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Chapitre II : Régulations co- et post-transcriptionnelles par l’exosome

3. Les fonctions cellulaires de l’exosome et de ses cofacteurs

3.3. Exosome et terminaison de transcription

Des mutations dans les composants de l’exosome ou de ses cofacteurs entrainent un

phénotype très complexe d’accumulation d’ARN. L’étude de ces ARN accumulés a mis en

évidence des rôles de l’exosome qui vont au-delà de la surveillance et de la maturation. En

effet il a été montré que l’exosome pouvait aussi avoir un rôle important dans la terminaison

de transcription des gènes.

La terminaison à la fin de chaque unité de transcription est essentielle pour

empêcher le chevauchement avec les transcrits en aval qui pourrait interférer entre eux.

(Jensen et al., 2013). La terminaison de transcription est un élément essentiel à l’intégrité du

transcriptome, mais n’est pas un mécanisme simple à mettre en place à cause de la

robustesse et la stabilité du complexe d’élongation (Peters et al., 2011). Les cellules ont par

conséquent dû mettre en place des stratégies efficaces et rapides pour le désassembler.

Bien que la terminaison de transcription des gènes codants soit relativement bien

caractérisée et qu’elle implique une machinerie bien définie, il est apparu récemment que

l’exosome peut jouer un rôle direct dans la terminaison de la transcription des gènes

non-codants.

3.3.1. Généralités sur la terminaison de transcription chez les eucaryotes

La terminaison de transcription des ARNm nécessite deux étapes. Une première

étape de clivage de l’ARN au niveau du site de polyadénylation permet de libérer l’ARN

naissant, et une seconde étape qui dissocie le complexe d’élongation. Bien que cette

seconde étape ne soit pas encore complétement définie moléculairement, deux principaux

modèles ont été proposés : le modèle « Torpedo » et le modèle « Allostérique ». Ces deux

modèles ne sont pas mutuellement exclusifs et pourraient très bien fonctionner ensemble

(Porrua and Libri, 2015).

Chez les levures, S. cerevisiae et S. pombe, la terminaison des gènes codants pour des

protéines dépend de trois acteurs majeurs : le complexe de clivage et de polyadénylation

(CPF : Cleavage and Polyadenylation Factor), les facteurs de clivage (CF : Cleavage Factor), et

la 5’->3’ exoribonucléase appelée Rat1 chez S. cerevisiae et Dhp1 chez S. pombe.

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Le CPF et les CF vont former un complexe plus large, appelé CPF-CF, qui est recruté

sur l’ARN naissant par sa fixation à la fois sur la séquence du signal de polyadénylation (PAS)

et au niveau de la queue C-terminale de l’ARN polymérase (CTD : Cter domain) (Pearson and

Moore, 2014). Il est suggéré que la fixation de CPF-CF provoque la « pause » de l’ARN

polymérase II, mais savoir si cette pause est nécessaire pour la terminaison de transcription

reste un sujet de discussion controversée (Churchman and Weissman, 2011; Core et al.,

2008; Glover-Cutter et al., 2008). L’ARN est clivé par le CPF-CF au niveau du PAS, et

polyadénylé par la poly(A) polymérase canonique Pap1 associée au CPF avant d’être relâché

de la chromatine (Hector et al., 2002).

Il est ensuite nécessaire de libérer le complexe d’élongation (ARN polymérase,

facteur d’élongation et ARN naissant restant). Actuellement, les mécanismes permettant le

relâchement de la polymérase sont encore débattus. Le modèle « Allostérique » propose

que l’ancrage du CPF-CF au CTD de l’ARN polymérase et le clivage de l’ARN au PAS engendre

un changement de conformation du complexe d’élongation provoquant une perte des

facteurs d’élongation et conduisant ainsi à l’arrêt de l'ARN polymérase (Richard and Manley,

2009). Le modèle dit « Torpedo », implique la 5’-3’ exoribonucléase Rat1/Dhp1 qui viendrait

dégrader l’ARN naissant encore lié à l'ARN polymérase. Dhp1 rattraperait l'ARN polymérase,

et la déstabiliserait en dégradant l'ARN naissant, permettant ainsi sa libération de la

chromatine (Kim et al., 2004, Fig 20).

Chez les métazoaires, le mécanisme de terminaison de transcription des gènes

codants est très proche de celui des levures. Le complexe CPF est conservé sous la forme

d’un complexe similaire appelé CPSF (Cleavage and Polyadénylation Specifity Factor). Il a été

montré chez l’Homme que le CPSF induit la « pause » de la polymérase au niveau de régions

riches en G. Des hybrides ARN-ADN formant des R-loop sont enrichis à ces régions et sont

nécessaires à la terminaison des gènes. L’hélicase SETX, homologue de Sen1 chez la levure,

est recrutée à ces régions pour résoudre les structures R-loop. La résolution de ces R-loop

est essentielle à l’accessibilité de l’ARN naissant par XRN2, l’homologue de Rat1/Dhp1, et au

décrochage de l’ARN polymérase de la chromatine suivant le modèle "Torpedo"

(Skourti-Stathaki et al., 2011; West et al., 2004).

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Des mécanismes légèrement différents sont impliqués pour la terminaison des

transcrits produits par l’ARN polymérase I et l’ARN polymérase III chez la levure et l’Homme

mais ne sont pas décrits dans ce manuscrit (pour revue voir: Porrua and Libri, 2015; Porrua

et al., 2016).

