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Une recherche théorique de la mécanique des fluides non négligeable bien qu’encore loin de l’expérimentation.négligeable bien qu’encore loin de l’expérimentation

2.1 La mécanique des fluides avant la création des IMF (1900-1923)

2.1.1 Une recherche théorique de la mécanique des fluides non négligeable bien qu’encore loin de l’expérimentation.négligeable bien qu’encore loin de l’expérimentation

Dans le domaine de l’hydraulique, des liens entre enseignement, recherche et industrie peuvent être repérés de manière précoce, déjà au début du xxesiècle. Par exemple, à Nancy (1900), Grenoble (1906) et Toulouse (1908) furent créés des instituts électroniques, organes d’enseignement et de recherche en étroit contact avec les industries électriques locales. Ils ne pouvaient pas se désintéresser de la production de l’énergie électrique et, par conséquent, de l’aménagement des chutes d’eau et de l’hydraulique en général. Ainsi, au sein des instituts électro-niques des trois villes furent créés les premiers laboratoires d’hydraulique. Ils recevaient chaque année un crédit par le ministère des Travaux Publics affecté spécialement aux "Recherches pour la production et l’utilisation des forces hy-drauliques"21. Entre le ministre des travaux publiques et l’Éducation nationale il y avait une collaboration qui rappelle celle entre ce dernier et le Ministre de l’Air. Un autre appui financier venait de la Société Hydrotechnique de France (SHF).

20. Les autres mathématiciens, ingénieurs et physiciens français qui ont décliné l’invitation sont : P. Painlevé, J. Hadamard, E. Borel, A. Boulanger, H. Villat, G. Eiffel, L. Marchis et P. Appell. 21. Sur l’histoire des instituts électroniques, leur genèse, les rapports avec les industries locaux, et l’appui financier du ministre des Transports Publiques voir [Birck et Grelon 2006].

Pays 1922 1924 1926 1930 1934 1938 1946 France 0 3 16 23 26 14 109 Allemagne14 54 74 89 37 22 0 USA 0 1 5 24 18 286 114 Royaume Uni 0 23 15 20 113 34 141 Italie 5 4 6 6 2 1 19 Autriche 3 2 7 9 1 3 0 Suisse 0 1 91 6 6 1 18 Pays Bas 6 113 11 7 9 2 24 Russie 0 4 0 17 3 3 1 Suède 2 2 5 61 6 2 11 Belgique 0 2 3 5 4 0 19 ... ... ... ... ... .... ... ... Nombre de Pays qui ont parti-cipé 8 22 23 35 26 22 27

Tableau2.1 – Tableau des participants aux congrès ICAM de 1922 à 1946. Il s’agit d’un extrait d’un tableau contenu dans le documentIUTAM/ICTAM a short history

(1984) (auteur non précisé). Je remercie Giovanni Battimelli pour ce document. Cette société fut fondée en 1912 et constituait l’organe technique de la Chambre Syndicale des Forces Hydrauliques, un patronat qui comprenait les entrepreneurs intéressés par l’installation et l’exploitation des chutes d’eau pour la production électrique. Elle était composée d’un comité d’administration permettant d’avoir un budget à travers la cotisation des adhérents et d’un comité technique constitué par des savants et des ingénieurs recrutés par l’industrie, l’université et l’admi-nistration. En d’autre termes, il s’agit d’un organisme technique à la disposition des entrepreneurs destiné à créer un pont entre université et industrie autour du domaine de la recherche et l’enseignement de l’hydraulique22. Ainsi, grâce aux financements du ministre des Travaux Publiques, Charles Camichel fondera en 1913 un laboratoire d’hydraulique dans les locaux de l’institut électrotech-nique de Toulouse (IET), avant de devenir directeur de l’institut de mécaélectrotech-nique des fluides, conçu une dizaine d’années plus tard23. Les activités de ce laboratoire

