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Rappels sur le concept de couche limite

L’objet de cette section est d’effectuer quelques rappels sur le concept de couche limite, aussi bien dans le régime laminaire que turbulent. Seulement les bases conceptuelles seront présentées afin d’introduire au paragraphe §1.3.3 les quantités physiques les plus représentatives des couches li-mites. Il est très important d’appréhender aisément le sens des quantités introduites dans §1.3.3, car toutes les études effectuées dans cette thèse s’appuient sur ces quantités.

Le développement exhaustif des notions physiques de couche limite avec ses déductions mathéma-tiques inhérentes ne sont pas rappelés de cette section. Pour une étude approfondie de la couche limite, le lecteur est invité à consulter la riche littérature existante sur le sujet [42, 51, 52, 102, 172, 185].

1.3.1 Couche limite laminaire

Pour introduire le concept de couche limite, on présente l’écoulement schématisé sur la figure 1.2. Un écoulement libre avec une vitesse uniforme non perturbée 𝑢 rencontre un objet pointu. Les lignes de courant se courbent doucement4 pour adapter le mouvement de l’air à la présence de l’obstacle. Il existe une ligne de courant qui se termine contre la pointe de l’objet, où se trouve l’origine du repère (𝑥, 𝑦) associé à la paroi de l’objet. Cette ligne de courant sépare celles qui passent par dessus et par dessous de l’objet. La vitesse d’une particule d’air voyageant le long de cette ligne de courant divisoire diminue jusqu’à l’arrêt complet au niveau de la paroi (ce point est noté le point

d’arrêt).

L’écoulement adhère aux parois du fait de la viscosité moléculaire de l’air. En pratique, cela veut dire que la vitesse de l’air en contact avec des parois solides est nulle (dans le repère local des parois). Par conséquent, il existe une petite région dans laquelle la vitesse des particules change depuis sa valeur nulle à la paroi, 𝑢(𝑥, 0) = 0, jusqu’à sa valeur totale à une distance 𝛿 de la paroi, 𝑢(𝑥, 𝑦 > 𝛿), où les effets visqueux ne jouent plus un rôle prépondérant. Il en vient que dans la couche limite,

𝑦 < 𝛿, le gradient dans la direction normale à la paroi de la vitesse longitudinale, 𝜕𝑢∕𝜕𝑦, est très

important.

Afin de commenter quelques aspects supplémentaires sur les couches limites laminaires, les équa-tions gouvernant leur dynamique sont présentées. Ces équaéqua-tions se déduisent aisément à partir des

4. Cet écoulement conceptuel est assumé subsonique (𝑀 < 1) partout, donc en absence d’ondes de choc. Si l’écou-lement était supersonique, les lignes de courant changeraient de direction de façon abrupte au travers l’onde de choc qui se générerait à partir de la pointe de l’objet. Également dans ce dernier cas, une couche limite d’hauteur 𝛿 croissante selon 𝑥 se produirait.

1.3 - Rappels sur le concept de couche limite 17 𝑢 𝑥 𝑦 𝑢(𝑥, 𝑦>𝛿) = 𝑈(𝑥) 𝑢(𝑥,𝑦<𝛿 ) 𝛿(𝑥)

FIGURE1.2 – Écoulement de couche limite sur les parois d’un objet pointu (contour haché), où sont repré-sentés les lignes de courant (en trait continu), l’épaisseur de couche limite 𝛿 (en trait long discontinu) et les profil des vitesses (petites flèches). Source : Adaptation de l’auteur à partir de [172, Fig.6.1].

équations de Navier-Stokes (1.29) (cf. p. ex. [172, §6.1]). Par souci de simplicité et de clarté dans le propos de cette section, les équations suivantes correspondent à une couche limite 2D stationnaire incompressible sans effet de température (adaptées de [172, Eqns.6.30–6.33]) :

𝜕𝑢 𝜕𝑥+ 𝜕𝑣 𝜕𝑦 = 0 (1.46a) 𝑢 𝜕𝑢 𝜕𝑥+ 𝑣𝜕𝑢 𝜕𝑦 = −1 𝜌 𝑑𝑝 𝑑𝑥 + 𝜈 𝜕2𝑢 𝜕𝑦2 (1.46b) 𝑦 = 0 ∶ 𝑢 = 0, 𝑣 = 0; (1.46c) 𝑦 → 𝛿 ∶ 𝑢 = 𝑈(𝑥), 𝑣 = 0; (1.46d) 𝑈 𝑑𝑈 𝑑𝑥 = −1 𝜌 𝑑𝑝 𝑑𝑥, (1.46e)

où 𝑈(𝑥) = 𝑢(𝑥, 𝑦 > 𝛿) est la vitesse à l’extérieur de la couche limite5 qui, en première approxima-tion, ne dépend que de la coordonnée longitudinale 𝑥, ce qui donne la relation supplémentaire en appliquant le principe de Bernoulli (1.46e).

