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Chapitre III : Caractérisation initiale de la protéine Erh1 en tant que composant dans la machinerie

1. Contrôle de la différenciation cellulaire par le lncRNA nam1

1.1. Interférence de transcription médiée par nam1 en cis.

Le contrôle de l’entrée en différenciation par nam1 se base sur l’interférence de

transcription de celui-ci avec le gène byr2 localisé juste en aval. Ce processus de contrôle

d’un gène codant par la transcription d’un gène localisé à proximité de celui-ci se révèle être

un processus de régulation assez conservé au cours de l’évolution (Hiriart et al., 2012;

Jensen et al., 2013).

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En effet, bien qu'il ait été montré que de nombreux lncRNAs ont une fonction dans le

contrôle de l’expression des gènes en cis (voir Chapitre I de l’introduction), c’est parfois leur

transcription et non le lncRNA lui-même qui est responsable de la régulation génique de

gènes adjacents (Kornienko et al., 2013). Cette mise sous silence en cis médiée par la

transcription est appelée interférence de transcription (Shearwin et al., 2005) mais les

mécanismes impliqués sont encore peu caractérisés.

La régulation génique de byr2 par le lncRNA nam1 pourrait notamment être possible

par repositionnement des nucléosomes. En effet, le processus de transcription affecte

directement le positionnement des nucléosomes lorsque que l’ARN polymérase progresse le

long de l’ADN (Hughes et al., 2012; Valouev et al., 2011). Par conséquent, le passage de

l’ARN polymérase II lors de la transcription du lncRNA nam1 pourrait impacter le

positionnement des nucléosomes au locus byr2 inhibant sa transcription. Un exemple de ce

type de mécanisme a été montré chez la levure S. cerevisiae, où le gène SER3 est mis sous

silence par la transcription du lncRNA chevauchant SRG1. La transcription de ce lncRNA

augmente la densité des nucléosomes au niveau du promoteur de SER3 qui devient alors

transcriptionnellement inactif (Martens et al., 2004).

Cette interférence de transcription pourrait aussi provenir de modifications des

histones du promoteur de byr2. Certains « writers » de la chromatine interagissent avec

l’ARN polymérase active en cours de transcription (Brookes and Pombo, 2009). Dans le cas

du gène IME1 et du lncRNA IRT1 chez S. cerevisieae, il a été montré que la transcription de

IRT1, en plus de bloquer la fixation du facteur de transcription POG1 (voir chapitre III de

l’introduction), va entraîner des modifications d’histones au promoteur de IME1 via les

« writers » SET1/2 qui se fixent sur l’ARN polymérase en cours de transcription (van Werven

et al., 2012). Dans le cas de nam1, nos travaux montrent une absence de la marque H3K9me,

au niveau du promoteur de byr2. Cependant cette mise sous silence pourrait faire intervenir

d’autres marques d’hétérochromatine. Bien que peu probable, il n’est pas impossible que

des modificateurs de la chromatine, autre que des « writers » de H3K9me, soient recrutés et

« silencent » le promoteur de byr2. Si un tel recrutement existait il pourrait avoir lieu soit par

interaction sur le lncRNA nam1 via Mmi1, comme pour PRC2 au lncRNA Xist (Lee and

Bartolomei, 2013), soit en interagissant avec l’ARN polymérase en cours de transcription

elle-même, comme le système IME1/IRT1.

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Curieusement, dans tous les cas d’interférence de transcription connus jusque-là,

c’est l’activation transcriptionnelle (on/off) d’un lncRNA qui va provoquer la mise sous

silence du gène codant adjacent. Dans le cas du lncRNA nam1, nos travaux ont montré un

mécanisme différent. En effet, le lncRNA nam1 est produit constitutivement et c’est sa

terminaison de transcription qui est contrôlée pour empêcher l'interférence de transcription

(Touat‐Todeschini et al., 2017).

