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Chapitre I : Mise sous silence de l’expression génique par les ARN non-codants

2. Généralité sur la chromatine

2.3. Euchromatine et hétérochromatine

2.3.3. L’hétérochromatine constitutive

2.3.2. Caractéristiques de l’hétérochromatine et de l’euchromatine

L’euchromatine est caractérisée moléculairement par une chromatine riche en

histones acétylées sur leurs résidus H3 et H4. Elle est aussi caractérisée par la triméthylation

de la lysine 4 de l’histone H3. Les séquences ADN de l’euchromatine sont quant à elles,

faiblement méthylées. Ces modifications lui confèrent un caractère majoritairement actif

transcriptionnellement (Kouzarides, 2007).

L’hétérochromatine à l’opposé est caractérisée par des histones majoritairement

hypo-acétylées. Elle contient des histones H3 di- ou tri- méthylées au niveau de la lysine 9

(H3K9me2-3) ainsi que les marques H3K27me3. Une structure compacte et une forte densité

d’histones lui confère son caractère majoritairement transcriptionnellement inactif

(Kouzarides, 2007; Peters et al., 2003). L’hétérochromatine est aussi caractérisée par la

présence de la protéine HP1 associée à la chromatine, ou de son homologue Swi6 chez S.

pombe. HP1 reconnait la marque H3K9me3 nécessaire à la maintenance de

l’hétérochromatine (Bannister et al., 2001; Maison and Almouzni, 2004).

L’hétérochromatine se maintient de génération en génération grâce à des mécanismes

épigénétiques. Son initiation et son maintien sont essentiels à la régulation de la

transcription des gènes codants et non-codants. La définition de l’épigénétique étant

souvent discutée, il en existe plusieurs définitions (Bird, 2007). Ici la notion d’épigénétique

se réfère à la définition proposée par Danny Reinberg en 2010 : « l’épigénétique représente

les variations d’expression génique sans changement de la séquence ADN, héritables de

génération en génération par les processus de mitose et de méiose » (Bonasio et al., 2010).

Suivant cette définition, le contrôle de l’expression des gènes par des ARN non-codants est

un processus épigénétique.

L’hétérochromatine est classiquement divisée en deux sous-types : l’hétérochromatine

constitutive et l’hétérochromatine facultative.

2.3.3. L’hétérochromatine constitutive

L’hétérochromatine constitutive est définie comme une structure stable et compacte

retrouvée dans tous les types cellulaires. Elle comprend un grand nombre de

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caractéristiques de l’hétérochromatine, notamment une grande densité d’histones, et leurs

hypoacétylations et hyperméthylations. Chez les mammifères l’hétérochromatine est aussi

riche en ADN méthylé (Bird, 2007). Cependant la méthylation de l’ADN n’étant pas

conservée chez la levure S. pombe, cette caractéristique ne sera pas discutée dans ce

manuscrit.

L’hétérochromatine constitutive se forme aux péri-centromères et aux régions

sub-télomériques chez les eucaryotes supérieurs, zones composées de séquences répétées

d’ADN majoritairement non-codant (Beisel and Paro, 2011). La chromatine des centromères

et des télomères ne présente pas la même composition en nucléosomes que

l’hétérochromatine, cependant l’ADN de ces régions est également enrichi en séquences

répétées et est aussi mis sous silence transcriptionnel, suggérant que cette chromatine a les

mêmes caractéristiques que celles de l’hétérochromatine (Fig 4).

Les éléments d’ADN répétés de ces régions, appelées régions satellites, étaient

décrits comme transcriptionnellement inertes. Un nombre croissant d’études a néanmoins

mis en évidence l’existence d’un grand nombre de transcrits satellites non-codants. Ces ARN

non-codants sont impliqués, entre autre, dans la maintenance des régions centromériques,

et dans l’élongation et la réplication des télomères (Biscotti et al., 2015).

La levure fissipare S. pombe est un organisme modèle très utilisé pour l’étude des

mécanismes moléculaires impliqués dans la formation d’hétérochromatine et la mise sous

silence des gènes. Son génome est réparti sur trois chromosomes et a été séquencé en 2002

(Wood et al., 2002). Les travaux pionniers effectués chez S. pombe ont notamment montré

un rôle essentiel des petits ARN non-codants dans la formation de l’hétérochromatine

(Grewal and Jia, 2007).

Chez S. pombe, l’hétérochromatine constitutive est, en plus des régions

sub-télomériques et péri-centromériques également retrouvée au niveau de la région du

déterminisme sexuel (désigné mat, pour « mating region ») localisé sur un locus du

chromosome 2 (Fig 4B).

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Figure 4: Distribution de l'hétérochromatine constitutive. A) Représentation schématique des

régions d'hétérochromatine constitutive d'un chromosome eucaryote (zones rouges claires), des

télomères et des centromères (zones rouges). B) Représentation des régions d'hétérochromatine

constitutive sur le chromosome 2 de S. pombe.

2.3.3.1. Localisation et organisation de l’hétérochromatine

Chez les mammifères, les centromères et les régions péricentromériques sont

rassemblés en foyers appelés Chromocentres (Taddei et al., 2004), tandis que les régions

subtélomériques et les télomères seraient distribués aléatoirement dans la cellule (Luderus

et al., 1996).