L’observation principale à souligner à partir des équations (1.46), est qu’elles ont un caractère

pa-rabolique, à la différence du système hyperbolique (1.28) à partir desquelles elles ont été déduites. Cela se traduit en pratique dans le fait que les effets dynamiques du fluide se propagent seulement vers l’aval de l’écoulement. En d’autres termes, les profils de vitesse d’une couche limite laminaire

5. Dans ce manuscrit, les quantités à la frontière de couche limite sont notées avec l’indice 𝑒. Ainsi, dans ce cas nous pouvons noter de façon alternative 𝑈(𝑥) = 𝑢(𝑥, 𝑦>𝛿) = 𝑢𝑒

18 1 - Rappels sur la mécanique des fluides

(attachée) à une position 𝑥 donnée ne sont pas influencés par l’évolution de la couche limite en aval d’une position 𝑥 > 𝑥.

Soulignons également que les gradients de pression dans la direction normale à la paroi dans la couche limite 𝜕𝑝∕𝜕𝑦 (𝑦 < 𝛿) sont négligeables. Au contraire, le gradient longitudinal de pression

𝑑𝑝∕𝑑𝑥 a une forte influence sur la topologie de la couche limite. Concrètement, un fort gradient

adverse de pression (𝑑𝑝∕𝑑𝑥 > 0) produit un ralentissement de la couche limite qui peut engendrer un décollement, comme celui schématisé sur la figure 1.3. En effet, lorsque la couche limite est ralentie au point où le gradient de vitesse à la paroi (𝑦 = 0, indice 𝑤) s’annule, on dit que la couche limite est décollée, ou séparée de la paroi. À partir du point de décollement 𝑥 > 𝑥sep, le gradient de vitesse à la paroi devient négatif, (𝜕𝑢∕𝜕𝑦) < 0, ce qui provoque un écoulement de retour (en remontant vers l’amont) comme schématisé dans le profil le plus à droite de la figure 1.3. Les profils de vitesse des couche limites laminaires décollées se caractérisent également par la présence d’un point d’inflexion. Les conséquences de la présence de ce point d’inflexion sur la stabilité de l’écoulement et la transition vers la turbulence sont très importantes, comme il sera discuté dans les prochains chapitres. Mais avant tout cela, dans le prochain paragraphe (§1.3.2), quelques éléments sur la couche limite turbulente vont être présentés.

𝛿 𝑦

𝑥 𝑥sep

Point

d’inflexion Pointd’inflexion

( 𝜕𝑢 𝜕𝑦 ) 𝑤> 0 ( 𝜕𝑢 𝜕𝑦 ) 𝑤= 0 (𝜕𝑢 𝜕𝑦 ) 𝑤< 0 𝑑𝑝 𝑑𝑥 > 0

FIGURE1.3 – Profils de couche limite laminaire soumise à un gradient adverse de pression provoquant son décollement au point 𝑥sep. Source : Adaptation de l’auteur à partir de [172, Fig.6.2(c)].

1.3.2 Couche limite turbulente

Les profils de vitesse d’une couche limite laminaire stationnaire, comme ceux présentés sur la fi-gure 1.3, possèdent une structure qui est indépendante du temps considéré. C’est-à-dire que, si l’on mesurait le profil de vitesse à une localisation donnée d’une couche limite laminaire à un instant

𝑡1, et si l’on le comparaît avec une deuxième mesure du profil de vitesse à la même localisation, mais effectuée à un instant 𝑡2𝑡1, le profil de vitesse des deux mesures serait identique. Or, si l’on

1.3 - Rappels sur le concept de couche limite 19 effectuait la même expérience dans une couche limite turbulente, les profils obtenus entre les deux instants serait significativement différents.

