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L’étude de l’amphithéâtre Palais-Gallien de l’ancienne ville romaine Burdigala a fait l’objet d’un programme triennal (2010-2012) mis en place par l’Institut Ausonius de l’Université Bordeaux Montaigne, par le Service régional d’Aquitaine et par la Ville de Bordeaux. Les informations suivantes résument des données inclus dans les rapports archéologiques de 2010 et 2011 (Hourcade et al., 2010 et 2011) et dans la notice publiée dans la Carte Archéologique de la Gaule de Bordeaux, dirigée par C. Doulan en 2013 (Hourcade, 2013). Ce programme, qui s’articulait autour des thèmes principaux, de l'histoire et de l'architecture du Palais-Gallien, avait quatre objectifs majeurs :

• dater l'édifice

• étudier son évolution - ainsi que celle du quartier qui l'entoure - depuis l'Antiquité jusqu'à l'époque contemporaine

• mettre en lumière l'originalité de son architecture et des techniques de construction utilisées

• restituer l'édifice dans toute sa splendeur antique

Dans un premier temps, un important travail de recensement des textes, cartes, images et autres documents autour du Palais-Gallien résultant à un bilan historiographique sur le site du Palais-Gallien a été mené par Ezéchiel Jean-Courret (Hourcade et al., 2010). Les recherches archéologiques, dirigées par David Hourcade (Hourcade et al., 2011), se sont poursuivies en trois phases en été 2010, 2011 et 2012. Pendant la première opération des fouilles en 2010 le site a été découpé en 5 zones avec à l’intérieur de chaque zone les périmètres à fouiller comme le montre la Figure V-4. Les fouilles ont avant tout permis de montrer à quel point cet édifice avait fait l'objet de nombreuses interventions intrusives dès la fin du Moyen Âge et jusqu'aux années 1980. Hormis les vestiges architecturaux actuellement visibles (et grandement remaniés), il ne reste que peu d'éléments antiques conservés (Hourcade et al., 2010). La deuxième campagne de fouilles en 2011 s'organisait autour d'une problématique d'ordre essentiellement chronologique, en ouvrant 12 sondages de dimensions variables. Elle s’appuyait sur les acquis des fouilles de 2010 qui ont permis de révéler une partie des tranchées de fondation étant, contrairement à la grand majorité des zones fouillées en

123 2010, intouchée par les interventions précédentes. En été 2012, dix derniers sondages d’une superficie totale de 95 m2 ont été ouverts jusqu’au substrat.

L’ensemble des recherches archéologiques a fourni le mobilier numismatique et céramique dans les niveaux d’aménagement du sol de l’arène et de la cour qui a permis de dater la construction de l’amphithéâtre entre 90 et 170 ap. J.-C.. Sa date d’abandon reste inconnue. La stratigraphie et les sources littéraires ont confirmé l’utilisation du site comme carrière dès le Moyen Âge et sa transformation en décharge municipale dès la seconde moitié du XVIIe siècle. L’analyse du mobilier céramique d’époque moderne et récente a montré également l’embourgeoisement progressif du quartier (Hourcade, 2013).

Figure V-4 : Zonage et plan de localisation des sondages sur la parcelle KT 01 n°48 du Palais-Gallien. (Hourcade et al.,2012). Les cercles rouges correspond aux secteurs échantillonnées pour les datations archéométiques.

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Les études architecturales sur les parties conservées de l’édifice, complétées par les recherches historiques, permettent de certifier que tous les murs antiques avait fait l'objet de restauration. Aucun des murs visibles ne présente donc son aspect originel.

Le monument comprend quelques originalités architecturales. Il s’agit de l’absence de galerie périphérique, présente dans la majorité d’amphithéâtres antiques. La seconde originalité concerne les techniques de construction. Contrairement à ce qu’on voit habituellement dans les autres amphithéâtres du monde romain antique, à Bordeaux, les gradins - comme les planchers des couloirs de circulation à l’intérieur du monument - étaient construits en bois. Cet emploi massif du bois distingue donc le Palais-Gallien de la plupart des amphithéâtres connus dans l’Empire romain et plus particulièrement de tous ceux de la province d’Aquitaine. Les murs elliptiques et des travées sont bâtis en opus vittatum mixtum de 7 assises de moellons calcaire et de galets posés dans du mortier séparés de 3 rangs de briques (Hourcade et al., 2011).

La fouille des tranchées de fondation montre que les architectes antiques ont cherché partout à prendre appui sur le "bon sol" ce qui s'explique peut-être par l'instabilité du substrat sableux sur lequel le monument est fondé. Le choix original des techniques et des matériaux utilisés pour la construction, comme mentionné ci-dessus, est donc probablement lié à l’effort des bâtisseurs romains d’alléger la construction de l’amphithéâtre et de lui donner plus d’élasticité afin d’atteindre la stabilité satisfaisant de la structure, reposant sur le substrat sableux.

Aucune trace de décoration extérieure n'est conservée, mais il est probable que le parement de petit appareil des maçonneries n'était pas visible. On peut penser qu’il était recouvert d'une couche d'enduit blanc, ornée de stucs, sur laquelle étaient dessinés de faux blocs de taille (Hourcade, 2013).