22. Sur l’histoire de la SHF voir [Banal et. al. 2002–08]

23. Le physicien Charles Camichel (1871-1966) fut le fondateur de l’IET au sein duquel il créa le laboratoire d’hydraulique. Il est convaincu de l’importance de renforcer les liens entre industrie et université, encore plus après son expérience lilloise. En effet, avant d’obtenir un poste de maitre de conférence à Toulouse, il était maitre de conférence à la Faculté des Sciences de Lille de 1895 à 1900. Ici, il continua les enseignements de physique industrielle d’un cours institué par Bernard Brunhes en 1894 à l’institut de physique de Lille. Sur la base du cours de Brunhes, Camichel créera en 1897 l’institut de Mécanique appliquée et de physique industrielle, qui sera à l’origine du futur institut électrotechnique de Lille. Sur sa contribution scientifique voir [Charru 2017–08] et son

concernaient notamment les coups de bélier dans les conduites forcées et l’hydrau-lique fluviale, activités qui étaient en connexion avec les usines hydroélectriques dans les Pyrénées [Charru 2017–08]. A l’institut électrotechnique de Grenoble, le premier cours d’hydraulique fut inauguré en 1906 par l’ingénieur Georges Routin (1871-1937), spécialisé dans l’étude des turbines et des pompes. En 1923, ce cours s’ouvrira aux ingénieurs et industriels lors de l’installation à Beauvert d’un laboratoire d’hydraulique (le laboratoire dauphinois d’hydraulique) créé par

la SHF24 et en échange constant avec l’entreprise Neyrpic fabricant de grands équipements hydrauliques y compris les turbines25. Auprès de l’institut électro-technique de Nancy, l’état embryonnaire du laboratoire d’hydraulique fut le cours de machines hydrauliques professé par l’ingénieur et membre de la SHF, Ernest Hahn26depuis 1906. Ce laboratoire avait été sélectionné, avec ceux de Grenoble et Toulouse, pour contribuer à un programme de recherche national dont il rece-vait des subventions par la SHF pour développer et moderniser ses installations afin d’étudier des questions liées aux pompes, turbines et moteurs hydrauliques27. Le domaine de l’hydraulique, en échange permanent avec les entreprises lo-cales, semble donc être bien consolidé chez les instituts électrotechniques, en rece-vant des subventions par le ministère des Travaux Publiques, la SHF et d’autres institutions intéressées au domaine. Cependant, même si la mécanique des fluides concerne aussi bien les aspects hydrauliques qu’aéronautiques, c’est le ministre de l’Air et son but de rattraper le retard national de l’aéronautique qui pousse à la création des chaires et des instituts de mécanique des fluides. Sur le plan scientifique, cela peut nous inciter à questionner si le domaine de l’hydraulique était frappé ou non par les lacunes de la mécanique des fluides -décrites ci-dessus-dans la même mesure que l’aéronautique. Serge Benoit, à propos du domaine de l’hydrotechnique montre comment déjà à partir du début du xxesiècle des hydrauliciens comme Auguste Rateau (1863-1930) et André Tenot (1898-1978) "mettaient en discussion l’esprit et les méthodes des institutions de fondation qui s’opposent à celles étrangères". Ils regrettent en particulier qu’il ne fut pas donné une large place à la pratique de l’expérimentation dans l’enseignement

dossier conservé aux archives de l’Académie des sciences.

24. En vue de renforcer son action dans le domaine de la recherche, la SHF créa aussi un laboratoire d’hydraulique fluviale à Metz en 1928 pour l’aménagement du Rhin et en 1941 le Service d’Études Générales de Statistique et Hydrologie.

25. Sur le laboratoire d’hydraulique de Beauvert à Grenoble, voir [Hager 2016–10].

26. Ernest Hahn (1876-1948) fut un ingénieur mécanique suisse qui était assistant à la Swiss Federal Insitute of Technology d’Aurel Stodola, un expert de renommé mondiale en turbomachines et machines thermiques (Albert Einstein fut un de ses élèves). Les cours et les recherches de Hahn concernaient les méthodes expérimentales pour machines thermiques et hydrauliques. Sur son activité à Nancy voir [Hahn et Hager 2003–08].

