des supernovæ de type Ia, et oscillations acoustiques baryoniques — fournissent la limite supérieure jkj D 0;006 ˙ 0;006 pour la courbure de l’Univers [255] (voir Fig.8.1). En supposant l’Univers plat (k D 0), on obtient un modèle d’Univers ajustant remarquablement bien les données, et dont le contenu énergétique aujourd’hui se résume à [255] (voir Figs.8.1et8.2) :

h D 0;705 ˙ 0;013 ; (8.8a) h2r D 4;15  10 5  h2 D 2;47  10 5; h2 D 1;68  10 5; (8.8b) h2m D 0;136 ˙ 0;004  h2barD 0;0227 ˙ 0;0006 ; h2mnD 0;113 ˙ 0;003 ; (8.8c) ƒD 0;726 ˙ 0;015 : (8.8d)

Les mesures cosmologiques actuelles concordent donc vers un Univers plat, dont le contenu en matière-énergie se répartit en approximativement 4% de matière baryonique, 23% de matière noire, et 73% d’énergie noire sous forme d’une constante cosmologique ƒ. Bien que dominante par le passé, la contributionrdue au rayonnement (photons et neutrinos) est négligeable au-jourd’hui. Au bilan (8.8) peuvent être ajoutées quelques autres contributions également négli-geables, dues aux ondes gravitationnelles primordiales, aux cordes cosmiques, et à d’autres sources plus spéculatives [327].

La précision des mesures cosmologiques actuelles, telle que résumée dans le bilan énergétique (8.8), est impressionnante. Il faut toutefois prendre garde au fait qu’un modèle peut à la fois ajus-ter avec grande précision une série d’observations tout en fournissant une description erronée de

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F. 8.2:Les mesures cosmologiques actuelles sont compatibles avec une énergie noire sous forme d’une constante cosmologique (w D 1). Le contenu énergétique de l’Univers est réparti en 73% d’énergie noire (ƒ' 0;73) et 27% de matière baryonique et noire (m' 0;27). Figures tirées de [243] (à gauche) et [248] (à droite).

la réalité, car étant basé sur une ou plusieurs hypothèses fausses. À titre d’exemple, il est préférable d’un point de vue épistémologique de ne pas fixer la valeur deka priori, puis de constater que

le meilleur ajustement des données correspond à une valeur dektrès faible. Il est alors a

poste-riori justifié de refaire l’analyse en posant dès le départ k D 0. Pour cette raison, il faut garder à

l’esprit que bien que le modèle de concordance cosmologique fournisse une vision remarquable-ment cohérente de notre Univers, les alternatives peuvent et doivent être explorées, ne serait-ce que pour renforcer notre confiance dans le fait queƒ-CDM est la meilleure description de notre Univers dont nous disposions.

Méthodes de mesure

Notre confiance dans les résultats (8.8) est d’autant plus renforcée que ces valeurs résultent de l’analyse conjointe de mesures indépendantes. Cette analyse conjointe permet à la fois de le-ver certaines dégénérescences parmi les mesures des paramètres cosmologiques, et de croiser les valeurs de façon à tester la cohérence interne du modèle. Nous résumons ici les principales mé-thodes indépendantes ayant permis d’obtenir les résultats (8.8) :

• La « constante » de Hubble H0 est mesurée indépendamment via l’observation par le téléscope spatial Hubble de la période de pulsation d’étoiles céphéïdes [181], par la relation magnitude-décalage spectral vers le rouge des supernovæ de type Ia [349,326], par les anisotropies du fond diffus cosmologique [215], et bien d’autres méthodes.

• La densité d’énergie des photons h2 est largement dominée par la contribution des photons en provenance du fond diffus cosmologique. Sa valeur a été déterminée très préci-sément grâce à la mesure par le satellite COBE du spectre de corps noir de ce rayonnement fossile de température T D 2;725 ˙ 0;001 K [178,278].

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• Si les neutrinos sont supposés sans masse7, alors leur contribution h2est déterminée par des considérations thermodynamiques lors de leur découplage au bain de photons-électrons-positrons, lorsque la température de l’Univers avoisinait 1 MeV [327]. Elle est de l’ordre de 68% de celle des photons.

• La contribution baryonique h2barest déterminée indépendamment par la conjonction de la théorie de la nucléosynthèse primordiale et de la mesure des abondances des élé-ments légers (Deutérium, Helium 4, et Lithium 7) [315,172], ainsi que par la mesure des anisotropies du fond diffus cosmologique.

• La contribution totale due à la matière h2m est mesurée grâce aux oscillations acous-tiques baryoniques dans le regroupement des galaxies à grande échelle [162], via les aniso-tropies du fond diffus cosmologique, ainsi que par la relation magnitude-décalage spectral vers le rouge des supernovæ de type Ia.

• La contribution due à l’énergie noireƒest déterminée par la relation magnitude-décalage spectral vers le rouge des supernovæ de type Ia, qui a mis en évidence, au cours des années 90, l’accélération de l’expansion de l’Univers. La mesure des anisotropies du fond diffus cosmologique fournit une mesure indépendante deƒ.

L’énergie noire

Par simplicité, nous avons supposé ici que l’énergie noire prend la forme d’une constante cos-mologiqueƒ. Cette hypothèse conservatrice est bien supportée par les mesures cosmologiques actuelles, qui n’ont à ce jour mis en évidence aucune évolution temporelle de l’équation d’étatw de l’énergie noire [255] (voir Figs.8.2). La prochaine génération de missions spatiales dédiées à l’étude de l’énergie noire (EUCLID [164] et JDEM [230]) devrait permettre une bien meilleure caractérisation de la nature de l’énergie noire, et en particulier de distinguer entre une constante cosmologique et un champ dynamique (la « quintessence »).

Nous ne commenterons pas les problèmes d’ordre théorique posés par une si « petite » va-leur de la densité d’énergie associée à la constante cosmologique,ƒ ' 0;9 GeV=m3[414]. No-tons simplement qu’un nombre important d’alternatives au paradigme de l’énergie noire sont par conséquent étudiées, parmi lesquelles figurent (voir par exemple [158] pour une revue) : (i) les scénarios branaires inspirés de la théorie des cordes, conduisant à une modification de la relativité générale à grande échelle induite par la présence de dimensions supplémentaires, (ii) les théories f .R/, où le lagrangien d’Einstein-Hilbert est remplacé par une fonction du scalaire de Ricci, (iii) un renoncement au principe copernicien, auquel cas l’apparente accélération de l’expansion de l’Univers pourrait s’expliquer par notre présence au centre d’une très grande bulle sous-dense de taille de l’ordre du Gpc, ou encore (iv) un effet de back-reaction des inhomogénéités sur la dynamique de la métrique de fond.

⁷La mesure des oscillations des neutrinos en provenance du Soleil implique toutefois qu’au moins l’une des trois espèces de neutrinos a une masse supérieure à 0;05 eV [196].

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