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Chapitre III : ARN et contrôle de la différenciation sexuelle

2. Inhibition de la différenciation sexuelle au cours du cycle végétatif chez S. pombe

2.2. Inhibition post-transcriptionnelle de la méiose par Mmi1

Etonnamment, plusieurs gènes indispensables à la méiose sont transcrits en cycle

végétatif chez S. pombe. Cependant, les ARNm produits ne sont pas traduits en protéines car

ils sont dégradés activement et très rapidement par la cellule pour empêcher une induction

inappropriée de la méiose. Au cœur de ce système de régulation, on retrouve la protéine de

liaison à l’ARN Mmi1 et une machinerie de surveillance des ARN qui comprend l’exosome

nucléaire (Chapitre II, Harigaya et al., 2006).

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L’inactivation du gène codant Mmi1 provoque un très fort défaut de croissance lié en

grande partie à la levée de la répression des gènes méiotiques, qui par conséquent vont être

exprimés et déclencher la méiose haploïde. Il a été montré que ce défaut de croissance est

partiellement secouru par l’inactivation de mei4, l’une des cibles principales de Mmi1 codant

pour un facteur de transcription clé dans la progression de la méiose (Harigaya et al., 2006).

2.2.1. Ciblage de Mmi1 sur les ARN méiotiques

Mmi1 est une protéine de liaison à l’ARN de la famille des protéines à domaine YTH

(YT521-B Homology). Ce domaine est conservé chez tous les eucaryotes étudiés (Stoilov et

al., 2002) et il permet la reconnaissance d’un motif hexa-nucléotidique (Yamashita et al.,

2012; Zhang et al., 2010).

Le domaine YTH des mammifères et de la levure S. cerevisiae reconnait la

méthylation m6A de l’ARN (N6-méthyladénine) (Schwartz et al., 2013; Xu et al., 2014).

Cependant malgré la forte conservation des domaines YTH (voir chapitre 1 des résultats),

des études récentes ont montré que Mmi1 ne reconnait pas cette marque de méthylation

m6A in vitro (Wang et al., 2016a; Wu et al., 2017).

Des travaux réalisés au sein du laboratoire en collaboration avec le laboratoire du

Prof. Masayuki Yamamoto ont mis en évidence que la protéine Mmi1 reconnait la séquence

DSR (Determinant of Selective Removal) composée d’une répétition en densité suffisante du

motif hexa-nucléotique UNAAAC. La présence d’au moins cinq motifs en tandem permet de

reconstituer le motif DSR et suffit au recrutement de Mmi1 in vitro (Yamashita et al., 2012) .

Mmi1 a été initialement identifiée comme une protéine pouvant cibler les ARNm

méiotiques possédant la séquence DSR (Harigaya et al., 2006). Quatre gènes possédant cette

séquence DSR ont été alors identifiés comme cible de Mmi1 : les gènes mei4, ssm4, rec8 et

spo5. La taille et la densité en motifs est variable selon les gènes, allant de six motifs sur 156

nt pour le gène spo5, à sept motifs sur 545 nt pour le gène ssm4 (Fig25, Yamashita et al.,

2012). Les ARNm méiotiques possédant ces motifs s’accumulent fortement dans des cellules

où ce motif ou Mmi1 sont mutés (Chen et al., 2011; Harigaya et al., 2006; Hiriart et al.,

2012).

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Des travaux sur l’identification des cibles de Mmi1 associant des approches de

bio-informatique et des techniques de précipitation de l’ARN suivies de séquençage ARN à haut

débit ont été réalisés au laboratoire. Ils ont mis en évidence la présence d’un grand nombre

de cibles ARN reconnues par Mmi1. Parmi ces cibles on retrouve les ARNm méiotiques

initialement identifiés, mais aussi de nouveaux ARN codants et non-codants. Ces travaux

seront présentés plus en détail dans le chapitre I de la partie résultats.

Figure 25 : Les séquences DSR et l’emplacement des motifs UNAAAC sur les gènes méiotiques.

Représentation schématique de mei4, ssm4, spo5 et rec8, quatre gènes ciblés par Mmi1. La taille et

le contenu en motif UNAAAC sont variables selon les cibles. Le motif DSR peut être localisé dans la

séquence codante ou chevauchant la partie 5’UTR comme c’est le cas pour spo5 et rec8. Les 5’ et 3’

UTR sont représentés par des boites noires, les séquences codantes par des boites grises et les

introns par des lignes noires. Figure extraite de Hiriart et al., 2012.

2.2.2. Recrutement de la machinerie de surveillance des ARN

La fixation de Mmi1 sur ces ARNm méiotiques entraine le recrutement de toute une

machinerie de surveillance à ces cibles. Plusieurs complexes protéiques ont été identifiés

comme acteurs dans ce système de surveillance des ARN méiotiques. Parmi eux, on retrouve

le spliceosome (McPheeters et al., 2009), les protéines impliquées dans la polyadenylation

des ARN (Egan et al., 2014; St-André et al., 2010), ainsi que MTREC/NURS (Egan et al., 2014;

Lee et al., 2013; Sugiyama and Sugioka-Sugiyama, 2011; Zhou et al., 2015). Toutes ces

protéines agissent de concert avec l’exosome, rapidement identifié pour son implication

dans la dégradation des ARN cibles de Mmi1 (Harigaya et al., 2006).

a) Régulation des gènes méiotiques par l’épissage

A un niveau moléculaire, la méiose chez S. pombe implique une cascade de

changements dans l’expression des gènes (Harigaya and Yamamoto, 2007). Ces

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changements d’expression sont dus substantiellement au programme d’épissage et de

stabilité des ARN messagers (Averbeck et al., 2005; McPheeters et al., 2009). Cette

régulation post-transcriptionelle du contrôle de l’épissage a notamment était montrée au

niveau du gène crs1 qui code pour une cycline nécessaire à la méiose. En effet la

transcription de crs1 ne varie pas au cours de la méiose, mais la maturation de l’ARN crs1 est

bloquée. Mmi1 se fixe sur l’ARN pré-messager de crs1 dont il empêche l’épissage. Cet ARN

est ensuite pris en charge par l’exosome recruté lui aussi par Mmi1 (McPheeters et al.,

2009). L’action inhibitrice de l’épissage par Mmi1 a été suggérée pour au moins six autres

cibles impliquées dans la différenciation sexuelle de S. pombe (Chen et al., 2011).

