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Chapitre III : Synthe se organique

3 Alkylation de l’émodine

3.1 Alkylation par réaction avec un dérivé halogéné

Dans un premier temps, nous nous sommes intéressés à l’obtention de dérivés alkylés sur l’hydroxyle en position 3 par différents types de substituants, afin d’évaluer leur rôle sur l’activité antiprotozoaire et la sélectivité des molécules.

L’alkylation sélective de l’émodine en position 3 a été décrite par Bruyère et al.313 en utilisant une base encombrée comme le DBU d’après les conditions mises au point par Genovese et al.314 sur différents dérivés de nature phénolique. Les conditions décrites consistent à mettre en solution le dérivé phénolique dans l’acétone, d’ajouter le DBU afin de déprotoner sélectivement la position la moins encombrée, puis de faire réagir le phénolate ainsi obtenu avec un dérivé bromé sur 24 h à température ambiante (Schéma 22). Ces conditions leur ont permis de synthétiser la madagascine (5) et la 3-géranyloxyémodine (12) respectivement avec des rendements de 59 et 54 %.

La position 3 est la plus réactive, d’une part car c’est la moins encombrée, mais également du fait de la présence de liaisons hydrogènes entre le carbonyle en position 9 et les deux hydroxyles adjacents. Des calculs de DFT ont montré que l’énergie de dissociation de la liaison O-H de l’hydroxyle en position 3 était d’environ 41 et 37 kJ.mol-1 plus faible que celles des hydroxyles, respectivement en position 1 et 8315.

Schéma 22 : Alkylation sélective de l'émodine en position 3.

La mise en œuvre de ces conditions (Tableau 18) a permis d’obtenir la madagascine (5) avec 31 % de conversion après 4 h de réaction à température ambiante (Entrée 1) et 56 % après 72 h (Entrée 2). Différents paramètres de la réaction ont été testés afin d’améliorer le rendement de la réaction. L’essai réalisé avec d’autres alcanes bromés (2 équivalents de bromoalcane pour 1 équivalent de

Les conditions réactionnelles ainsi optimisées ont permis d’obtenir les dérivés souhaités avec des rendements supérieurs à 70 %, qu’il s’agisse des réactifs 1-bromo-2-méthylpropane (Entrée 8) ou 1-bromobutane (Entrée 9).

Le rendement pour le dérivé 1-bromo-3-méthylbut-2-ène étant inférieur, de l’ordre de 60 % (Entrée 10), nous avons étudié la modification du nombre d’équivalents des réactifs. En passant d’un équivalent de réactif et de base à 3 équivalents de chaque (Entrée 11), le rendement de la réaction d’alkylation a chuté, ce qui s’explique par l’alkylation non sélective des autres positions, aboutissant à la formation de dérivés di et trialkylés. En utilisant 2 équivalents de dérivé bromé et de base, un rendement similaire à celui obtenu pour les différentes chaînes alkyles, de l’ordre de 75 % (Entrée 12) a pu être atteint.

Dans le cas de la synthèse du dérivé 3-géranyloxyémodine (12), le rendement est néanmoins un peu moins bon avec seulement 53 % de conversion (Entrée 14). Cette baisse du rendement est probablement due à une dégradation partielle du bromure de géranyle dans les conditions employées. Le résultat obtenu reste néanmoins équivalent à celui décrit par Bruyère et al.313.

Avec seulement un équivalent de base et de réactif, le rendement était également bien inférieur qu’avec le bromure de prényle dans les mêmes conditions, avec seulement 34 % de conversion (Entrée 13).

Tableau 18 : Conditions réactionnelles d'alkylation de l'émodine.