1.2. Contrôle de la terminaison par Mmi1 et l’exosome

1.2.1. Implication de l’exosome dans la terminaison de nam1

Nos travaux ont montré que c’est la terminaison de transcription du lncRNA nam1

qui est l’élément critique pour la régulation du gène byr2. Cette terminaison de transcription

est dépendante de la liaison de Mmi1 au lncRNA nam1, suggérant que Mmi1 va permettre

de recruter les éléments nécessaires à cette terminaison de transcription. Parmi ces

éléments, la sous-unité catalytique de l’exosome Rrp6, ainsi que le cofacteur de l’exosome

Cti1, entrainent tous les deux une accumulation du transcrit pervasif de nam1 lorsqu’ils sont

inactivés. Cela suggère qu'ils sont impliqués dans la terminaison de transcription du lncRNA

nam1. Cependant on ne peut pas exclure la possibilité que l’exosome n’agisse pas au niveau

de la terminaison de transcription de nam1, mais dans la dégradation du transcrit pervasif

de nam1 (nam1-L), qui ne serait alors visible qu’en l’absence de l’exosome. Malgré tout, nos

résultats ont montré par des techniques de précipitation de la chromatine (ChIP) anti ARN

polymérase II active, que la liaison de Mmi1 à nam1 est nécessaire à la terminaison de

transcription de nam1 et pas seulement à la dégradation du transcrit pervasif nam1-L.

L’exosome étant recruté par Mmi1 à ces mêmes cibles, nos résultats suggèrent qu’il est lui

aussi impliqués dans la terminaison de transcription bien que cela reste à confirmer.

Pour Cti1, nous n’avons pas montré s’il est recruté directement sur l’ARN de nam1.

Cependant nos résultats montrent que son absence provoque une diminution importante du

recrutement de Rrp6 à nam1. Qui plus est, La purification de Cti1 montre une très forte

interaction avec l’exosome, ainsi qu’une interaction non négligeable avec Mmi1. Ces

résultats laissent à penser que Cti1 va agir directement au sein de la machinerie de

surveillance pour le contrôle de nam1. Mais ces résultats n’excluent pas la possibilité d’une

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interaction indirecte de Cti1 à nam1. Il serait donc intéressant d’aller réaliser des RNA-IPs de

Cti1 à nam1 avec ou sans Mmi1. Ces résultats permettraient de savoir si Cti1 est directement

recruté à nam1, et si ce recrutement est Mmi1-dépendant.

De manière intéressante, Il a été montré que l’exosome peut avoir des fonctions

directes dans la terminaison de transcription chez la levure S. pombe (Lemay et al., 2014).

Afin de confirmer cette hypothèse, il est prévu de réaliser comme cela a été fait pour Mmi1,

des ChIP anti ARN polymérase II active en absence de rrp6 et cti1 pour confirmer leur

implication dans cette terminaison de transcription de nam1.

1.2.2. « Backtracking » de l’ARN polymérase

Dans leur étude, Lemay et al. (2014), proposent que la polymérase s’arrête

(« pause ») en aval du site de polyadénylation, induisant sont recul (Backtracking). Ce

« backtracking » de la polymérase permettrait d’exposer le fragment 3’ naissant qui serait

dégradé par l’exosome déstabilisant ainsi le complexe d’élongation. L’une des hypothèses

pour la terminaison de nam1 est que le recrutement de la machinerie de surveillance des

ARN par Mmi1 induit la pause de la polymérase et son « backtracking », laissant ainsi exposé

son brin 3’ accessible pour l’action de l’exosome et la libération du complexe d’élongation. Il

serait alors très intéressant de voir si la présence de Mmi1 induit cette « pause » de la

polymérase et ce « bactracking ». Les ChIP anti polymérase II réalisés au cours de notre

étude ne possèdent pas une résolution suffisante pour détecter la position de la polymérase

au nucléotide près. Cependant, par des techniques de NET-seq (Native Elongation

Transcript-sequencing) il est possible de détecter cette « pause » et ce « backtracking » (Churchman

and Weissman, 2011). Il serait alors intéressant de voir si dans des cellules WT il y a une

pause/bactracking de la polymérase, et si ce « backtracking » est perdu dans les mutants de

nam1 (nam1-1) et de mmi1Δ.