Chez l‘Homme, la protéine YTHDC1 une protéine à domaine YTH nucléaire apparenté

à Mmi1, a été mise en évidence pour moduler positivement ou négativement l’épissage

(Stoilov et al., 2002; Xiao et al., 2016) suggérant, en plus d’une conservation du lien Mmi1 et

l’exosome, une extension des fonctions de Mmi1 au cours de l’évolution.

b) Régulation des gènes méiotiques par la polyadénylation

Les ARN méiotiques sont préalablement polyadénylés par la poly(A) polymérase

canonique Pla1 avant d’être activement dégradés par l’exosome. En effet, Mmi1 interagit

directement avec Pla1 et Rna15 (Yamanaka et al., 2010) dont l’orthologue chez S. cerevisiae

est impliqué dans la maturation de l’extrémité 3’ des ARNm (Kessler et al., 1996). De plus,

l’inactivation de Mmi1 dans les cellules entraine une accumulation des ARNm méiotiques

avec une queue poly(A) plus courte, suggérant fortement l’implication de Mmi1 dans la

polyadénylation de ses cibles via son interaction avec Pla1 et Rna15 (fig 26, St-André et al.,

2010; Yamanaka et al., 2010).

Mmi1 interagit aussi avec Pab2, une « Poly(A) binding protein » (Yamanaka et al.,

2010). A l’heure actuelle, il est admis que les protéines de liaison aux queues poly(A) sont

utiles à la stabilisation et à l’export des ARNm bien que Pab2 soit aussi impliqué dans la

dégradation exosome-dépendante des snoRNA (Voir chapitre II, Lemay et al., 2010). Ainsi,

Pab2 pourrait également agir sur les ARNm méiotiques ciblés par Mmi1 pour aider à leur

dégradation par l’exosome (Fig26, Lemay et al., 2010; St-André et al., 2010; Yamanaka et al.,

2010). Comme décrit dans le chapitre II, la sous-unité Cid14 du complexe TRAMP

polyadényle les ARN ciblés par l’exosome pour aider ce dernier dans sa fonction de

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dégradation. La polyadénylation des ARNm méiotiques pourrait être nécessaire pour

l’ancrage des ARN à dégrader à l’exosome comme cela a été décrit pour le complexe TRAMP.

Figure 26 : Modèle de dégradation des ARN méiotiques cibles de Mmi1 par l’exosome, après

polyadénylation. Modèle proposé et adapté de (Yamanaka et al., 2010). (A) Mmi1 recrute le

complexe de polyadénylation par son interaction avec Pla1 et Rna15. (B) Pab2 est recruté sur la

queue Poly(A). (C) Mmi1 en collaboration avec Pab2 aide au recrutement de l’exosome et à la

dégradation des ARNm méiotiques.

Des travaux plus récents ont montré que Pla1 et Pab2 forment un sous complexe du

complexe MTREC/NURS qui recrute et assiste l’exosome dans sa fonction à différentes

cibles, dont les ARNm méiotiques (Egan et al., 2014; Lee et al., 2013; Zhou et al., 2015).

c) Régulations des gènes méiotiques par le complexe MTREC/NURS

Le cœur du complexe MTREC contient, en plus de Mtl1 (voir chapitre II de

l’introduction), la protéine Red1. Cette protéine à doigts de zinc a été identifiée initialement

pour agir dans la voie de dégradation des ARN ciblés par Mmi1 (Sugiyama and

Sugioka-Sugiyama, 2011) ainsi que dans la formation d’hétérochromatine (Zofall et al., 2012).

Les travaux réalisés au sein du laboratoire ont aussi montré que Red1 agit en

parallèle du RNAi et de la méthylase Clr4 au niveau des ARN méiotiques cibles de Mmi1,

pour induire leur mise sous silence via leur dégradation par l’exosome et la formation des

ilots d’hétérochromatine facultative (Hiriart et al., 2012)

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Les études récentes sur MTREC/NURS ont montré que Red1 agit au sein d’un

complexe plus large pour aider à cette formation d’hétérochromatine facultative et aider à

la dégradation des cibles de Mmi1 par l’exosome (Egan et al., 2014; Lee et al., 2013; Zofall et

al., 2012).

Au sein de ce complexe on retrouve aussi la protéine Iss10 (Insertional suppressor of

sme2∆), qui agit en parallèle de Mmi1 et Red1 dans l’élimination des ARNm méiotiques par

l’exosome. Son élimination de la cellule entraine notamment la perte de l’interaction entre

Mmi1 et Red1 (Yamashita et al., 2013). En accord avec cela, l’élimination de iss10 dans les

cellules entraine une diminution de l’interaction entre MTREC (Mtl1 et Red1) et Mmi1. Ces

données suggèrent que Iss10 est un lien important entre Mmi1 et MTREC/NURS (Fig 16,

Zhou et al., 2015).

Le lien entre Mmi1 et la machinerie de surveillance des ARN a fait l’objet d’une partie

de mes travaux de thèse, ces données seront par conséquent détaillées dans les chapitres II

et III de la partie « Résultats ».