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La régulation de l’eczéma allergique de contact

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II. L’eczéma allergique de contact

4. La régulation de l’eczéma allergique de contact

Initialement, la régulation de l’EAC fut attribuée à l’élimination rapide (quelques jours) de l’haptène dans la peau. Cependant, des études plus récentes ont mis en évidence que certains haptènes expérimentaux tels que l’isothiocyanate de fluorescéine (FITC), haptène dérivé de la fluorescéine réagissant avec les groupements nucléophiles des protéines, étaient capables de rester plus de deux semaines dans l’épiderme après une application cutanée unique (Saint-Mezard et al., 2003).

La régulation de l’EAC peut être divisée en deux phases : une phase centrale et une phase périphérique (Gorbachev and Fairchild, 2001). La phase de régulation centrale contrôle l’expansion et la différenciation des LT CD8+ effecteurs dans les dLN, tandis que la phase de régulation périphérique limite le processus inflammatoire au niveau cutané.

4.1. Régulation par l’environnement cutané

Dans les heures qui suivent l’exposition cutanée à un haptène et la libération d’interleukines pro-inflammatoires induite par l’haptène, les kératinocytes produisent des cytokines immunosuppressives telles que l’IL-10 et le TGF (Cavani et al., 2007). L’IL-10 inhibe la production de médiateurs inflammatoires (IFN , IL-6, IL-1, TNF ), la modulation de la maturation des DC et par conséquent l’activation des LT effecteurs (O’Garra and Vieira, 2004). Il a été montré que les mastocytes représentent une source importante d’IL-10, permettant ainsi de réguler le nombre de leucocytes sur le site de contact avec l’haptène et donc de réguler l’inflammation (Grimbaldeston et al., 2007). Les grandes quantités d’IFN

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libérées durant l’inflammation augmentent l’expression du CMH II à la surface des KC, ce qui stimule leur capacité de présentation de l’haptène. L’absence de signaux de co-stimulation peut néanmoins conduire à l’anergie ou à la mort de LT dont les TCR sont déjà engagés (Cavani et al., 2003b). D’autre part, il a été mis en évidence que les cellules endothéliales diminuent l’expression de E- et P-sélectine à leur surface en présence d’IFN , ce qui limite l’arrivée de leucocytes nouvellement infiltrés dans le derme (Melrose et al., 1998).

Cependant, bien que ces divers mécanismes soient importants dans la régulation de l’inflammation, il a été démontré que la régulation de l’EAC est principalement médiée par une sous-population de LT CD4+ suppresseurs/régulateurs (Xu et al., 1996). Ce sont ces cellules qui régulent progressivement la réponse inflammatoire (Grimbaldeston et al., 2007).

4.2. Les cellules T régulatrices conventionnelles

De plus en plus d’évidences indiquent que les pathologies cutanées inflammatoires et/ou allergiques telles que le psoriasis, l’EAC et la dermatite atopique sont le résultat d’une déficience des mécanismes régulateurs. Les LT CD4+ CD25+ sont des acteurs particulièrement importants dans le maintien de la tolérance et dans la régulation de l’HSC en réponse aux haptènes chez la souris et l’Homme (Cavani et al., 2003a; Dubois et al., 2003).

4.2.1. Les LT régulateurs CD4+ CD25+ FoxP3+

Les LT CD4+ CD25+ FoxP3+ représentent 5 à 10% des LT CD4+ chez l’Homme et la souris. Ils sont impliqués tant dans la tolérance aux auto-Ag que dans le contrôle des réponses immunitaires contre les pathogènes, les alloAg et les allergènes (Sakaguchi et al., 2006). Ces LT sont divisés en deux familles : les Treg naturels (nTreg) se développant dans le thymus, et les Treg inductibles iTreg, différenciés à partir de LT naïfs en présence de TGF se développant en périphérie.

Une étude réalisée sur des souris transgéniques FoxP3 exprimant les protéines chimériques CD2 et CD52 humaines a mis en avant l’existence de LT CD4+ FoxP3+ mémoires et naïfs à l’état basal au niveau cutané. Au cours d’une réaction d’HSC, ces Treg migrent jusqu’aux dLN puis regagnent la peau pour y réguler localement l’inflammation (Tomura et al., 2010). Les LT CD4+CD25+FoxP3+ sont décrits comme étant la première ligne de contrôle de l’EAC. En effet, la déplétion in vivo de ces cellules chez la souris par un traitement avec un mAb anti-

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CD25, au moment de la sensibilisation avec du DNFB, conduit à une augmentation de l’activation des LT CD8+ et une augmentation de la réaction d’HSC (Kish et al., 2005). L’IL-2, sécrétée essentiellement par les LT CD8+ spécifiques de l’haptène dans les dLN durant la phase de sensibilisation, serait requise pour la régulation des TEFF par les LT CD4+ CD25+ (Kish

et al., 2005). Le traitement de souris par de l’IL-2 conduit à une diminution de la réaction d’HSC en réponse au DNFB et une augmentation de la population de LT CD4+ CD25+ (Rückert et al., 2002).

