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de recherche épidémiologique en santé périnatale et santé des femmes et des enfants (U 953)

J’ai préparé cet exposé autour de : emploi/travail et santé des femmes à diverses étapes de la vie professionnelle. Et je veux, tout particulièrement, remercier Catherine Cavalin de la Drees qui m’a permis de développer diverses analyses à partir d’une enquête, dont je vais vous parler et qu’elle a réalisée avec beaucoup d’acharnement ces dernières années. Donc, merci à elle.

Je vais d’abord donner quelques éléments de contexte autour de la santé et du travail des femmes qui vont reprendre des choses qui, ce matin, ont été dites par Anne-Françoise Molinié. Vous savez tous certainement que l’espérance de vie est plus longue pour les femmes. Là, j’ai pris les derniers chiffres disponibles. En 2008, on avait 84,3 ans pour les femmes et 77,5 ans pour les hommes d’espérance de vie à la naissance, et l’espérance de vie à 60 ans est encore différente au bénéfice des femmes de presque cinq années avec 26,9 ans pour les femmes et 22 ans pour les hommes. En fait, pour toutes les causes médicales, ou quasiment toutes les causes médicales, on observe une surmortalité masculine, et, là aussi, j’ai pris les dernières années disponibles sur le site du service des causes médicales de décès, le CépiDC, pour les années 2003/2005 regroupées, des taux standar- disés de mortalité par âge pour 100 000 habitants, avec, en première colonne, les taux pour les hommes et, en deuxième colonne, les taux pour les femmes. J’ai sélectionné les trois principales causes de mortalité que sont l’ensemble des mortalités par cancer, l’ensemble des mortalités par maladies cardiovasculaires, et ce qu’on appelle les causes externes : accidents, morts violentes, où on a toujours une surmortalité masculine qui est très nette.

Donc, si on prend la mortalité et les causes médicales de mortalité comme indicateurs, on peut très facilement conclure que la santé des hommes est moins bonne que la santé des femmes. Cependant, si on prend d’autres indicateurs pour décrire les états de santé, notamment, tous les indicateurs de morbidité, c’est-à-dire la maladie, on a une conclusion qui est plutôt inverse. Je n’ai pas repris là

des mesures chiffrées, il aurait fallu citer de très nombreux articles. Mais il y a, vraiment, un con- sensus autour d’une morbidité prévalente plus forte chez les femmes que chez les hommes, c’est particulièrement vrai dans le domaine de la santé mentale – en tout cas, les principales affections de la santé mentale. Si on prend n’importe quelle enquête de prévalence autour de la dépression, ou autour de l’anxiété généralisée, on observe toujours des fréquences plus élevées chez les femmes que chez les hommes.

Cela étant, il y a certains aspects de la santé mentale qui sont différents. Si on prend, par exemple, la conduite addictive, on a des taux qui sont plus élevés chez les hommes que chez les femmes. Donc, ce que j’ai dressé, là, c’est un peu caricatural et c’est à grands traits, il faut toujours être un peu plus nuancé. Un autre domaine de la morbidité, où on se retrouve avec des fréquences plus éle- vées de pathologies chez les femmes que chez les hommes, c’est tout le domaine des atteintes os- téoarticulaires qui, en lien avec le travail, ont été abondamment décrites : les cervicalgies, les dou- leurs des épaules, particulièrement les tendinites du poignet, les syndromes du canal carpien. Dans les études qui comparent finement la prévalence chez les hommes et chez les femmes, on trouve toujours des fréquences plus élevées pour les femmes. Puis dans les enquêtes qui mesurent la santé perçue ou l’autoévaluation de l’état de santé, on a aussi, en général, une santé perçue moins bonne pour les femmes que pour les hommes. On y reviendra avec l’enquête que j’ai choisi d’analyser pour cet exposé. Donc, tableau très rapide du côté de la santé.

Du côté de l’emploi – ça a été dit ce matin, mais je vais le redire à grands traits – des taux d’activité des femmes plus faibles que les taux d’activité des hommes, et des taux de chômage plutôt plus élevés. Mais, et je crois qu’il est important de le dire dans une perspective d’une histoire récente, il faut quand même souligner de très importantes évolutions sur les cinquante dernières années, avec un rapprochement régulier de la courbe d’activité professionnelle des femmes de celle des hommes. On avait au milieu des années 1960 une courbe bimodale d’activité (élevée tout au début de l’activité professionnelle, puis on avait une interruption d’activité lorsque les enfants grandissaient, et une reprise d’activité vers 40-45 ans). Cette forme bimodale a complètement disparu de façon régulière. La courbe d’activité des femmes se rapproche maintenant beaucoup de celle des hommes, même si, à tous les âges, les taux d’activité des femmes sont un peu inférieurs à ceux des hommes. Les caractéristiques ont été dites ce matin : travail à temps partiel beaucoup plus fréquent pour les femmes, précarité des emplois plus importante. Si on reprend les emplois en CDD, les emplois inté- rimaires, c’est plus fréquent chez les femmes que chez les hommes, et une cessation d’activité qua- siment aux mêmes âges pour les deux sexes, si on prend les hommes et les femmes qui sont encore en activité à 50 ans, donc il y a une sélection qui s’est opérée avant. Il y a un numéro très récent de

