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Reconnaissance des haptènes par l’immunité innée

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II. L’eczéma allergique de contact

2. Physiopathologie de l’eczéma allergique de contact : la phase de sensibilisation

2.1. Reconnaissance des haptènes par l’immunité innée

2.1.1. Orchestration de la réponse immunitaire innée moléculaire : activation des voies de signalisation

Il est désormais acquis que la seule présence d’un Ag étranger à l’organisme est insuffisante pour déclencher une réponse immunitaire adaptative. L’activation du système immunitaire inné est également requise (Kaplan et al., 2012). Ceci est possible par le potentiel irritant des haptènes. Les propriétés irritantes d’un composé chimique peuvent causer une inflammation cutanée visible après une seule exposition via l’activation du système immunitaire inné, participant ainsi à l’induction d’un EAC (Grabbe et al., 1996).

Les allergisants de contact activent les voies de signalisation du système immunitaire inné de manière directe et indirecte (Figure 16). Les haptènes métalliques comme le Co2+ et le Ni2+ lient directement le TLR4 humain et en activent la signalisation subséquente (Raghavan et al., 2012). D’autres allergisants de contact tels que le TNCB ou l’oxazolone induisent la génération de fragments d’acide hyaluronique qui activent les TLR2 et TLR4 (Esser et al., 2012). La signalisation induite par les TLR activés et leurs protéines adaptatrices Myd88 et Trif va conduire à l’activation de NF- B, des MAPK, et des IRF 3 et 7, ainsi qu’à la production de cytokines pro-inflammatoires et de chimiokines (Figure 16). Par ailleurs, les allergisants de contact vont générer des espèces réactives de l’oxygène (ERO) et la libération d’ATP. Les ERO contribuent à la dégradation de l’acide hyaluronique de la MEC et génèrent des fragments pro-inflammatoires importants pour l’activation et la migration des DC (Muto et al., 2014). D’autre part, les produits chimiques génèrent des ERO qui augmentent l’activité des hyaluronidases via p38 MAPK participant à la génération de fragments d’acide hyaluronique (Monzon et al., 2010). De plus, les ERO promeuvent la signalisation des TLR ainsi que l’activation de l’inflammasome, conduisant à la production des cytokines pro- inflammatoires IL-1 et IL-18 (Martinon, 2010; Matsuzawa et al., 2005). L’ATP généré par les cellules cutanées au contact des molécules allergisantes active le récepteur P2X7 qui participe également à l’activation de l’inflammasome. Tous ces mécanismes sont nécessaires à l’activation des DC et permettent de déclencher la phase de sensibilisation (Martin, 2015).

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Figure 16. Activation directe et indirecte des voies de signalisation du système immunitaire inné (Martin, 2015).

2.1.2. Orchestration de la réponse immunitaire innée cellulaire

Parmi les évènements précoces lors de l’initiation d’un EAC, l’activation des mastocytes joue un rôle important (Dudeck et al., 2011). Par un mécanisme encore inconnu aujourd’hui, les allergisants de contact entrainent l’activation des mastocytes qui vont dès lors secréter de l’histamine. L’histamine agit ainsi sur les cellules endothéliales, augmentant la perméabilité vasculaire et permettant l’infiltration de polynucléaires neutrophiles (PN) (Biedermann et al., 2000). La déplétion des mastocytes avant la sensibilisation par injection de toxine diphtérique (DT) à des souris Mcpt5-Cre croisées avec la lignée iDTR surexprimant le récepteur à la DT, l’HSC au DNFB est fortement réduite en comparaison avec les souris sauvages (Dudeck et al., 2011). De même, les souris Mcpt5-Cre croisées avec la lignée R-DTA exprimant la DT sont constitutivement déficientes en mastocytes et développent une HSC réduite en comparaison aux souris sauvages en réponse au DNFB (Dudeck et al., 2011). De plus, la présence des mastocytes est requise pour le recrutement des PN (Weber et al., 2014).

Les PN sont également des cellules effectrices de l’immunité innée importantes pour le développement d’une HSC. De même que les mastocytes, les PN sont requis pour initier la sensibilisation : la déplétion de neutrophiles par l’injection d’un anticorps anti-Ly6G inhibe le développement d’une HSC en réponse au TNCB (Weber et al., 2014). La protéine anti-

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apoptotique Mcl1 est requise pour la survie des PN. Les souris délétées de façon conditionnelle pour Mcl1 spécifiquement dans les cellules myéloïdes sont déficientes en neutrophiles. Ces souris ne développent pas d’HSC en réponse au TNCB, et la production de cytokines pro-inflammatoires telles que l’IL-1 dans les tissus de l’oreille est plus faible. De plus la migration des DC jusque dans les ganglions drainants est fortement diminuée (Weber et al., 2014). Enfin, la déplétion des PN avant l’élicitation altère le recrutement de LT CD8+ (Engeman et al., 2004).