Pour illustrer le caractère fortement instationnaire d’une couche limite turbulente, considérons les schémas des figures 1.4 et 1.5. Sur la figure 1.4, les mesures du profil de vitesse d’une couche limite turbulente sur une plaque plane sont schématisées. Ces profils instantanés correspondent tous au même point spatial (à la même distance du bord d’attaque de la plaque plane), mais prélevés à des instants différents. Sur la figure 1.4, les origines des profils ont été décalés afin de mieux constater les différences relatives entre le profil de vitesse à chaque instant. Il devient clair que les profils de vitesse sont différents en fonction de l’instant considéré. Il a été même observé expérimentalement [211] que dans une couche limite turbulente sur une plaque plane sans gradient adverse de pression, les profils de vitesse de la couche limite peuvent présenter une fine couche décollée, (𝜕𝑢∕𝜕𝑦)𝑤 < 0.

Même si ce décollement instantané reste très rare (il a lieu entre 0.012 et 0.018% du temps), cela met en évidence le caractère fortement fluctuant d’un profil de vitesse d’une couche limite turbulente.

𝑥 𝑦

FIGURE1.4 – Profils de vitesse instantanés d’une couche limite turbulente à la même distance du bord d’at-taque d’une plaque plane à 17 instants différents, représentés avec les origines décalés. Source : Adaptation de l’auteur à partir de [43].

𝑢 𝑦

(a) Profils instantanés.

𝑢 𝑦

(b) Profil moyen.

FIGURE1.5 – Profils de couche limite turbulente. Source : Adaptation de l’auteur à partir de [43]. Considérons maintenant l’ensemble des profils de la figure 1.4 et traçons-les à partir de la même origine, comme sur la figure 1.5a. En effectuant une moyenne temporelle sur l’ensemble des profils de la figure 1.5a, le profil moyen de la figure 1.5b est obtenu. En raison du caractère aléatoire de la turbulence, on ne peut pas prévoir le profil très irrégulier des vitesses instantané d’une couche limite turbulente à un instant précis 𝑡. Il est cependant possible de prévoir ses quantités statistiques,

20 1 - Rappels sur la mécanique des fluides

comme par exemple le profil moyen montré sur la figure 1.5b. Comme D. C. Wilcox [209, Ch.1,p.5] explique :

“Le mouvement turbulent est irrégulier dans le sens où il peut être prévu en utilisant les lois de

la probabilité. Même si les propriétés instantanées d’un écoulement turbulent sont extrêmement sensibles aux conditions initiales, les moyennes statistiques des quantités instantanées ne le sont pas.

Par conséquent, comme anticipé dans la section §1.2, lorsque l’on parle de couche limite turbulente, on s’intéresse principalement à ses quantités statistiques, comme le profil de vitesse moyen, et aussi aux autres quantités statistiques qui l’influencent, comme notamment les tensions de Reynolds.

Couche

linéaire Zone Tampon Sous-couche visqueuse

Couche interne

Region

loi Log (Zone de sillage)Couche externe 𝑢 𝑢𝜏 = 𝑢𝜏𝑦 𝜈 𝑢 𝑢𝜏 = 1 𝜅 ln 𝑢𝜏𝑦 𝜈 + 𝐶+ 𝑢𝑒𝛿 𝜈 = 105 𝑢𝑒𝛿 𝜈 = 3 ⋅ 106 𝑢 𝑢𝜏 𝑢𝜏𝑦 𝜈 Échelle logarithmique 30 25 20 15 10 5 0 1 2 5 10 20 50 100 200

FIGURE1.6 – Profil de vitesse moyen d’une couche limite turbulente en échelle logarithmique. Source : Adaptation de l’auteur à partir de [42, Fig.6.3].

Le profil de vitesse moyen, comme celui représenté sur la figure 1.5b, peut être présenté en échelle logarithmique, comme sur la figure 1.6. La composante principale de vitesse 𝑢 a été adimensionnée par rapport à l’échelle vitesse de friction, notée 𝑢𝜏 :

𝑢𝜏 ∶= √

𝜏𝑤

𝜌 (1.47)

1.3 - Rappels sur le concept de couche limite 21 adimensionner la vitesse 𝑢 et la distance à la paroi 𝑦, pour en déduire la vitesse visqueuse 𝑢+, et la distance visqueuse à la paroi 𝑦+, respectivement [42, Ch.6] :

𝑢+ = 𝑢

𝑢𝜏, 𝑦

+ = 𝑢𝜏𝑦

𝜈 (1.48)