Alors, de quoi allons-nous parler maintenant ? De façon un peu simple, et j’espère que l’exposé sera suffisamment clair, j’ai essayé de décliner plusieurs questions. C’est :

- comment la santé est-elle liée à la situation d’emploi ?

- comment la santé est-elle liée à la profession et à la pénibilité du travail ?

Et ces questions simples, j’ai essayé de les aborder à différents âges, et toujours en comparant les hommes et les femmes. Puis, une question qui est totalement corollaire :

- En quoi la santé est-elle liée à la discontinuité de l’emploi ?

Ces questions simples, je les ai traitées à partir des données d’une enquête transversale récente dont je vais parler, et j’ai en quelque sorte joué avec cette base de données pour essayer de souligner les points principaux de cette question des relations entre l’emploi et la santé. De quelle enquête s’agit- il ? C’est l’enquête Événements de Vie et Santé : enquête EVS. Les sujets de cette enquête ont été in- terrogés, le recueil des données a eu lieu de novembre 2005 à février 2006. L’enquête portait sur les personnes âgées de 18 à 75 ans et vivaient dans des ménages ordinaires en France métropolitaine. Elle a été réalisée par la Drees, et, tout particulièrement, sous la responsabilité de Catherine Cavalin. C’est une enquête qui avait été demandée par le ministère de la Santé, à la suite de l’enquête Enveff, qui était une enquête nationale sur les violences envers les femmes en France et qui avait souligné à la fois la fréquence des violences envers les femmes, le lien entre les violences et la santé.

Le ministère de la Santé avait souhaité qu’une enquête, qui portait sur des hommes et des femmes, aborde cette question de violence et santé. Ce que l’on va utiliser cet après-midi n’a rien à voir avec

les violences, mais cette enquête avait le mérite de collecter de très nombreuses données sur la si- tuation sociale et la santé, et c’est pour ça que j’ai choisi de l’utiliser.

Donc, il y avait un tirage au sort à deux étapes. Dans un premier temps, les ménages étaient tirés au sort. Et ensuite, au sein des ménages, la personne enquêtée était tirée au sort du moment qu’elle avait entre 18 et 75 ans. Les interrogatoires ont été réalisés par les enquêteurs de l’Insee en face à face, avec un questionnaire en plusieurs parties et, en ce qui nous concerne cet après-midi, une partie décrivant la santé et une partie sur la biographie, pas mal d’informations sur l’emploi, quelques informations sur les conditions de travail. Et l’échantillon comprenait 9 953 personnes, dont 4 328 hommes et 5 625 femmes. Donc, pour décrire la situation vis-à-vis de l’emploi, j’ai très simplement pris deux informa- tions : le statut de l’emploi au moment de l’enquête (être actif, occupé, se dire au chômage, ou être autre inactif ; au début de la période d’âge, on pouvait être étudiant ; à la fin de la période d’âge, on pouvait être retraité, ou toute sorte d’autre inactif...) ; et puis, avoir eu une interruption de la vie pro- fessionnelle, puisque la question était posée, que les personnes travaillent ou ne travaillent pas au moment où on les enquêtait, on leur demandait s’ils avaient eu une interruption de leur vie profes- sionnelle avant, si c’était pour le chômage, pour une autre raison ou pour les deux raisons.

Concernant les conditions de travail, nous disposions de la catégorie socioprofessionnelle, et j’ai cons- truit un index de pénibilité du travail à partir de huit questions sur les sources éventuelles de fatigue au travail. C’est-à-dire que les questions qui étaient posées aux enquêtés étaient : « est-ce que vos condi- tions de travail sont fatigantes ? » Et, si oui : « quelle est la source éventuelle de fatigue ? ».

Il y avait huit thèmes : horaire, cadence, posture, relation avec les clients, etc. Et, sur la quantifica- tion de cet index qui pouvait aller de zéro à huit, j’ai créé un index de pénibilité : faible, moyenne, forte ; et puis il y avait aussi une question de satisfaction vis-à-vis du travail, que j’ai beaucoup uti- lisée dans l’analyse. Je ne suis plus sûre maintenant que je vais vous présenter les résultats avec les satisfactions. Car évidemment, comme toujours dans ces cas-là, on analyse beaucoup de données, on sort beaucoup de tableaux, et, au moment de faire la présentation, on sélectionne pour ne pas être trop répétitif. Il me semble toujours important de tenir compte de facteurs extraprofessionnels et, là, aussi, j’ai surtout pris en compte le niveau de formation, le niveau d’études, en le simplifiant en trois modalités : la vie familiale en couple ou non et le nombre d’enfants.

