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Chapitre II : Biogénèse du lncRNA nam1 contrôlant la différenciation sexuelle par Mmi1 et sa

3. Résultats supplémentaires : Recrutement artificiel de Mmi1 et de l’exosome au lncRNA nam1

3.2. Recrutement artificiel de Mmi1 au lncRNA nam1

3.2.1. Le recrutement artificiel de Mmi1 à nam1 permet une entrée en

différenciation cellulaire normale

Dans un premier temps, nous avons testé si le recrutement de Mmi1 par le système

λN-5BoxB, permet aux cellules d’entrer en différenciation. En effet, l’élimination de la

séquence DSR dans la séquence de nam1, provoque un défaut très important d’entrée en

différenciation par rapport à une souche sauvage (Fig 30 A). Lors de l’induction de la

différenciation sexuelle, en cultivant les cellules dans un milieu sans source d'azote, peu de

cellules entament le processus de conjugaison. Le comptage par microscopie du nombre de

cellules végétatives, de zygotes et d’asques après 48 heures, révèle un taux de sporulation et

de conjugaison proche de 0%. Ces résultats sont corroborés par le test de coloration à la

vapeur d’iode qui se fixe aux composants présents uniquement dans la paroi des spores. En

effet, les colonies formées par les souches dont la séquence DSR est remplacée par la

séquence 5BoxB restent complétement blanches en comparaison à des souches sauvages

qui se différencient normalement et se colorent ainsi en noir après exposition à la vapeur

d’iode (Fig 30 B).

Fait remarquable, lorsque l’on exprime la protéine λN-Mmi1 dans ces mêmes

souches, les cellules retrouvrent leur capacité à entrer efficacement en différenciation

sexuelle (Fig 30 A et B). Cette approche démontre ainsi que le seul recrutement de Mmi1 au

lncRNA nam1 suffit à réguler correctement l’entrée en différenciation qui est sous l’influence

de la transcription du locus nam1.

Ces cellules ont cependant un taux de sporulation plus faible que des souches

sauvages, indiquant que bien que l’entrée en différenciation sexuelle se fasse normalement

une ou plusieurs étapes dans la progression du processus de différenciation ne fonctionnent

pas normalement. Il est à noter que comme λN-Mmi1 est surexprimée par rapport au niveau

normal de Mmi1, cette surexpression de Mmi1 pourrait rendre plus difficile son inhibition

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par séquestration avant l’entrée en méiose. En effet, une inhibition incomplète de Mmi1 à

cette étape conduit à un blocage de la méiose car les ARNm méiotiques cibles de Mmi1

continuent d’être dégradés. Il a déjà été montré que la surexpression de Mmi1 affecte le

taux de sporulation en réprimant la méiose (Harigaya et al., 2006).

Afin d’évaluer l'impact possible de la surexpression de Mmi1 sur l’entrée en

différenciation sexuelle, j’ai également généré une souche sur-exprimant Mmi1 sans le

peptide λN et contenant le locus nam1DSR∆::5BoxB. La surexpression de Mmi1 n’a alors

aucun impact et les cellules restent stériles (Fig30).

Figure 30. Le recrutement artificiel de Mmi1 à nam1 permet l’entrée en différenciation sexuelle. A)

Comptage par microscopie du nombre de cellules végétatives, d’asques et de zygotes. Le

pourcentage de conjugaison correspond au nombre de zygotes + nombre d’asques/nombre de

cellules totales, le pourcentage de sporulation correspond au nombre d’asques/nombre de cellules

totales. Les souches possédant les gènes codants pour λN-Mmi1 ou Mmi1 sont mis sous le contrôle

du promoteur fort P3nmt1 entrainant leur surexpression. Les pourcentages sont montrés avec des

barres d’erreur indiquant l’écart-type (n=3). B) Coloration à la vapeur d’Iode des colonies formées

par les différentes souches 48h après induction de la différenciation.

3.2.2. Le recrutement artificiel de Mmi1 au lncRNA nam1 induit sa dégradation

Etant donné que le recrutement artificiel de Mmi1 au lncRNA nam1 est suffisant pour

restaurer une entrée en différenciation sexuelle normale, nous avons vérifié si cette

restauration s’accompagne de la dégradation de nam1.

La quantification relative de l’ARN nam1 a montré que dans les souches

nam1DSR∆::5BoxB l’ARN non-codant de nam1 s’accumule comme attendu puisque cet ARN

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n’est plus reconnu par Mmi1 et sa machinerie de surveillance tout comme la mutation

ponctuelle des motifs de liaison de Mmi1 sur nam1 (Touat‐Todeschini et al., 2017, Chapitre I

et II des Résultats).

Cette quantification montre que la surexpression de λN-Mmi1, mais pas de Mmi1

seule, permet de rabaisser le niveau du lncRNA nam1 dans les cellules possédant le locus

nam1DSR∆::5BoxB, indiquant ainsi que le recrutement de Mmi1 au lncRNA nam1 induit sa

dégradation (Fig 31).

Figure 31 : Le recrutement de Mmi1 à nam1 est suffisant pour induire sa dégradation. RT-qPCR sur

des extraits d’ARN totaux pour analyser l’accumulation de nam1. Les résultats ont été reproduits

trois fois avec au minimum deux réplicats biologiques. Les enrichissements sont montrés avec des

barres d’erreur indiquant l’écart-type (n=3).

3.2.3. Le recrutement artificiel de Mmi1 au lncRNA nam1 suffit pour induire la

terminaison de transcription du locus nam1

Les travaux réalisés au sein de l’équipe ont montré que le contrôle de la

différenciation sexuelle passe par la modulation de la terminaison de transcription de nam1

(Touat‐Todeschini et al., 2017 et Chapitre I des Résultats). De plus, les travaux décrits dans la

première partie du Chapitre II des Résultats, ont montré que Mmi1 participe à la maturation

des transcrits pervasifs provenant de la transcription du gène mlo3 localisé juste en amont

de nam1. J’ai donc également regardé si le recrutement de Mmi1 à nam1 impacte sur

l’accumulation des transcrits pervasifs provenant à la fois du nam1 (appelé nam1-L) et de

mlo3 (appelé mlo3-L)(Fig 32).

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La quantification relative de ces transcrits montre qu’ils s’accumulent lorsque la

séquence DSR de nam1 est éliminée, confirmant au passage l’importance de cette séquence

dans le contrôle de la terminaison de transcription à nam1 (Fig 32). A l’inverse, le

recrutement artificiel de Mmi1 va permettre de rabaisser les niveaux de mlo3-L et de

nam1-L à un niveau proche des cellules sauvages. Là encore, la surexpression de Mmi1 seule ne

permet pas de restaurer ces niveaux d’ARN.

Figure 32 : Le recrutement de Mmi1 induit la terminaison de transcription de nam1 et de mlo3. A)

Organisation génomique de la région nam1, les flèches noires représentent les oligomères utilisés

lors de l’étape de transcription inverse : 1 pour nam1-L et 2 pour mlo3-L. Les traits noirs représentent

les régions analysées par qPCR. B) Quantification par RT-qPCR des transcrits nam1-L et mlo3-L.

Chaque expérience a été réalisée en triplicat.

Dans son ensemble, cette étude montre que le seul recrutement de Mmi1 au lncRNA

nam1 est non seulement nécessaire mais également suffisant pour induire sa dégradation,

ainsi que toutes les autres étapes de maturation d’ARN et de contrôle de la transcription au

locus mlo3-nam1-byr2 nécessaires pour l’entrée en différenciation sexuelle.