Il semblerait que les Treg CD4+ CD25+ suppriment la réaction d’HSC en bloquant l’influx de TEFF dans les tissus inflammés (Ring et al., 2006). Par ailleurs, l’injection de Treg

CD4+CD25+FoxP3+ 2h avant de sensibiliser des souris au TNCB supprime la réaction d’HSC en régulant la réponse effectrice CD8+ (Ring et al., 2006). Récemment, Vocanson et al ont identifié une nouvelle population de Treg qui exprime le marqueur ICOS : CD4+CD25+FoxP3+ICOS+, aux propriétés hautement suppressives, impliquée dans le contrôle de la réaction inflammatoire en réponse au DNFB. Lors de la phase de sensibilisation, ces Treg inhibent la prolifération des LT CD8+ spécifiques de l’haptène au sein des dLN. Cette population de Treg exprime fortement FoxP3 et CTLA-4 et produit de l’IL-10, l’IL-17 et de l’IFN (Vocanson et al., 2010).

Enfin, les Treg peuvent également interagir dans les dLN avec les DC via des « gap junctions », inhibant ainsi l’interaction des DC avec les LT CD8+ (Ring et al., 2010).

Enfin, chez l’Homme, Cavani et al ont démontré que les LT CD4+CD25+ isolés de patients allergiques au nickel ont une capacité à réguler les LT spécifiques du nickel limitée, contrairement aux LT CD4+CD25+ isolés d’individus sains (Cavani et al., 2003a). Ceci suggère que les individus qui développent un EAC ont une fonction Treg défectueuse.

4.2.2. Les LT CD8+ suppresseurs

Des Treg autres que CD4+CD25+FoxP3+ sont également impliqués dans le contrôle de l’EAC. Ils sont dépendants de la concentration de l’haptène et de l’exposition. En effet, l’application cutanée répétée de faibles doses d’une molécule allergisante telle que le TNCB induit une « fenêtre » de tolérance durant laquelle toute application de cet haptène à une dose sensibilisante optimale ne conduit pas au « priming » de TEFF et n’entraine pas d’EAC (Maurer

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comme le mécanisme courant de tolérance aux haptènes chez l’Homme. Cette LZT est médiée par des Treg CD8+ qui sécrètent de l’IL-4 et de l’IL-10, eux-mêmes générés en présence de Treg CD4+ (Maurer et al., 2003). Il a récemment été démontré que les DC tolérogènes jouent un rôle primordial dans l’induction d’une LZT. En effet, ces DC sont présentes dans les dLN et sont activées par les LT CD8+ suppresseurs, ce qui va entrainer la libération de TNF par ces DC tolérogènes. Le TNF ainsi produit induit l’apoptose des LT CD8+ effecteurs spécifiques de l’haptène via le récepteur au TNF (Luckey et al., 2011). La déplétion de LT CD4+CD25+FoxP3+ par un anti-CD25 durant l’induction de la tolérance par l’application de faibles doses de TNCB inhibe le développement d’une LZT et entraine l’exacerbation de l’HSC en réponse au DNFB (Luckey et al., 2012a). In fine, les DC tolérogènes permettent l’activation des Treg, indispensables à la mise en place d’une LZT. Ce phénomène de LZT est étudié pour réinduire un état de tolérance chez des patients allergiques (Luckey et al., 2012b; Marc Vocanson et al., 2006).