L’hétérochromatine est généralement localisée à proximité de l’enveloppe nucléaire et

l’euchromatine au centre du noyau (Wang et al., 2016b). Une étude récente a montré que la

chromatine au centre était mieux protégée des radiations que la chromatine en périphérie.

L’architecture de la cellule pourrait être un moyen de protéger les régions codantes

contenues plutôt dans l’euchromatine, et l’hétérochromatine agirait alors comme une

couche protectrice contre les radiations (García-Nieto et al., 2017).

Chez S. pombe, les centromères des trois chromosomes s’associent à proximité de

« spindle pole body » (équivalent chez la levure du centrosome) à la périphérie du noyau.

Les télomères sont quant à eux regroupés en foyers à proximité de l’enveloppe nucléaire

(Funabiki et al., 1993).

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2.3.3.2. Composition et fonction

Chez la plupart des eucaryotes, les régions d’hétérochromatine constitutive sont

constituées de séquences répétées. Le type de séquence est différent selon les espèces

(Cleveland et al., 2003). Elles comprennent aussi des éléments mobiles, les transposons

(Lander et al., 2001; Schueler and Sullivan, 2006). Ces derniers sont capables de se déplacer

sous forme d’ADN ou d’ARN et de s’insérer dans d’autres endroits du génome. Ces

déplacements peuvent provoquer des mutations, des cassures d’ADN et des recombinaisons

illégitimes (Konkel and Batzer, 2010).

La structure de ces régions permet de maintenir toutes ces séquences répétées ou

transposables dans un état transcriptionnel globalement inactif afin de maintenir la stabilité

du génome et de limiter les évènements de recombinaison (Beisel and Paro, 2011; Grewal

and Elgin, 2007).

a) La chromatine centromérique et télomérique

La chromatine centromérique et péricentromérique jouent un rôle aussi dans la

ségrégation des chromosomes au cours de la division cellulaire. En effet la chromatine

centromérique contient l’histone CENP-A (Centromere Protein A), un variant de l’histone H3

qui va permettre l’accrochage des kinétochores (Blower et al., 2002). Les kinetochores, une

structure protéique attachée aux microtubules des fuseaux mitotiques, vont se fixer sur la

chromatine centromérique pour permettre la séparation et la répartition des chromatides

sœur lors de la mitose (Mitchison and Salmon, 2001).

La structure de la chromatine centromérique est donc essentielle à la mitose et la

chromatine péricentrique, riche en histones H3K9me3, correspond aux derniers sites

d’attachement des chromatides sœurs au cours de la mitose (Eymery et al., 2009). Les

travaux réalisés chez S. pombe puis chez l’homme et la souris, ont montré que les ARN

non-codants produits à ces régions sont essentiels à la formation de cette hétérochromatine

(Biscotti et al., 2015; Grewal and Jia, 2007). Ces travaux suggèrent l’importance des ARN

non-codants dans la division des cellules.

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La chromatine télomérique et sub-télomérique joue un rôle important dans le

maintien de l’intégrité de l’ADN des extrémités des chromosomes soumis à la dégradation et

à la recombinaison (Martínez and Blasco, 2011). Au niveau de ces régions, un ARN long

non-codants appelé TERRA (Telomeric Repeat-containing RNA) est transcrit et fait partie de la

composition de la chromatine télomérique (Azzalin et al., 2007). Chez les eucaryotes

supérieurs, TERRA permet le recrutement d’HP1 pour maintenir l’hétérochromatine

télomérique (Deng et al., 2009).

b) La chromatine du déterminisme sexuel chez S. pombe

Chez S. pombe, on retrouve aussi de l’hétérochromatine constitutive au niveau de la

région du déterminisme sexuel (« Mating locus », Fig 4B). La levure peut adopter deux types

sexuels, le type P (pour Plus : h+) ou le type M (pour Minus : h-) (Egel et al., 1990).

La particularité de S. pombe est que chaque cellule possède l’information génétique

pour l’expression des deux types sexuels localisée sur le bras droit du chromosome 2. Le

passage de l’un à l’autre est soumis à un contrôle très sophistiqué faisant intervenir

l’hétérochromatine (Egel, 2005). Cette région est constituée de trois loci : mat1, mat2M et

mat3P et est divisée en deux sous-parties, une région euchromatique et une région

hétérochromatique.

La région euchromatique, transcriptionnellement active, contient le locus mat1

tandis que la région hétérochromatique, transcriptionnellement inactive, contient les loci

mat2M et mat3P. Ce sont ces deux derniers qui contiennent l’information pour le

déterminisme sexuel de la levure. Cependant, ces régions ne peuvent s’exprimer qu’après un

évènement de recombinaison au locus mat1 (Egel, 2005). Le processus démarre par un

blocage de la fourche de réplication de l’ADN induisant une cassure simple brin au locus

mat1, qui va être réparée par recombinaison homologue en utilisant les séquences soit de

mat2M soit de mat3P qui possèdent des régions d’homologie avec mat1. Après cet

évènement de recombinaison, les cellules qui ont recombiné mat2M au locus mat1 seront

de type sexuel h- (Minus) et les cellules qui ont recombiné mat3P au locus mat1 seront de

type sexuel h+ (Plus) (Egel, 2005; Klar et al., 2014).

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