1.2.3. Clivage de l’ARN naissant nam1

Dans le mécanisme canonique de terminaison de transcription il est nécessaire de

cliver l’ARN au niveau de son site de polyadénylation (PAS) pour permettre l’accès de Dhp1

au fragment naissant attaché à l’ARN polymérase. Ce clivage est normalement réalisé par les

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endonucléase du complexe CPSF (Porrua and Libri, 2015). Cependant dans notre système,

bien que Dhp1 soit impliqué et soit enrichi dans la purification de Cti1, on ne retrouve pas

d’endonucléases dans l'interactome de Cti1. Ainsi, il est possible que ce soit l’activité

endonucléolytique de Dis3 qui permette ce clivage. Au cours de ma thèse j’ai d'ailleurs

obtenu des résultats préliminaires en accord avec cette hypothèse. En effet, en étudiant

l’implication de Dis3 à nam1, j’ai pu observer par RT-qPCR une accumulation des transcrits

pervasifs de nam1 (nam1-L) lorsque Dis3 est inactivée (données non montrées). Ce résultat

n’a été réalisé qu’une seule fois et nécessite d’être reproduit. Cependant ce résultat

préliminaire ne permet pas de distinguer si c’est l’activité endo- ou exo-nucléolytique de

Dis3 qui est responsable de l’accumulation du transcrit nam1-L. Des mutants de Dis3 ont été

produits dans un autre laboratoire, dans lesquels seule l’activité endonucléolytique ou seule

l’activité exonucléolytique de Dis3 est affectée (Lemay et al., 2014). Il serait alors intéressant

d'utiliser ces mutants et d'analyser par RT-qPCR et ChIP anti ARN polymérase II active, s'ils

sont impactés pour la terminaison de transcription de nam1, et quelle activité de Dis3 est

nécessaire pour cette terminaison.

1.2.4. Extension des fonctions connue de Mmi1

De manière intéressante, il a déjà été montré que Mmi1 et Rrp6 sont impliqués dans

la production d’un transcrit pervasif par leur recrutement à un lncRNA. Cependant, dans ce

cas-ci, il n’a pas été montré s’il s’agit d’un mécanisme de terminaison de la transcription ou

de dégradation par l’exosome du transcrit pervasif (Shah et al., 2014). En revanche, une

autre étude a mis en évidence une fonction de Mmi1 dans la terminaison de transcription

des ARNm méiotiques et la formation d’hétérochromatine facultative via l’exosome,

MTREC/NURS et l’exoribonucléase Dhp1 (Chalamcharla et al., 2015). Ces résultats ainsi que

nos travaux montrant que la terminaison de transcription médiée par Mmi1 a aussi lieu au

niveau des lncRNAs produits dans des régions d’hétérochromatine (Touat‐Todeschini et al.,

2017), suggèrent une extension des cibles de cette machinerie de terminaison de

transcription non canonique via Mmi1 et l’exosome.

Qui plus est, dans le cas du lncRNA nam1, une fonction vitale pour la cellule est

associée à ce mécanisme inédit de régulation génique : la différenciation sexuelle. Mmi1 a

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été initialement caractérisé comme un régulateur de l’expression des gènes méiotiques en

cycle végétatif. En effet, Mmi1 va recruter la machinerie de surveillance à un certain nombre

de cibles ARNm méiotiques et induire leur dégradation par l’exosome (Harigaya et al., 2006).

Nos travaux ont montré la fonction de Mmi1 dans régulation de la MAPKKK Byr2, qui

elle-même induit l’expression de master régulateur de la méiose Ste11. En conclusion, Mmi1 va

agir dans le processus de différenciation sexuelle, à la fois dans l’étape de méiose et d’entrée

en différenciation.