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Physiopathologie de l’eczéma allergique de contact : la phase d’élicitation

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II. L’eczéma allergique de contact

3. Physiopathologie de l’eczéma allergique de contact : la phase d’élicitation

Certains individus préalablement sensibilisés à un haptène et réexposés au même haptène vont développer une réaction inflammatoire cutanée : il s’agit de la phase d’élicitation de l’EAC, cliniquement apparente. Cette phase d’élicitation, ou phase efférente, se déroule en trois étapes : (1) le recrutement précoce des LT CD8+ effecteurs activés au cours de la sensibilisation environ 2h après réexposition à l’haptène, via l’activation de l’endothélium suite à l’inflammation cutanée induite par l’haptène, (2) la production subséquente de cytokines/chimiokines conduit à l’activation des cellules résidentes de la peau, engendrant la libération de nouveaux médiateurs de la réaction inflammatoire, (3) le recrutement des

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leucocytes, et tout particulièrement des neutrophiles, des macrophages et des LT, qui induisent progressivement les changements cliniques et morphologiques caractéristiques de l’EAC (Vocanson et al., 2009).

3.1. Le recrutement précoce des TEFF

Le recrutement des TEFF est initié dans le foie durant la phase de sensibilisation par

l’activation de NKT invariants (iNKT) producteurs d’IL-4, dans les heures qui suivent le contact de l’haptène avec la peau. Les iNKT vont entrainer la migration de sous-populations de LB, B1-like, jusqu’aux organes lymphoïdes et par conséquent la production d’anticorps IgM spécifiques de l’haptène dès 24h post-sensibilisation (Campos et al., 2006). En cas de réexposition, les IgM spécifiques vont lier l’haptène, formant un complexe qui va activer le complément et générer du C5a (Tsuji et al., 2000). Le C5a va stimuler les mastocytes environnants et les plaquettes via leurs récepteurs au C5a, entrainant la libération de la sérotonine vasoactive et de TNF (Askenase et al., 1980; Tamagawa-Mineoka et al., 2007). Ceci va entrainer une activation vasculaire locale et le recrutement de TEFF spécifiques

préalablement stimulés par l’haptène lors de la phase de sensibilisation, environ 2h après la réexposition.

En réponse au nickel, les LT CD8+ activés vont sécréter de l’IFN et du TNF , puissants activateurs des kératinocytes. Ces deux cytokines vont induire l’expression d’ICAM-1 et du CMH II à la surface des KC, ainsi que la libération de CXCL-9, CXCL-10 et CXCL-11 (Albanesi et al., 2001, 1999). En plus des LT producteurs d’IFN , un certain nombre de LT producteurs d’IL-17 ont été identifiés chez des patients allergiques au nickel (Albanesi et al., 2000). L’IL- 17 augmente de façon spécifique et dose-dépendante l’expression d’ICAM-1 à la surface des KC ainsi que la sécrétion d’IL-8 en réponse à l’IFN et au TNF (Albanesi et al., 1999). L’IL-17 agit ainsi en synergie avec l’IFN et le TNF pour activer les KC. Ceci a été confirmé par des études in vivo : les souris invalidées pour le gène de l’il-17 présentent un défaut d’activation des LT spécifiques du TNCB et développent par conséquent une HSC au TNCB significativement réduite par rapport aux souris sauvages (Nakae et al., 2002). De plus, la neutralisation de l’IL-17 par un anticorps monoclonal supprime la phase d’élicitation en réponse au DNFB chez la souris (He et al., 2006). Il a par ailleurs été montré une diminution

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significative de la réponse allergique chez des souris déficientes en IFN ou aux récepteurs à l’IFN (Wakabayashi et al., 2005).

Bien que le rôle délétère des cytokines soit indiscutable, c’est le caractère cytotoxique des LT CD8+ qui conduit au développement d’une HSC. Les LT CD8+ vont être différenciés en LT cytotoxiques (CTL) libérant de la perforine, protéine cytolytique qui va former des pores dans les cellules cibles, ainsi que des granzymes, sérine-protéases qui rentrent par les pores générés par la perforine, entrainant ainsi l’apoptose des cellules cibles. L’interaction de Fas, sur la cellule cible, et de Fas-ligand (Fas-L), appartenant à la famille du TNF, présent sur le CTL, va également mener à l’apoptose de la cellule cible. La lyse des cellules par les CTL ainsi que la libération de cytokines pro-inflammatoires telles que l’IFN et le TNF sont responsables des dommages tissulaires cutanés. Parallèlement, les LT CD4+ sont différenciés en cellules Th1 et vont également produire de l’IFN , du TNF ainsi que de l’IL-2 (Kaech and Cui, 2012).