La représentation en échelle logarithmique de la figure 1.6 permet de discerner différentes régions [42] au sein de la couche limite turbulente. Deux zones sont d’abord identifiées : la couche externe, et la couche interne. La couche externe, aussi appelée zone de sillage, est la plus proche de la frontière de la couche limite. Dans cette zone, les efforts visqueux sont négligeables. Le reste de la couche limite est la couche interne, qui se divise en deux régions principales : la sous-couche visqueuse, et la région logarithmique. La sous-couche visqueuse est une région où les efforts turbulents sont négligeables par rapport aux efforts visqueux (les tensions de Reynolds tendent vers zéro à la paroi). La région logarithmique est une zone de raccordement entre la sous-couche visqueuse et la zone de sillage. Il peut être montré grâce à des arguments dimensionnels (cf. p. ex. : [172, §17.1.1]) ou même directement à partir des équations de Navier-Stokes [147] que cette région suit une loi logarithmique, d’où sa dénomination. Cette loi prend la forme suivante :

𝑢+ = 1

𝜅ln 𝑦++ 𝐶+ (1.49)

Où 𝜅 = 0.41 est la constante de Von-Kármán et 𝐶+est une constante qui dépend de la rugosité. Pour des surfaces lisses, expérimentalement on trouve 𝐶+ = 5.0. L’étendue de la région logarithmique dépend notamment du nombre de Reynolds local de la couche limite (plus le nombre de Reynolds est élevé, plus cette région est large et inversement). L’extension dépend également du gradient de pression. Pour des forts gradients adverses de pression, l’extension de la région logarithmique se contracte pour permettre à la zone de sillage d’occuper une plus large place au sein de la couche limite turbulente (cf. [75, p.30–31]).

Dans la sous-couche visqueuse, les efforts visqueux sont bien plus importants que les efforts turbu-lents. Très proche de la paroi (dans la sous-couche visqueuse, appelée également couche linéaire) on trouve alors un comportement linéaire de la vitesse par rapport à la distance à la paroi :

𝑢+ = 𝑦+ (1.50)

On appelle la zone tampon la région de raccordement entre la couche linéaire et la région logarith-mique.

Maintenant que le concept de couches limites laminaire et turbulente ont été introduites, dans le paragraphe suivant (§1.3.3) les quantités caractéristiques de la couche limite seront rappelées, afin de permettre au lecteur de mieux appréhender les résultats présentés dans cette thèse.

22 1 - Rappels sur la mécanique des fluides

1.3.3 Quantités de couche limite

La quasi-totalité des résultats présentés dans cette thèse s’articulent autour d’un petit ensemble de quantités physiques utilisées pour évaluer la qualité des prévisions aérodynamiques des simulations RANS. La plupart de ces quantités servent à décrire les caractéristiques de la couche limite. Une présentation détaillée de telles quantités physiques de couche limite est proposée ici pour que le lecteur puisse s’y référer, si nécessaire, afin de favoriser l’interprétation des résultats de cette thèse.

Coefficient de frottement La première quantité de couche limite qui nous intéresse est le

coeffi-cient de frottement, 𝑐𝑓 :

𝑐𝑓 ∶= 𝜏𝑤

𝑝𝑟𝑒𝑓 (1.51)

L’équation (1.51) indique que 𝑐𝑓 est la contrainte pariétale 𝜏𝑤 adimensionnée par une pression de référence 𝑝𝑟𝑒𝑓. La pression de référence est souvent la pression dynamique à la frontière de couche limite, ce qui donne la définition suivante du coefficient de frottement :

𝑐𝑓(𝑥) = 𝜏𝑤(𝑥)

1

2𝜌𝑒(𝑥) 𝑢𝑒(𝑥)2 (1.52)

Puisque les quantités 𝜌𝑒 et 𝑢𝑒 peuvent varier d’un point à l’autre de l’espace (ce qui est représenté dans (1.52) par la dépendance de 𝜌𝑒et 𝑢𝑒de la coordonnée 𝑥), alors la pression de référence de (1.52) est variable. De ce fait, parfois il est plus convenable d’exprimer le coefficient de frottement avec une pression de référence constante dans l’écoulement. Cette dernière est la pression dynamique dans l’écoulement libre lointain, ce qui donne la définition suivante du coefficient de frottement :

𝑐𝑓(𝑥) = 𝜏𝑤(𝑥)

1 2𝜌𝑢2

(1.53) Ce dernier choix (1.53) est privilégié dans cette thèse lors des études d’écoulements autour de profils. La notation employée dans cette thèse est explicitée dans les équations (1.52) et (1.53) : le coefficient sans indice, 𝑐𝑓, indique l’adimensionnement par rapport à la pression dynamique de la frontière de couche limite; et le coefficient avec indice ∞, 𝑐𝑓, indique l’adimensionnement par rapport à la pression dynamique de l’écoulement libre lointain.