Un des importants objectifs du projet a été le travail de valorisation et de médiatisation du site. Dans ce cadre, pour aborder le thème de l'architecture de l'amphithéâtre, les restitutions numérique 3D du Palais-Gallien ont été effectuées par le cellule Archéotransfert de la Plateforme Technique 3D d'Ausonius (Université Michel de Montaigne à Bordeaux). Un élément remarquable d’un aboutissement des recherches autour du Palais-Gallien représente aussi le film de Carole Baisson, Serge Gallo et Ezéchiel Jean-Courret avec le titre Palais-Gallien, autopsie de l'amphithéâtre antique de

125 Patrimoine 14 et 15 septembre 2013. Ce film inclut également les résultats de datation présentés dans ce travail.

V.1.3. Prélèvements réalisés

Dans le cadre du programme des recherches archéologiques, il a été demandé à l'IRAMAT-CRP2A de tenter de dater l'édifice par des méthodes archéométriques. Une intervention de l'IRAMAT-CRP2A s’est poursuivie en deux étapes. En été 2011, l’intérêt s’est concentré sur des maçonneries en position secondaire découvertes au cours des fouilles, tandis que en été 2012, la deuxième campagne des prélèvements s’est orientée aux murs en élévation (Figure V-4). L’ensemble des terres cuites et des mortiers prélevé a servi ensuite pour la datation par luminescence et par archéomagnétisme par différents acteurs (Basel, 2012 ; Lanos & Dufresne, 2013). La datation des briques par OSL a fourni une date moyenne 120±100 ap. J.-C (Figure V-5). La datation archéomagnétique a fourni plusieurs intervalles chronologiques dont l’intervalle [68 ap. J.-C., 150 ap. J.-C.] est compatible avec la période gallo-romaine (Figure V-6) et avec les données archéologiques actuelles.

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Figure V-6 : Résultat de la datation archéomagnétique des briques prélevées au Palais-Gallien. Calibration par le logiciel Chronomodèle 1.1 La graphique présente l’ensemble des possibilités pour l’inclinaison mesurée à Bordeaux. Nous retiendrons un intervalle chronologique qui correspond à la période gallo-romaine (Lanos & Dufresne, 2013 ; Lanos et al., 2015).

La tentative de dater les mortiers échantillonnés lors des prélèvements en 2012 est présentée dans ce travail. Le Palais-Gallien est ici considéré comme un édifice de référence pour la validation de la datation des mortiers par OSL car sa datation est déjà bien calée grâce aux approches chronologiques classiques (entre 90 et 150 de notre ère) et aux datations des terres cuites par archéomagnétisme. Le travail concernant la datation des mortiers du Palais-Gallien par OSL fait également l’objet d’un article méthodologique dans la revue Radiation measurements (Urbanova et al., 2015).

L’échantillonnage des mortiers présentés a été effectué dans le mur en élévation et dans une partie du soubassement (Figure V-7). Les mortiers ont été prélevés par carottage avec lubrification à l’eau, le diamètre des carottes étant de 50 mm.

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Échantillon Localisation Longueur de la carotte [cm] Distance au-dessus du sol [cm] BDX 15541 Mortier reliant les briques 15 110

BDX 15542 Mortier reliant les briques 13 100

BDX 15543 Mortier de soubassement 11 45

BDX 15544 Mortier de soubassement 13 45 Tableau V-1 : Liste et spécification d’échantillons prélevés au Palais-Gallien.

Figure V-7 : Localisation des prélèvements des mortiers du Palais-Gallien.

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V.2. Caractérisation préalable

V.2.1. Composition élémentaire

Les échantillons du Palais-Gallien sont particulièrement riches en granulat, les teneurs en SiO2 étant comprises entre 59 et 66 % (Figure III-9). Au contraire, la quantité de CaO n’excède pas 30 %. On ne constate aucune différence dans la composition élémentaire entre les mortiers de pose et les mortiers de soubassement.

Figure V-8 : Histogramme de composition des mortiers du Palais-Gallien (exprimé en pourcentage d’oxydes). L’échantillon BDX 15542 n’a pas été analysé.

V.2.2. Microstructure

Etant donné que la microstructure des mortiers du Palais-Gallien est très similaire, l’ensemble des échantillons est représenté par les photos de la lame mince du mortier BDX 15541 (Figure V-9). Le caractère de ces mortiers est bien visible aussi dans la Figure V-10. Les échantillons du Palais-Gallien comportent des éléments grossiers en forme de gravillons ou de petits cailloux de plusieurs centimètres de diamètre. Il s’agit donc d’un matériau assez grossier et hétérogène. La majorité des grains a une forme arrondie. La quantité des grains de quartz, de 250 µm en diamètre (utilisés pour l’analyse OSL), est plutôt restreinte.

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Figure V-9 : Observation (x50) de la lame mince de l’échantillon BDX 15541 en lumière polarisée analysée (a, c) et en lumière polarisée non-analysée (b, d).

Figure V-10: Interprétation d’une cartographie élémentaire par EDX-MEB, effectuée sur les lames épaisses des échantillons BDX 15542 (a) et BDX 15543 (b), en fonction d’un élément majeur : en rouge - silicium (minéraux de quartz), en bleu - potassium (minéraux potassiques), en vert - calcium (liant calcaire).

(a) (b)

(c) (d)

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