Réactif DBU Temps de

réaction Conditions Conversion mono alkylé Conversion di et trialkylé 1 1 éq 1 éq 4h ta 5 31 % 0 % 2 1 éq 1 éq 72 h ta 5 56 % 0 % 3 2 éq 1 éq 65 h ta 270 traces 0 % 4 puis 30 min µW 100°C 270 55 % 0 % 5 2 éq 1 éq 94 h ta 271 traces 0 % 6 puis 30 min µW 100°C 271 45 % 0 % 7 2 éq 1 éq 1 h µW 100°C 271 71 % 0 % 8 2 éq 1 éq 1 h µW 100°C 272 76 % 0 % 9 2 éq 2 éq 1 h µW 100°C 270 72 % 0 % 10 1 éq 1 éq 1 h µW 100°C 5 63 % 0 % 11 3 éq 3 éq 1 h µW 100°C 5 43 % 12 % 12 2 éq 2 éq 1 h µW 100°C 5 75 % 1 % 13 1 éq 1 éq 1 h µW 100°C 12 34 % 0 % 14 2 éq 2 éq 1 h µW 100°C 12 53 % 4 %

Ces conditions de synthèse ont permis d’obtenir cinq anthraquinones 3-O-alkylées qui permettront d’étudier l’influence de la substitution en position 3 (Figure 124):

Figure 124 : Anthraquinones 3-O-alkylées synthétisées.

3.2 Alkylation par réaction avec un dérivé tosylé

Le dérivé 3-(2-(2-(2-azidoéthoxy)éthoxy)éthoxyémodine (274) a été synthétisé dans l’optique d’en faire un outil pharmacologique. En effet, s’il présente une activité biologique intéressante, il pourra ensuite être envisagé de le coupler par chimie click grâce à la fonction azide terminale du bras espaceur.

Le couplage à un fluorophore de type BODIPY par exemple pourra être réalisé afin d’observer, en microscopie de fluorescence, si la molécule a tendance à s’accumuler dans un compartiment subcellulaire et orienter ainsi des hypothèses concernant son mécanisme d’action.

Ce dérivé pourra également être fixé à la surface de billes d’agarose fonctionnalisées pour réaliser une chromatographie d’affinité d’un lysat parasitaire et ainsi envisager d’isoler la ou les potentielles cibles de la molécule.

Selon la même méthodologie, l’émodine (13) a pu être alkylée par un dérivé 2-(2-(2-azidoéthoxy)éthoxy)éthyle tosylé (273) avec un rendement de 77 %, comparable à ceux

Le dérivé 2-(2-(2-azidoethoxy)éthoxy)éthyle tosylé (273) est obtenu en deux étapes à partir du 8-chloro-3,6-dioxaoctanol commercial (275)316. Ce dernier réagit avec l’azoture de sodium en présence de NaI dans l’éthanol à reflux pour donner l’azide (276). Une étape de tosylation permet d’obtenir le dérivé 2-(2-(2-azidoéthoxy)éthoxy)éthyle tosylé (273) avec un rendement global de 83 % (Schéma 24).

Schéma 24 : Synthèse du dérivé 2-(2-(2-azidoéthoxy)éthoxy)éthyle tosylé 273.

3.3 Alkylation par réaction de Mitsunobu

Des alkylations par réaction de Mitsunobu ont également été réalisées (Schéma 25) afin de voir si cette réaction pouvait se montrer sélective de l’hydroxyle en position 3 et si les rendements d’alkylation pouvaient être améliorés.

La 3-O-octylémodine (271) ainsi que la 3-O-isobutylémodine (272) ont ainsi pu être synthétisées par réaction de l’octan-1-ol et du 3-méthylbtuan-1-ol sur l’émodine avec des rendements respectifs de 65 % et 61 %, relativement comparables à ceux obtenus par la réaction des dérivés bromés ou tosylés (Schéma 25).

Cette stratégie pourrait s’avérer intéressante par la suite s’il était nécessaire de fixer un substituant particulier doté d’une fonction alcool ou si certains halogénures d’alkyles se montraient peu réactifs.

Schéma 25 : Alkylation de la position 3 par réaction de Mitsunobu.

Ces anthraquinones synthétiques, bien qu’à priori moins actives que leurs analogues anthrones et vismiones ont également été évaluées pour leurs activités antiprotozoaires (paragraphe 3.2, p 207).