Il est intéressant de noter que le coefficient de frottement, 𝑐𝑓, sur d’une plaque plane, prend des valeurs relativement élevées à proximité du bord d’attaque. La valeur de 𝑐𝑓 diminue ensuite (sauf dans la région transitionnelle) dans la direction de l’écoulement principal.

1.3 - Rappels sur le concept de couche limite 23

Épaisseur de déplacement La quantité d’intérêt suivante est l’épaisseur de déplacement. Cette

épaisseur, est une mesure de l’action de déplacement de la couche limite [172, Ch.6, p.154]. L’épais-seur de déplacement, noté 𝛿, est définie par :

𝛿(𝑥) ∶=ˆ 𝛿(𝑥) 0 ( 1 − 𝑢(𝑥, 𝑦) 𝑢𝑒(𝑥) ) 𝑑𝑦 (1.54)

L’épaisseur de déplacement 𝛿représente la distance suivant laquelle il faudrait déplacer la paroi afin que l’écoulement potentiel de vitesse uniforme 𝑢𝑒 ait le même débit massique que la couche limite réelle. L’épaisseur de déplacement représente donc bien l’influence de la présence de la couche limite dans la déviation des lignes de courant à l’extérieur de celle-ci. Cette propriété est notamment exploitée dans des codes de couplage potentiel/couche limite [69].

𝑢 𝑦

𝑢𝑒(𝑥)

𝑢(𝑦) 𝛿

FIGURE1.7 – Épaisseur de déplacement, 𝛿, d’une couche limite. Source : Adaptation de l’auteur à partir de [172, Fig.6.3].

Il est facile de se représenter graphiquement l’épaisseur de déplacement 𝛿, comme sur la figure 1.7. Les deux zones hachurées autour du profil de vitesse ont la même aire. La hauteur qui divise ces deux zones est donc l’épaisseur de déplacement.

Notons que dans une plaque plane l’évolution de 𝛿(𝑥) est croissante depuis le bord d’attaque de la plaque plane (en absence de décollements). L’épaisseur de quantité de mouvement pour une couche limite attachée est ≈ 𝛿∕3 dans le régime laminaire et ≈ 𝛿∕8 dans le régime turbulent [172].

Épaisseur de quantité de mouvement Cette quantité, notée 𝜃, représente la plus faible quantité de

mouvement qui traverse la couche limite par rapport à celle de l’écoulement externe. Cette quantité est définie par :

𝜃(𝑥) ∶= ˆ 𝛿(𝑥) 0 𝑢(𝑥, 𝑦) 𝑢𝑒(𝑥) ( 1 − 𝑢(𝑥, 𝑦) 𝑢𝑒(𝑥) ) 𝑑𝑦 (1.55)

24 1 - Rappels sur la mécanique des fluides

Notons que l’évolution de 𝜃(𝑥) le long d’une plaque plane, de façon analogue à l’évolution de 𝛿(𝑥), est croissante, sauf dans les régions décollées ou transitionnelles.

Facteur de forme Le facteur de forme de la couche limite, noté 𝐻, est le rapport entre l’épaisseur

de déplacement et l’épaisseur de quantité de mouvement :

𝐻 ∶= 𝛿

𝜃 (1.56)

Notons que 𝐻 est une bonne mesure de l’intensité du décollement d’une couche limite. En effet, lors du décollement de la couche limite l’épaisseur de déplacement est très élevé (il y a une forte influence de la couche limite dans la déformation des lignes de courant à l’extérieur). Mais l’épais-seur de quantité de mouvement est très faible (du fait de l’écoulement de retour, la quantité nette de mouvement traversant la couche limite est plus faible qu’en couche limite attachée). Cette situation provoque 𝛿 ≫ 𝜃, ce qui se traduit par des valeurs de 𝐻 élevées. On en déduit que les décollements,

et plus généralement les gradients adverses de pression, contribuent à augmenter 𝐻. Inversement, un gradient favorable de pression contribue à diminuer 𝐻. Cette observation est très importante car

𝐻 mesure aussi la stabilité d’une couche limite laminaire, ce qui a des conséquences importantes

dans la prévision de la transition de la couche limite, comme il sera présenté dans les prochains chapitres. Pour une couche limite attachée, 𝐻 ≈ 2.6 dans le régime laminaire et 𝐻 ≈ 1.4 dans le régime turbulent [172].