Figure 20 : La terminaison de transcription des ARNm chez la levure (A) et les métazoaires (B)

(D’après Porrua and Libri, 2015). A) Le complexe CPF-CF est recruté au niveau du site de

polyadénylation de l’ARN naissant et du CTD de l’ARN polymérase II, il va ensuite cliver et

polyadényler l’ARNm. Par la suite, le complexe d’initiation est libéré de la chromatine. Le modèle

allostérique propose que le CPF-CF après libération de l’ARNm change la conformation de l’ARN

polymérase II qui perd les facteurs d’élongation et par conséquent arrête la transcription. Le modèle

propose que l’exoribonucléase Rat1/Dhp1 dégrade le fragment RNA restant accroché à la

polymérase, ce qui va déstabiliser cette dernière et permettre son relargage de la chromatine. B)

Chez les métazoaires, le mécanisme est similaire et implique en plus l’hélicase SetX qui va résoudre

les R-loop pour laisser le passage de XRN2 l’homologue de Rat1 et Dhp1 chez l’Homme.

3.3.2. Implication de l’exosome dans la terminaison de la transcription chez

S. cerevisiae

En plus des ARNm, l’ARN polymérase II transcrit un très grand nombre d’ARN

non-codants. Chez la levure S. cerevisiae, la terminaison de transcription de ces ARN

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codants, dont les CUTs, les snRNAs et les snoRNAs, implique l’exosome, TRAMP et le

complexe NNS composé de Nrd1, Nab3 et Sen1 (voir Tableau 1). Le complexe NNS contient

deux protéines de liaison à l’ARN, Nab3 et Nrd1, qui vont reconnaitre une séquence

spécifique présente dans toutes les cibles de cette voie de terminaison (Carroll et al., 2007;

Porrua et al., 2012). Nrd1-Nab3 vont se fixer sur cette séquence spécifique aux ARN

naissants. Nrd1 va en plus interagir directement avec l’ARN polymérase II (Vasiljeva et al.,

2008; Wlotzka et al., 2011). Par la suite Nrd1-Nab3 vont recruter l’hélicase Sen1 à ARN et

ADN qui va déloger la polymérase en transcription. Contrairement à son homologue SETX

humain, il a été montré que Sen1 n’est pas capable de résoudre les structures R-loop, et qu’à

l’inverse la présence d’hybrides ADN-ARN va inhiber la terminaison de transcription par le

complexe NNS (Porrua and Libri, 2013).

Le clivage du transcrit pour la terminaison des lncRNAs par le complexe NNS n’a

jamais été montré. Cependant ces transcrits sont rapidement pris en charge par l’exosome

et TRAMP après leur libération de la chromatine. Le couplage entre la terminaison par le

NNS et la dégradation des ARN passe par une interaction physique entre Nrd1 et la protéine

Trf4 du complexe TRAMP après la libération de la polymérase. La liaison de Nrd1 à l’ARN

polymérase ou à Trf4 est mutuellement exclusive, permettant de coordonner

temporellement les évènements de terminaison de transcription en premier lieu puis de

dégradation des lncRNAs par l’exosome (Tudek et al., 2014; Vasiljeva and Buratowski, 2006).

Cependant ce système ne semble pas être conservé chez les autres organismes

suggérant une diversité des mécanismes de terminaison des ARN non-codants au cours de

l’évolution.

3.3.3. Implication de l’exosome pour la terminaison de transcription chez S.

pombe

Une étude reposant sur des techniques de transcriptomique à haut débit a permis de

mettre en évidence que lorsque la nucléase Dis3 ou la protéine du cœur de l’exosome Rrp41

sont éliminées, de nombreux ARNm et lncRNAs sont accumulés avec une séquence 3’ plus

longue par rapport à celle observée dans des cellules sauvages. Dans ces conditions, on

retrouve au niveau de leurs gènes respectifs, l’ARN polymérase II associée avec la

chromatine en aval du PAS (Poly Adenylation Sites) classique, confirmant un défaut de

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terminaison de transcription (Lemay et al., 2014). Cette étude montre que l’exosome est

associé à la chromatine des régions transcriptionnellement actives des lncRNAs. Elle

confirme les études réalisées chez la Drosophile et l’Homme montrant aussi un recrutement

de l’exosome à la chromatine des gènes en cours de transcription (Andrulis et al., 2002; Basu

et al., 2011). Pour finir, cette étude montre que le recul (« Back-tracking ») de la polymérase

est essentiel à la terminaison de la transcription de ces gènes et propose que la polymérase

s’arrête au PAS et recule pour permettre une accessibilité du fragment 3’ de l’ARN naissant

à l’exosome (fig 21, Lemay et al., 2014).

Des travaux ont montré l’importante du « back-tracking » de l’ARN polymérase III

pour la terminaison de transcription chez les eucaryotes in vitro (Nielsen et al., 2013),

renforçant le modèle proposé par Lemay et al. Ce modèle « Torpedo reverse » est similaire

au modèle « Torpedo » dans le sens où ce serait la dégradation du fragment d’ARN naissant

restant qui déstabiliserait et libérerait l’ARN polymérase.

Figure 21 : Modèle de terminaison co-transcriptionelle par l’exosome (Lemay, et al. 2014). A) La

pause transcriptionnelle fréquemment associée au recul de la polymérase est provoquée par le

complexe CPF, exposant la partie 3’ de l’ARN naissant qui est alors dégradée par l’exosome : modèle

"Torpedo-reverse". B)Le clivage et la libération de l’ARN après transcription permet l’exposition de la

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Chapitre III : ARN et contrôle de la