Les souris doubles déficientes pour la perforine et fas-L sont incapables de développer une HSC au DNFB malgré la présence de LT CD8+ producteurs d’IFN sur le site de contact de l’haptène (Kehren et al., 1999). Les KC sont les cibles principales de la cytotoxicité des LT CD8+. En effet, l’apoptose des KC est concomitante avec l’arrivée des LT CD8+ dans l’épiderme, et augmente proportionnellement avec le nombre de LT CD8+ infiltrés (Akiba et al., 2002).

3.2. Rôle des chimiokines et cytokines dans le recrutement des TEFF

Le recrutement de TEFF dans la peau est orchestré par une libération séquentielle et

coordonnée de chimiokines par les cellules cutanées résidentes ou nouvellement recrutées. L’haptène induit une inflammation locale via la libération de TNF et d’IL-1 par les kératinocytes. Ces signaux inflammatoires entrainent l’extravasation des TEFF du sang vers la

peauen augmentant l’expression de VCAM-1/ICAM-1 à la surface des cellules endothéliales et des E-/P-sélectines à la surface des TEFF (Vocanson et al., 2009). Des études d’hybridation

in situ sur des biopsies de peau de patients atteints d’EAC à des allergènes variés tels que le NiSO4 et la para-phénylènediamine (pPD) ont mis en évidence que les kératinocytes de la

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Chemotactic Protein (MCP-1), est détecté 6h après réexposition à l’haptène NiSO4 ou pPD et

précède l’infiltrat de monocytes et de LT (Goebeler et al., 2001). De plus, des biopsies cutanées de patients allergiques au nickel ont révélé que CCL27 est fortement produit par les kératinocytes de la couche basale après une exposition au nickel, attirant les LT CLA+ exprimant CXCR10, récepteur de CCL27 (Homey et al., 2002). De plus, une étude menée chez des patients allergiques au nickel, au cobalt ou aux fragrances a montré que les LT recrutés sur le site inflammatoire durant la phase précoce d’élicitation sont principalement des Th1 qui sécrètent de l’IFN mais également des Th17 sui sécrètent de l’IL-17, de l’IL-22 et du TNF (Pennino et al., 2010). L’IFN produit par les TEFF renforce l’expression d’ICAM-1 et du

CMH II à la surface des kératinocytes, en faisant ainsi des cibles privilégiées de la cytotoxicité des LT CD8+ (Traidl et al., 2000). S’ensuit dès lors une phase d’amplification de l’EAC : les kératinocytes produisent abondamment CXCL9, CXCL10 et CXCL11 environ 12h après l’application d’haptènes tels que le nickel ou la pPD sur une peau sensibilisée et atteint un pic 72h après, parallèlement à l’infiltration lymphocytaire (Goebeler et al., 2001). Ces chimiokines (CXCL9, CXCL10 et CXCL11) se lient sur leur récepteur CXCR3, exprimé sur 70% des LT infiltrés (Albanesi, 2010). Les kératinocytes produisent également les chimiokines CCL27, CCL5, CCL22 et CCL1. Les chimiokines CCL22 et CCL1 sont produites de manière plus faible et plus tardive, 24h à 96h après l’exposition à l’haptène (Albanesi et al., 2001).

Cette production complexe de cytokines et chimiokines génère et amplifie la réponse inflammatoire initiée par l’exposition à l’haptène. Par ailleurs, elle est responsable d’une seconde vague d’infiltration leucocytaire.

3.3. L’amplification de l’inflammation

Les cellules recrutées comprennent les polynucléaires neutrophiles, les LT (70% des LT infiltrés sont CXCR3+) et des monocytes inflammatoires capables de se différencier en macrophages et en DC.

Les lésions cutanées inflammatoires présentes dans l’EAC ou dans le psoriasis sont caractérisées par un recrutement tardif et massif des neutrophiles. L’intensité de l’infiltration neutrophilique est corrélée avec le nombre de LT CD8+ activés par l’Ag recrutés au niveau du site cutané réexposé à l’Ag. De ce fait, l’EAC est réduit en l’absence de

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polynucléaires neutrophiles : les souris déficientes en PN par délétion conditionnelle de mcl1 ne développent pas d’HSC en réponse au TNCB (Weber et al., 2014). La déplétion des PN par l’injection d’un anticorps anti-Ly6G, 24h avant l’élicitation avec du TNCB, inhibe la réaction allergique (Weber et al., 2014). Les mastocytes produisent du TNF et de l’IL-8, et recruteraient ainsi les neutrophiles exprimant constitutivement CXCR1 et CXCR2 (Biedermann et al., 2000). Bien qu’il soit désormais établi que les mastocytes jouent un rôle primordial dans la physiopathologie de l’EAC, les mécanismes par lesquels ils sont activés et interagissent avec les LT sont encore à ce jour méconnus.

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