Alors, en ce qui concerne la santé, j’ai sélectionné deux indicateurs de santé. Un indicateur qui a, pour moi, le mérite de mesurer la santé dans sa globalité, qui est l’indicateur de santé perçue :

« Dans l’ensemble, pensez-vous que votre santé est excellente, très bonne, bonne, médiocre ou mauvaise ? ». C’est un indicateur qui, par définition, est extrêmement subjectif, plusieurs études ont

montré qu’un indicateur comme celui-là est lié à la mortalité dans les cinq ans à venir. Donc, il est subjectif mais non moins pertinent. Mais comme on l’a dit tout à l’heure, le pourcentage d’hommes qui évaluent leur santé « excellente » ou « très bonne » est légèrement supérieur : 39 %, comparé à 34 % des femmes, et, à l’inverse, 16 % des femmes disent que leur santé est médiocre ou mauvaise, au lieu de 13 % des hommes.

Puis, j’ai retenu un autre indicateur qui s’appellera « limitations » – dans l’ensemble des diaposi- tives que je vais vous montrer –, réponse à : « Actuellement, êtes-vous limité depuis au moins six mois à cause d’un problème de santé dans les activités que les gens font habituellement ? ». J’ai sélectionné les gens qui se déclaraient limités ou sévèrement limités. Là, vous avez des fréquences qui sont quand même très voisines pour les hommes et les femmes, et après légèrement plus élevées pour les femmes. Alors, ces deux indicateurs sont bien sûr liés entre eux, c’est-à-dire que les per- sonnes qui avaient des limitations, qualifiaient plus souvent leur santé de médiocre ou mauvaise, mais cela ne recouvre pas du tout les mêmes gens. Et, j’ai pensé que c’était complémentaire de pré- senter les deux. J’ai aussi conduit toute l’analyse avec un score de santé physique global et un score de santé mentale global. Mais les résultats qu’on a avec les quatre indicateurs de santé étaient telle- ment voisins que, pour simplifier et ne pas alourdir avec des chiffres la présentation, je n’ai retenu que les deux que vous voyez là, et, certaines fois, je ne vous montrerai même que le premier.

Alors, premiers résultats implacables, sans discussion possible, mais de temps en temps il faut se rap- peler les réalités, c’est que la santé est beaucoup moins bonne à mesure que l’âge augmente avec des variations de santé perçue, de pourcentages de santé perçue médiocre ou mauvaise, qui varient de 2 % pour les jeunes hommes à 30 % pour les hommes plus âgés, et de 5 % à 37 % pour les femmes. Donc, de façon extrêmement régulière, et sans équivoque possible, moins bonne santé à mesure que l’âge augmente, ce qui est complètement confirmé par le pourcentage de personnes atteintes de limitations dues à la santé avec une évolution de cette fréquence de 3 % chez les hommes à 27 %, et de 4 % chez les femmes à 34 %. Donc, des évolutions qui sont relativement parallèles entre les deux sexes.

Alors, en ce qui concerne l’emploi, on a un pourcentage d’actifs occupés en fonction des différentes classes d’âge. J’ai sélectionné en groupes décennaux, sauf le dernier groupe où il n’y avait pas tout à fait dix années. Donc on a, évidemment, après 57 ans, un taux d’actifs occupés qui a beaucoup baissé, puisque les retraites se prennent. Ce qui fait que pour discuter cette notion de différentes étapes de la vie professionnelle, j’ai sélectionné dans la suite de l’exposé ces trois tranches d’âge : 28-37, 38-47, 48-57.

Le taux d’actifs occupés n’est pas trop variable, même s’il a déjà commencé à baisser finalement après 55 ans, et j’ai présenté la plupart des résultats en comparant ces trois classes d’âge, en mettant finalement les dix premières années de la vie professionnelle, les dix années du milieu et les dix années qui précèdent la cessation d’activité.

Alors, avant de parler d’emploi et de santé, juste un mot sur un élément, important, au cœur des discussions : les inégalités sociales de santé par tranches d’âge.

Il y a un pourcentage de personnes qui déclarent leur santé perçue médiocre ou mauvaise, en fonc- tion de leur niveau d’études, du fait qu’ils vivent en couple, pour les trois tranches d’âge que j’ai sélectionnées. Avec tous ces indicateurs-là, qui sont des indicateurs très simples, on perçoit des dif- férences sociales de santé, et particulièrement dans les groupes d’âge des plus âgés, les 48-57 ans : le pourcentage de santé perçue médiocre ou mauvaise est de 6 % pour les personnes qui ont un ni- veau d’études supérieur au baccalauréat, au lieu de 24 % pour ceux qui n’ont pas le baccalauréat pour les hommes, et 12 % versus 27 % chez les femmes.

