• Aucun résultat trouvé

Ge ne ralite s et donne es bibliographiques

3 Les leishmanioses

3.10 Recherches en chimiothérapie antileishmanienne

Les molécules disponibles pour le traitement des leishmanioses posent un certain nombre de problèmes associés à leur toxicité, au coût des traitements, leur durée, la difficulté liée à leur administration (essentiellement parentérale) ainsi qu’à l’apparition de résistances pour un certain nombre de molécules alors que l’arsenal thérapeutique est lui-même déjà limité. C’est la raison pour laquelle il est important de développer de nouveaux traitements.

En plus des paramètres pharmacocinétiques classiques qui doivent permettre à la molécule d’atteindre son site d’action au sein de l’organisme, le caractère intracellulaire du parasite rend la mise au point de nouvelles molécules antileishmaniennes complexes puisque pour atteindre leur cible parasitaire, celles-ci vont devoir passer un nombre important de membranes.

3.10.1 Cibles potentielles pour le développement de nouvelles molécules173,187

Parmi les voies de biosynthèse du parasite, certaines présentent un intérêt particulier pour la mise au point de nouvelles molécules antileishmaniennes. Celles-ci doivent être suffisamment différentes de celles de l’organisme hôte afin de présenter une sélectivité suffisante et causer un nombre limité d’effets secondaires.

Ainsi, on peut notamment distinguer les voies de biosynthèse et les cibles suivantes :

3.10.1.1 Voie de biosynthèse des stérols

Les membranes cellulaires de Leishmania sont caractérisées par la présence d’ergostérol et de stigmastérol à la différence de celles des cellules mammifères qui contiennent du cholestérol. Cette différence permet d’envisager la mise au point de molécules sélectives en interférant avec les enzymes clés de la voie de biosynthèse de l’ergostérol. C’est le cas des dérivés azolés (154 - 156) dont certains sont déjà utilisés dans le traitement de la leishmaniose cutanée en inhibant la 14-α-méthylstérol-14-déméthylase.

3.10.1.2 Trypanothione réductase

La trypanothione réductase est une enzyme de détoxification permettant la survie du parasite au sein des macrophages dans un environnement oxydatif particulièrement marqué. Le site actif de l’enzyme présentant des différences significatives par rapport à la gluthatione réductase mammifère, elle pourrait faire l’objet du développement de molécules sélectives.

3.10.1.5 Voie de sauvetage des purines

Les parasites du genre Leishmania sont incapables de synthétiser de novo le noyau purine et sont de ce fait entièrement dépendants du recyclage des bases puriques de l’hôte. Certaines transférases de cette voie présentent des différences suffisamment significatives avec celles de l’hôte pour envisager le développement d’inhibiteurs sélectifs. L’allopurinol, qui cible l’hypoxanthine guanine phosphoribosyltransférase (HGPRT) est incorporé dans les acides nucléiques du parasite après phosphorylation provoquant son activité antileishmanienne.

Le transport des nucléosides est également réalisé par des transporteurs différents de ceux des cellules mammifères les indiquant comme cible potentielle pour le développement de nouvelles molécules.

3.10.1.6 Protéines kinases cyclines-dépendantes (CDK)

Les CDK ont un rôle crucial pour la multiplication cellulaire. Chez Leishmania les cdc-2 related kinases (CRK), protéines homologues des CDK assurent les mêmes fonctions. Des inhibiteurs sélectifs de ces enzymes (CRK3) pourraient s’avérer intéressants.

3.10.1.7 Enzymes de la voie de biosynthèse des polyamines.

Les polyamines et leurs voies métaboliques présentent un rôle important dans la croissance, la différenciation et la résistance au stress oxydant. L’arginase et l’ornithine décarboxylase sont deux enzymes présentes chez Leishmania et responsables de la synthèse des polyamines qui pourraient représenter des cibles potentielles. Les transporteurs de polyamines (LmPOT1) pourraient aussi être envisagés comme cibles.

3.10.1.8 Voies de biosynthèse des folates

La voie de biosynthèse des folates est une voie qui présente un intérêt important dans la recherche de molécules anti-infectieuses et anticancéreuses. Les folates sont des cofacteurs importants dans la synthèse de l’ADN et de l’ARN ainsi que dans le métabolisme des acides aminés. De par leur importance dans la croissance et la multiplication cellulaire, les enzymes impliquées dans cette voie sont d’importantes cibles thérapeutiques, en particulier la thymidilate synthase (TS) et la dihydrofolate réductase (DHFR).