dispensé aux futurs ingénieurs [Benoit 1998, 122]. Sur un plan plus institutionnel, les hydrauliciens possédaient déjà des cours de mécanique des fluides en fonction de leurs recherches sur l’eau et il était capable de satisfaire la contribution locale des industriels. C’est la raison pour laquelle l’Université de Toulouse a refusé dans un premier temps de créer l’institut de mécanique des fluides [Idrac 1996, 191]28. En général, l’installation d’un pôle de mécanique des fluides du ministre de l’Air dans les villes pourvues d’un centre d’hydraulique important, a permis de créer une recherche d’aérodynamique parallèle à celle conduite auprès des labo-ratoires d’hydraulique. Ainsi, l’équipe de Camichel de Toulouse effectuait des essais en soufflerie à côté des études en hydraulique des fleuves ainsi que sur les tourbillons et les sillages, bien que l’orientation de l’institut fût essentiellement hydraulicienne. Grenoble, bien que seulement après la seconde guerre mondiale s’occupera d’aérodynamique et de supersonique en plus de l’hydraulique. Sa soufflerie supersonique fût fabriquée en 1946, grâce à la collaboration entre le Ministre de l’Air et l’Université. En revanche, à Nancy nous avons une situation inverse. Depuis la fin du xixesiècle, la ville occupait une place très importante dans les sciences appliquées qui s’appuyaient sur les contacts avec l’Allemagne et avec les industries. Déjà avant la guerre, outre son laboratoire d’hydraulique, elle disposait d’un pôle d’aéronautique représenté par l’Institut d’Aérodynamique et Météorologie (1910) et la Société des amis de l’Aviation (1914). Au contraire des autres villes mentionnées, Nancy ne renforcera pas son domaine de sciences appliquées après la guerre mais deviendra progressivement un centre de mathé-matiques pures. En effet, aucune chaire de mécanique des fluides ne fut mise à disposition par le ministre de l’Air en 1929 et l’institut d’Aérodynamique et Météorologie s’écroulera aux alentours des années vingt. Il en va de même pour le laboratoire d’hydraulique. Jusque dans les années vingt, ce laboratoire était très dynamique grâce aux travaux de Hahn, lequel développa une courbe rhéologique pour résoudre des problèmes sur l’écoulement de l’eau et la formation des tour-billons derrière les turbines électriques. Quand Hahn rentrera en Suisse à la fin des années 1930, son laboratoire d’hydraulique perdra progressivement sa force.29 Cependant, nous sommes bien loin d’affirmer que les questions hydrauliques sont abordées dans un laboratoire et celles d’aéronautique dans un autre. Les programmes de recherche et de formation des instituts de mécanique des fluides

28. En 1923, il y a aussi un tentative de la part de Toulouse de créer un institut général d’hy-draulique et hydrologie capable d’associer tous les établissements susceptible de s’intéresser aux thèmes de l’eau (chimie, institut agricole, institut électrotechnique et hydrologie). Cependant, ce projet sera contesté par les autres établissements (juristes et littéraires) qui estiment que les instituts présents sont suffisants [Grelon et Grossetti 1996, 227]

prévoyaient également une étude plus générale concernant les fluides, l’eau ainsi que des essais sur les pompes et les turbines. Dans certains cas, ils étaient même doués d’une Station d’essais hydrauliques. A plus forte raison, il faut mentionner le cas de Toulouse, où le ministre de l’Air avait décidé de créer un institut non pas pour la présence d’une industrie aéronautique locale mais pour bénéficier des acquis de la recherche du laboratoire d’hydraulique [Grelon et Grossetti 1996].

En ce qui concerne Lille, la section de mécanique de l’institut électrotechnique n’a pas eu une forte orientation vers l’hydraulique comme à Grenoble, Toulouse et Nancy. Une chaire d’hydrotechnique sera créée seulement en 1937. Cependant, la mécanique des fluides et l’hydraulique existaient à Lille déjà avant la création de l’IMFL. Citons, à titre d’exemple, le cas de Joseph Boussinesq, qui avait publié son important ouvrageEssais sur la théorie des eaux courants (1877) sur les canaux

ouverts30pendant sa période d’enseignement à la Faculté des Sciences de Lille et à l’IDN, à savoir de 1872 à 1886. Toujours à Lille ses disciples, le mathématicien

Auguste Boulanger (1866-1923)31 et l’ingénieur Alfred Flamant (1839-1915)

poursuivaient leurs recherches d’hydraulique. Enfin, ajoutons aussi Paul Painlevé, chargé de cours de mécanique rationnelle à Lille de 1887 à 1892, et la personnalité controversée de Pierre Duhem, qui fut maître de conférence de physique à Lille de 1887 à 1893. C’est ici que Duhem jette les bases de sa théorie hydrodynamique construite à partir du potentiel thermodynamique et sous des hypothèses plus générales qui prennent en compte la compressibilité d’un fluide, à l’époque encore très peu étudiée par les physiciens et les mathématiciens. Cependant, aucun des savants mentionnés n’avait une chaire d’hydraulique ou ne faisait partie d’un laboratoire d’hydraulique. Ils professaient des cours à l’IDN et/ou à la Faculté des Sciences, en enseignant la mécanique et les mathématiques (Painlevé, Boulanger et Boussinesq), la physique (Duhem) ou des disciplines concernant les constructions civiles et la physique industrielle (Flament).