Bien qu’il ait été montré récemment que les NK possèdent des propriétés de cellules de l’immunité adaptative (Paust et al., 2010b), ce sont des cellules de l’immunité innée retrouvées dans la peau murine et humaine en présence d’une HSC. Ce sont des cellules pro- inflammatoires capables de rapidement produire de l’IFN , amplifiant ainsi la réponse T (Carbone et al., 2010). Une sous-population de NK hépatiques CD49a+DX5-NK est recrutée au niveau cutané et induit une HSC à l’oxazolone chez la souris (Peng et al., 2013). Les souris déficientes en LT et LB (souris invalidées pour le gène recombination activating gene [rag] : rag-/-) développent un HSC en réponse aux haptènes tels que le DNFB ou l’oxazolone, contrairement aux souris déficientes en LT, LB et NK (O’Leary et al., 2006). De plus, des transferts adoptifs de NK isolés de souris rag-/-sensibilisées par le DNFB et transférées à des souris rag-/- naïves entrainent le développement d’une HSC (O’Leary et al., 2006). Les NK sont donc nécessaires et suffisants pour développer une HSC. Ceci suggère que ces souris développent une mémoire immunologique spécifique de l’haptène via les NK (Paust et al., 2010a, 2010b). Une fois activés, les NK exercent leurs fonctions cytotoxiques contre les cellules cibles (infectées ou transformées) et produisent diverses cytokines pro- inflammatoires telles que MIP-1 , TNF et IL-22.

D’autre part, la phase précoce de l’initiation d’une HSC implique l’activation CD1d- dépendante des cellules NKT hépatiques par l’accumulation de lipides stimulateurs dans le foie après un contact de la peau avec l’allergisant cutané Trinitrophenyl chloride (TNP-Cl) (Dey et al., 2011). Les NKT produisent de l’IL-4 tandis que les cellules stromales et les mastocytes produisent de l’IL-33. Ceci conduit à l’activation des cellules B-1, impliquées tant dans l’initiation que dans la régulation de l’HSC (Komai-Koma et al., 2011). Les LT semblent également requis pour l’initiation d’une HSC (Askenase et al., 2011), et leur capacité à

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produire de l’IL-17 ainsi que leur forte présence dans la peau en fait des bons candidats pour initier l’inflammation (Cai et al., 2011).

Les monocytes sont aussi recrutés sur le site d’une inflammation, et exercent diverses fonctions immunitaires : ils assurent le renouvellement des LC activées ayant quitté l’épiderme, et sont les précurseurs des DC inflammatoires et des macrophages (Merad et al., 2013). Les monocytes interviennent dans la réponse inflammatoire par leur production de cytokines comme le TNF , l’IL-1 , et l’IL-6 (Danis et al., 1995). La sensibilisation de souris par injection intraveineuse d’IgE anti-TNP et l’élicitation le jour suivant par une injection intradermale de TNP conjugué à l’albumine conduit à une inflammation chronique allergique. Dans ce modèle, les monocytes inflammatoires CCR2+ sont recrutés dans les lésions cutanées d’origine allergique. Cependant, la réaction allergique chez des souris invalidées pour ccr2 est majorée en comparaison avec les souris sauvages et le recrutement des monocytes est altéré, suggérant un rôle anti-inflammatoire de ces monocytes. En effet, les basophiles sécrètent de l’IL-4 promouvant la différenciation des monocytes en macrophages de type M2 au phénotype anti-inflammatoire (Egawa et al., 2013).

2.1.3. Signalisation par libération de médiateurs moléculaires

Dans un contexte inflammatoire, les cellules de la peau communiquent avec les autres acteurs du système immunitaire par la libération de cytokines (Figure 17).

Les KC ont un rôle crucial dans l’initiation de l’inflammation via la sécrétion d’IL-24 suite à l’activation du récepteur au TNF (TNF-R) (Pasparakis et al., 2014). L’épiderme met en place un gradient d’IL-34 et de Macrophage colony-stimulating factor (M-CSF) qui va attirer les progéniteurs sanguins des LC, permettant ainsi leur renouvellement après qu’ils aient quitté l’épiderme suite à la capture de l’haptène (Wang et al., 2012). Concomitamment, les DC, les KC et les fibroblastes produisent des cytokines de la famille de l’IL-1 et du TNF, qui participent à l’activation et à la migration des DC en diminuant l’E-cadhérine à leur surface ce qui rompt leur adhésion aux KC.

Cependant, le derme et l’épiderme ne produisent pas uniquement des cytokines pro- inflammatoires : la sécrétion d’IL-4 par les basophiles permet de polariser les macrophages tolérogènes M2 qui vont produire les cytokines anti-inflammatoires IL-10, du TGF , ainsi que du VEGF (Figure 17). L’IL-4 permet également de réduire l’expression du TNF-R impliqué

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dans l’activation et la migration des DC. Le TGF augmente l’expression de l’E-cadhérine et diminue CCR7 inhibant ainsi la maturation et la migration des DC (Pasparakis et al., 2014).

Figure 17. Médiateurs de la réponse immune cutanée D’après Pasparakis et al., 2014

L’ensemble de ces médiateurs va conduire à l’activation du système immunitaire adaptatif, et ceci est possible par l’activation des DC. Après la capture de l’haptène, les DC vont migrer jusqu’aux ganglions drainants (dLN) où elles vont présenter l’haptène aux LT naïfs et ainsi initier une réponse lymphocytaire T spécifique de l’haptène. Les DC vont sécréter diverses

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cytokines qui vont orienter la prolifération et la polarisation des LT, ceci sera détaillé dans la partie II.2.3.

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