Chapitre 2

Mécanismes de transition vers la turbulence

L

ES principaux mécanismes de transition vers la turbulence sont brièvement présentés dans ce chapitre. L’accent est mis en particulier sur la transition par bulbe de décollement la-minaire, qui est le phénomène d’intérêt sur lequel porte cette thèse. Seulement les aspects physiques sont évoqués dans ce chapitre, relayant la revue des différentes approches de modélisa-tion au chapitre §4. Le but de ce chapitre n’est pas d’effectuer une revue exhaustive de la très riche littérature existante sur la transition vers la turbulence, mais plutôt d’esquisser les grandes lignes qui permettent de situer la transition par bulbe de décollement dans son contexte. Le lecteur intéressé par une introduction détaillée à la phénoménologie de la transition peut consulter, par exemple, les ouvrages suivants : Boundary Layer Theory de H. Schlichting et K. Gersten [172, §15] ou

Turbu-lence et couche limitede J. Cousteix [52]. Une vision récente des études portant sur la transition se trouve dans [133].

2.1 Les chemins vers la turbulence

L’une des visions les plus répandues sur les différents scénarios de transition vers la turbulence a été synthétisée par Reshotko et Tumin [156], par un schéma reproduit sur la figure 2.1.

Il est bien établi que la transition vers la turbulence est un phénomène qui dépend fortement des conditions de l’expérience (perturbations liées à la turbulence dans la veine d’essais, bruit acous-tique, rugosité...). Par conséquent, les 5 scénarios évoqués par Reshotko et Tumin [156] (figure 2.1) sont classifiés par rapport à l’intensité des dites perturbations. Les différents scénarios sont les suivants :

Scénario A (𝑇𝑢0.1%) → Ce scénario a lieu lorsque les perturbations sont très faibles, comme par exemple dans une atmosphère calme et lorsque la surface de la paroi est lisse. Alors, dans ces circonstances la croissance transitoire est négligeable et la transition a lieu par l’ampli-fication des ondes de Tollmien-Schlichting (TS). Si la couche limite évolue sur une surface

26 2 - Mécanismes de transition vers la turbulence

FIGURE2.1 – Chemins menant vers la turbulence en écoulements pariétaux d’après Reshotko et Tumin [156]. Source : [156].

concave, alors des instabilités de Görtler peuvent apparaître. Dans cette catégorie nous pou-vons ajouter les instabilités de type crossflow, qui ont lieu dans les couches limites tridimen-sionnelles (avec des composantes transverses importantes), et même les instabilités de type Kelvin-Helmholtz (KH), qui ont lieu lorsque la couche limite laminaire décolle. Du fait de la très faible intensité des perturbations, certains auteurs qualifient ce scénario de transition

naturelle[12].

Scénario B ( 0.1 ⪅ 𝑇𝑢0.7) → Dans cette situation, aux ondes TS se rajoute l’interaction d’ondes basse fréquence d’une nature très différente : les perturbations liées aux stries de Klebanoff [101] (tourbillons longitudinaux). Dans ce scénario, les deux types de mécanismes coexistent [107].

Scénario C ( 0.7 ⪅ 𝑇𝑢⪅1) → Dans cette situation, la croissance modale n’est plus la respon-sable de la transition. Les niveaux relativement forts de turbulence favorisent [107] l’appa-rition de stries de Klebanoff [101].

Scénario D ( 𝑇𝑢⪆1) → Cette situation est complètement dominée par les stries de Klebanoff [101]. Cette transition est nommée bypass [196] et apparaît dans des écoulements fortement perturbés, comme dans les turbomachines [60].

Scénario E ( 𝑇𝑢≫ 1) → Ce scénario correspond à celui où les perturbations sont tellement

importantes qu’aucune phase de croissance linéaire n’est observée.

Nous rappelons que dans cette thèse l’intérêt porte sur les bulbes de décollement laminaire. Les bulbes ont lieu le plus souvent dans le scénario A , mais soulignons que l’intervention des stries

2.2 - Transition par bulbe de décollement laminaire 27