Chez les Trypanosomatidae, la TS et la DHFR existent sous la forme d’un seul polypeptide et les inhibiteurs classiques de la DHFR se sont montrés inefficaces chez Leishmania. Le parasite possède une autre enzyme, la ptéridine réductase (PR) qui peut être surexprimée pour pallier à l’inhibition de de la DHFR-TS. Ainsi, une inhibition efficace de la voie des folates chez Leishmania qui pourrait impacter la croissance du parasite devrait inhiber à la fois la DHFR-TS et la PR.

La connaissance de ces cibles moléculaires et le développement des tests d’activité in vitro correspondants pourraient permettre de développer des modèles simplifiés permettant le criblage à haut débit de vastes chimiothèques. Le développement d’inhibiteurs sélectifs par une démarche de chimie médicinale basée sur la cible impliquée pourrait permettre d’accélérer la mise en évidence de nouveaux candidats chefs-de-file.

3.10.2 Modèles expérimentaux

Différents modèles expérimentaux ont été développés afin de tester et mettre en évidence de nouvelles molécules antileishmaniennes. Certains modèles in vitro basés sur les cibles moléculaires d’intérêt du parasite énoncées au paragraphe précédent ont été mis au point. Les molécules ainsi développées ne montrent cependant pas toujours une efficacité dans un contexte cellulaire plus complexe.

Les modèles in vitro impliquant des parasites en culture permettent d’obtenir des informations bien plus pertinentes sur l’activité d’une molécule dans un contexte biologique et présentent une meilleure corrélation avec une éventuelle activité in vivo. En parallèle, des tests de cytotoxicité réalisés sur des cellules mammifères en culture permettent d’évaluer la sélectivité des molécules vis-à-vis du parasite. Cependant, la culture de Leishmania est exigeante et peut s’avérer limitante188. Pour les molécules avec un fort potentiel, des modèles animaux permettent de confirmer, le cas échéant, les touches dans un contexte physiopathologique en tenant compte de paramètres pharmacocinétiques et toxicologiques plus proches de la pathologie chez l’être humain.

3.10.2.1 Modèles in vitro extracellulaires

La culture des formes promastigotes de Leishmania est la plus simple à mettre en œuvre. C’est une des raisons pour laquelle elle a largement été utilisée pour évaluer le potentiel antileishmanien des molécules. Cependant, la forme promastigote n'existe que chez le vecteur de la maladie. En effet, le métabolisme et l’environnement dans lequel évoluent ces formes présentes chez le vecteur sont très différentes des formes amastigotes présentes chez l’hôte vertébré. Les résultats obtenus à partir de tels modèles sont relativement faiblement corrélés avec les activités observées sur modèles animaux et ils ne présentent pas ou peu d’intérêt pour le criblage de potentielles molécules antileishmaniennes188,189.

Les amastigotes de certaines espèces de Leishmania sont cultivables seuls dans des milieux adaptés190. La culture des amastigotes axéniques imite parfaitement les conditions biologiques observées à l’intérieur du macrophage (pH acide et températures supérieures à 32°C) et répondent bien aux composés utilisés en clinique humaine. Le criblage de molécules sur ces formes en culture présente en outre plusieurs avantages : les amastigotes correspondent à la phase responsable de la symptomatologie chez l’hôte vertébré, la culture du parasite est pratiquement aussi simple que pour les formes promastigotes et la quantification de l’activité antileishmanienne est relativement facile à mettre en œuvre, rapide et présente un coût relativement limité.

Ce modèle est toutefois semi-prédictif puisqu’il ne prend en compte ni la pénétration des molécules dans la cellule hôte du parasite, ni l’environnement particulier du phagolysosome dans lequel elle se

3.10.2.2 Modèles in vitro intracellulaires

Le modèle basé sur l’évaluation de la susceptibilité aux molécules de formes amastigotes intramacrophagiques est beaucoup plus proche de la réalité physiopathologique de l’hôte mammifère. Ce modèle est néanmoins plus complexe à mettre en œuvre et est généralement utilisé en deuxième intention pour des molécules ayant montré de bonnes activités et sélectivités vis-à-vis d’amastigotes axéniques. Il a l'avantage de présenter une bonne sensibilité aux molécules antileishmaniennes usuelles. Les cellules péritonéales exsudatives de souris sont simples à obtenir en petite quantité mais les propriétés des macrophages péritonéaux peuvent ne pas correspondre aux propriétés des macrophages du système réticulo-histiocytaire et cutanés humains infectés en clinique.