4.3. Les cellules T régulatrices non conventionnelles

4.3.1. Les lymphocytes T

Les LT sont des LT intraépithéliaux exprimant le TCR V 5-V 1, appartenant à la famille des Cellules Dendritiques Epidermales T (DETC) décrites comme jouant un rôle régulateur dans l’inflammation cutanée (Girardi et al., 2002). Girardi et al ont comparé l’effet de l’absence des cellules sur différents fonds génétiques murins. Ainsi, ils ont mis en évidence que les souris C57BL/6 déficientes pour le gène tcr (tcrgd-/-) développent une HSC normale en réponse au DNFB, tandis que les souris FVB et diabétiques non obèses (NOD) tcrgd-/- développent spontanément une dermatite chronique, et développent une HSC majorée en comparaison aux souris WT en réponse au DNFB (Girardi et al., 2002). Cependant, les souris invalidées à la fois pour les LT et les LT ne développent pas d’HSC, suggérant que cette pathologie est médiée par les LT . Des transferts adoptifs de LT V 5+ (qui reconstituent les DETC) ou de LT V 1+ chez des souris FVB tcrgd-/- ou NOD tcrgd-/- diminuent l’HSC spontanée ou en réponse au DNFB, ce qui confirme le rôle régulateur des LT dans l’inflammation cutanée (Girardi et al., 2002).

Cependant, plus récemment, il a été décrit que ces LT jouent un rôle pro-inflammatoire dans l’HSC : l’HSC en réponse au DNFB est réduite de 50% chez les souris B6.129P2-

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Tcrdtm1Mom/J (c'est-à-dire TCR -/-) par rapport aux souris sauvages (Nielsen et al., 2014). L’IL- 1 sécrété par les KC en réponse au DNFB active les DETC qui produisent alors de l’IL-17, particpant à l’inflammation cutanée d’origine allergique (Nielsen et al., 2014).

4.3.2. Les lymphocytes NKT

Bien que les NKT représentent un faible taux des LT totaux (1 à 2% dans la rate de la souris et 0,01 à 2% dans le sang périphérique humain), ils sont décrits comme régulateurs négatifs de l’EAC. Ils interagissent avec les CPA exprimant le CD1d, présentant préférentiellement les glycolipides aux NKT. L’exposition de LC murines aux UVB induit une augmentation de l’expression de CD1d à leur surface. Les LC CD1d+ assurent le transport des Ag cutanés jusqu’aux dLN, où elles activent les NKT qui vont dès lors sécréter de l’IL-4, aux propriétés anti-inflammatoires (Fukunaga et al., 2010).

Les NKT invariants (iNKT) expriment les chaines invariantes du TCR (V 14J 18 chez la souris, V 24J 18 chez l’Homme) et les récepteurs NK, et interagissent avec les CPA exprimant le CD1d. Les iNKT inhibent le développement d’une HSC médiée par les LT CD8+, et ce, indépendamment des LT CD4+ (Goubier et al., 2013). La réponse inflammatoire induite par le DNFB est majorée chez des souris invalidées pour le gène cd1d et chez les souris invalidées pour le gène J 18, chaine du TCR des iNKT, en comparaison avec les souris sauvages (Goubier et al., 2013). D’autre part, la déplétion des NKT chez la souris par l’utilisation d’un anticorps monoclonal anti-NK1.1 (PK136), avant la sensibilisation ou après le rappel par le DNFB induit une majoration de la réponse inflammatoire. Les LT activés par le DNFB vont sécréter de l’IFN et activer les iNKT qui vont produire de l’IL-4 et de l’IL-13 aux propriétés régulatrices. Les souris déficientes pour l’il-4 et l’il-13 développent une HSC majorée en réponse au DNFB par rapport aux souris sauvages (Goubier et al., 2013).

4.4. Les lymphocytes B régulateurs

Les LT ne sont pas les seules cellules régulatrices de l’HSC : les LB régulateurs (Breg) sont également décrits comme pouvant intervenir durant la phase d’élicitation dans le contrôle de l’EAC. Les Breg sont identifiés par leur phénotype CD1highCD5+CD19 et représentent 1 à 2% des cellules B220+ présentes au niveau de la rate (Bouaziz et al., 2008). Les Breg

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produisent fortement de l’IL-10 (d’où leur appellation B10), qui leur confère leurs propriétés régulatrices. Les souris déficientes en LB (cd19-/-) développent une HSC exacerbée en réponse au DNFB (R. Watanabe et al., 2007). Des cellules du dLN issus de souris sauvages sensibilisées au DNFB sont transférées à des souris sauvages et des souris cd19-/-. L’augmentation de l’épaisseur de l’oreille est majorée 5 et 10 jours après l’élicitation chez les souris cd19-/- par rapport aux souris sauvages, soulignant ainsi l’importance des LB dans la régulation de l’HSC durant la phase tardive. Enfin, le transfert de Breg isolés de souris sauvages sensibilisées au DNFB à des souris cd19-/- normalise l’HSC (R. Watanabe et al., 2007).

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