Globalement, on observe de réelles différences, que j’appelle des différences sociales de santé. Par ailleurs, on observe aussi que les personnes qui ne vivent pas en couple décrivent toujours leur santé comme moins bonne, avec probablement un double effet de mise en couple défavorisée par la mau- vaise santé, et puis peut-être une relation inverse qui est que l’isolement entraîne soit une réelle moins bonne santé, soit un jugement plus péjoratif sur sa santé. On a les mêmes chiffres et les mêmes constats avec les limitations dues à la santé. Et, si on prend la troisième tranche d’âge, 10 % des hommes qui sont titulaires d’un diplôme plus élevé que le baccalauréat décrivent des limitations dues à la santé, contre presque 30 % pour ceux qui n’ont pas le baccalauréat, et 20 % versus 32 % chez les femmes.

Donc, de vraies inégalités sociales de santé, moins bonne santé des personnes qui ne vivent pas en couple. Et donc, à plusieurs moments dans la suite de l’exposé, je vais prendre en compte des indi- cateurs de situations familiales comme : la vie en couple, le nombre d’enfants, pour comparer un peu plus finement les situations.

Alors, maintenant, première partie, les résultats selon la situation d’emploi.

Premier constat qui est très important, c’est que si on compare, au moment de l’enquête, les actifs occupés, les chômeurs, et les autres inactifs, on a, quel que soit l’âge, de très grandes différences d’état de santé avec une plus mauvaise santé pour les autres inactifs ou les chômeurs que pour les actifs. Il y a un taux particulièrement important chez les hommes, pour les autres inactifs, de ma- lades, de santé perçue médiocre ou mauvaise. Donc, là, on a le reflet très net de la sélection au tra- vail par la santé, notamment à ces âges-là, donc normalement en pleine activité. Les hommes qui ne travaillent pas, pour une grande partie, c’est parce qu’ils sont malades.

Plus intéressant à souligner, c’est qu’on retrouve aussi toujours une plus mauvaise santé pour les gens au chômage que pour les actifs en emploi. Cela est très important à montrer.

Et parmi les actifs occupés au moment de l’enquête, on voit que ceux qui ont eu une interruption pendant la vie professionnelle (et c’est la deuxième partie inférieure du tableau) ont toujours aussi une santé perçue qui est moins bonne que ceux qui n’ont pas eu d’interruption dans leur vie profes- sionnelle. Les actifs sont en meilleure santé que les chômeurs et que les autres inactifs, une interrup- tion dans la vie professionnelle est liée à un moins bon état de santé.

Si on prend l’autre indicateur : limitations due à la santé, on a des chiffres tout à fait superposables, avec une différence particulièrement importante pour les hommes, et l’effet de sélection par la santé à ces âges-là pour les hommes est encore plus fort que pour les femmes, puisqu’il y a pour les femmes d’autres raisons sociales de ne pas travailler qu’il n’y a pas chez les hommes. Néanmoins, entre 38 et 47 ans ou entre 48 et 57 ans, les femmes autres inactives décrivent plus souvent des limi- tations dues à la santé que les actives occupées, et, là aussi, les chômeurs ou les chômeuses plus que les actifs occupés. Comme pour la santé perçue, les actifs qui ont eu une interruption dans leur vie professionnelle décrivent, en général, plus souvent des limitations et c’est particulièrement vrai pour les hommes.

Là, j’ai présenté des résultats pour montrer le lien de la santé avec l’âge, et comment finalement la santé était perçue, ou les limitations étaient décrites plus fréquemment pour les personnes les plus âgées. Ce sont des odds ratio (OR) ajustés ; si on met à 1 le risque observé chez les gens de 28 à 37 ans, qu’en est-il à 48 ou 57 ans ? Et, là, « ajusté » sur la vie de couple ou le nombre d’enfants, si on met à 1 l’odds-ratio de santé perçue médiocre ou mauvaise pour les gens de 28 à 37 ans, il est à 1,76 – significativement plus élevé que 1 – pour les 48 à 57 ans, et il est à 2,72 chez les femmes. Et pour les limitations, pour les hommes, il passe de 1 à 1,60 et pour les femmes de 1 à 2,48. Donc, on a l’impression que les différences d’état de santé selon l’âge sont plutôt plus prononcées pour les femmes que pour les hommes. L’écart entre les plus jeunes et les plus âgées semble plus important pour les femmes que pour les hommes. Ces résultats sont faits à partir des actifs occupés au moment de l’enquête.