L’évaluation de l’activité des composés testés est mesurée soit par comptage microscopique du nombre de macrophages infectés ou du nombre d’amastigotes par macrophage192, soit à l’aide de méthodes fluorimétriques ou colorimétriques189.

L’inconvénient majeur des modèles in vitro existants est l’absence de métabolisme des molécules par l'hôte, qu’elle soit totale (promastigotes, amastigotes axéniques), ou partielle (macrophages infectés). Il est par conséquent difficile de prévoir si la nature et la concentration des principes actifs et de leurs métabolites sont similaires à celles rencontrées par les organismes au niveau des lésions humaines.

3.10.2.3 Modèles in vivo

Les molécules ayant présenté de bonnes activités sur des modèles cellulaires peuvent alors être évaluées sur des modèles animaux qui sont censés correspondre davantage à la physiopathologie et aux mécanismes immunitaires impliqués chez l’humain. Plusieurs modèles in vivo chez l’animal ont donc ainsi été développés sans toutefois réussir à reproduire tout à fait ce qui se passe chez l’être humain. Plusieurs espèces animales servent de modèles expérimentaux pour la leishmaniose viscérale. Parmi les plus importants les souris BALB/c et les hamsters dorés sont utilisés comme modèles primaires, le chien comme modèle secondaire et les primates non humains comme modèles tertiaires. Au laboratoire, les seuls modèles réellement accessibles se limitent néanmoins aux rongeurs.

Les modèles in vivo sont potentiellement comparables à une situation clinique, même si le manque de données immunologiques pour ces modèles constitue un inconvénient. Les modèles animaux permettent notamment de déterminer l’efficacité des molécules en relation avec certains de leurs paramètres pharmacocinétiques mais également d’évaluer leur toxicité à l’échelle d’un organisme entier188,189.

3.10.3 Molécules en cours de développement

De nombreuses molécules montrent des activités antileishmaniennes intéressantes in vitro et même

in vivo sur modèles animaux. Cependant, pour des raisons d’efficacité et de toxicité, relativement

peu d’entre elles arrivent au stade des études cliniques173,193.

Parmi les molécules actuellement en étude clinique, le composé CpG-D35 est un oligodéoxynucléotide dont le but est de stimuler l’immunité innée afin de faciliter la clairance parasitaire (Figure 35). Il fait actuellement l’objet d’études précliniques dans le cadre du traitement de la LV et de la PKDL194.

L’essentiel des études cliniques sont en phase II et impliquent un traitement de chimiothérapie seul ou associé à la thermothérapie. Les chimiothérapies mises en jeu impliquent essentiellement des molécules déjà connues mais dans des formulations ou combinaisons thérapeutiques originales. Parmi celles-ci, citons notamment :

- Le fexinidazole, un nitroimidazole en phase IIa dans le traitement de la LV qui pourrait aboutir à l’obtention d’un nouveau traitement par voie orale dans cette indication.

Une combinaison avec la miltéfosine est également à l’étude en phase IIa194 ;

- Un protocole de traitement rapide de la LC qui est actuellement en essai clinique de phase IIa. Il fait appel à la thermothérapie (1 fois 50°C pendant 30 s) associée à un traitement de courte durée (3 semaines) par la miltéfosine194 ;

- Antifoleish, une formulation topique à base d’amphotéricine B étudiée en phase Ib/II des essais cliniques dans le cadre de la leishmaniose cutanée194 ;

- Enfin, une étude de phase III impliquant une combinaison à base de la formulation liposomale d’amphotéricine B Ambisome® et de miltéfosine est actuellement évaluée pour les patients atteints de LV présentant une co-infection avec le VIH194.

Phase I Préclinique CpG-D35 Phase II Fexinidazole Thermothérapie/ Miltéfosine Phase III

3.11 Intérêt des substances naturelles dans la découverte de nouvelles