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PREMIERE PARTIE : GENERALITES CONCERNANT LA THERAPIE CIBLEE

III- Rappel physiologique

Le développement des thérapies moléculaires ciblées s’est en pratique initialement focalisé, il y a quelques années maintenant, sur les mécanismes de l’oncogenèse impliquant les systèmes récepteurs membranaires/ligands tels que le récepteur C-KIT ou la famille HER (human epidermal growth factor receptor). Anticorps monoclonaux et inhibiteurs de tyrosine kinase dominaient alors les agents thérapeutiques en investigation. De multiples cibles potentielles ont en parallèle été mises en évidence, permettant aux thérapies moléculaires ciblées d’entrer dans les voies intra cellulaires (mammalian target of rapamycin [mTOR], régulation épigénétique, protéasome, etc.)[2] ou d’agir sur les

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interactions entre cellules cancéreuses et tissu péritumoral, notamment au travers de la régulation de l’angiogenèse ou de l’immunité antitumorale.

La signalisation cellulaire ou transduction du signal désigne l'intégration d'un message d'origine extracellulaire par une cellule. Le message passe à travers la membrane plasmique, arrive dans le cytoplasme, puis passe dans le noyau pour générer la transcription de protéines. Les cellules émettent des médiateurs ou ligands (hormones, facteurs de croissance, cytokines, peptides…) qui sont détectés par d'autres cellules au niveau de récepteurs extra ou intracellulaires spécifiques, ce qui induit une réponse de la cellule réceptrice. La fixation du ligand sur son récepteur induit un changement de conformation de celui-ci, ce qui active une cascade de réactions biochimiques conduites par les enzymes à l’intérieur de la cellule (par exemple une série de phosphorylations pour les protéines kinases).

Les voies de signalisation régulent finement des processus cellulaires clés tels que la prolifération, la différenciation, la mobilité, la réponse au stress, l’apoptose, le métabolisme et l’inflammation. La Figure 4 représente les principales voies de signalisation impliquées dans la régulation de ces processus.

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Figure 4 : Principales voies de signalisation intracellulaire

Dans les cellules cancéreuses, certaines voies de signalisation sont altérées par la mutation ou la surexpression d’un oncogène, conduisant à leur dérégulation. En général, plusieurs voies de signalisation sont impliquées dans la carcinogenèse. [3,4] Selon les protéines altérées, le phénotype de la cellule cancéreuse sera différent. Parmi les cibles les plus attractives de la thérapie ciblée anticancéreuse participant à la signalisation intracellulaire, on distingue : les récepteurs tyrosine kinases (RTKs), la voie MAP kinase Raf/MEK/ERK et la voie PI3K/Akt/mTor.

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1. Les récepteurs à activité tyrosine kinase :

Les récepteurs à activité tyrosine kinase (RTKs) font partie de la famille des récepteurs à activité enzymatique qui associe une fonction de liaison et une fonction enzymatique effectrice. A l'heure actuelle, il existe environ 58 récepteurs à activité tyrosine kinase. Selon leur organisation structurale, ces récepteurs se regroupent en plusieurs familles. Vingt familles de RTKs ont été décrites (figure 5) [5]. Ces récepteurs ont une structure et des mécanismes d'activation assez similaires.

Figure 5 : Récepteurs à activité tyrosine kinase [5]

Ce sont tous des récepteurs transmembranaires monomériques exception faite pour le récepteur de l'insuline. On retrouve du côté extracellulaire, le domaine d'affinité pour le ligand. Lorsque le ligand se fixe sur son récepteur, celui-ci s'autodimérise. Du côté intracellulaire, ceci provoque l'autophosphorylation croisée du récepteur (ou transphosphorylation). Sous forme homodimérique, le RTK se phosphoryle de part et d'autre sur ses deux sous-unités, par modifications conformationnelles successives et ce, exclusivement sur ses résidus tyrosine issus de domaines qui en sont riches (figure 6). Pour chaque résidu tyrosine phosphorylé, il y a une molécule d'ATP consommée. Cette phosphorylation permet d'une part d'accroître l'activité

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enzymatique du récepteur sur son site catalytique (qui n'a pas de relation directe avec la transduction du signal) et d'autre part, de libérer des sites à haute affinité pour des protéines de signalisation : des enzymes ou bien des protéines adaptatrices. Le signal de transduction prolifère par l'interaction du site d'affinité du récepteur et des protéines de signalisation : des enzymes ou bien des protéines adaptatrices. Le signal de transduction prolifère par l'interaction du site d'affinité du récepteur et des protéines qui s'y associent.

Le récepteur prototype de chaque famille est indiqué au dessus du récepteur et les membres de la même famille sont listés en dessous. Les RTKs impliqués dans les cancers apparaissent en italique.

Figure 6 : Activation des RTKs [5]

Les récepteurs à activité tyrosine kinase sont fréquemment surexprimés ou dérégulés dans les cancers. Les mécanismes correspondent en général à des mutations ponctuelles, des délétions au niveau du gène codant pour le récepteur, à une amplification génique ou à des réarrangements chromosomiques. Ces altérations sont le plus souvent activatrices et aboutissent à une activité kinase augmentée ou constitutive [5].

2. Voie RAF/MEK/ERK

La voie MAPKinase est une voie essentielle de régulation de croissance cellulaire, de transformation et d’apoptose. Un des principaux composants est la kinase Raf dont le rôle est

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de transformer le signal provenant de Ras dans une cascade de kinases cytoplasmiques par phosphorylation et activation [6]. Une fois activée, Ras va concourir au recrutement des kinases RAF (A-RAF, B-RAF et RAF-1) vers la membrane cellulaire. À leur tour activées, les kinases RAF vont entraîner une cascade de phosphorylation impliquant les protéines MEK (MEK1 et MEK2) puis ERK (ERK1 et ERK2) qui portent une activité tyrosine-kinase et une activité sérine/ thréonine-kinase. L’activation de la voie RAF/MEK/ERK par la liaison aux récepteurs liés à HIF (VEGFR, EGFR et PDGFR) concourt à la stimulation de la prolifération cellulaire mais également à la diminution de l’apoptose en interagissant avec des protéines de la famille Bcl-2 ou ASK-1 [6].

3. Voie PI3K/AKT/mTOR

La protéine mTOR est une sérine/thréonine-kinase dont l’activation peut se faire dans plusieurs situations :

 par activation de la voie PI3K/AKT en réponse :

- à l’activation des récepteurs membranaires à activité tyrosine-kinase (EGFR, HER2, IGF-1R) [6] ;

- à l’activation de Ras indépendamment de toute stimulation liée à des récepteurs prouvant des intercommunications entre les 2 voies (Ras/RAF/MEK/ERK et PI3K/AKT/ mTOR) [6] ; - à des mutations des gènes PI3KCA et PI3KR1 [6].par perte du PTEN qui un suppresseur de tumeur et qui régule négativement la voie PI3K/AKT [6].

AKT est une kinase stimulant mTOR. En plus de ces activités de régulation de mTOR, AKT a un rôle anti-apoptotique majeur. Elle est impliquée dans de nombreux cancers [6] et il a été montré, dans le cancer du sein, que son niveau d’activité peut être associé à une résistance au traitement hormonal et à un mauvais pronostic [6].

mTOR est particulièrement impliquée dans la coordination des facteurs de croissance et de nutrition mais également dans l’angiogenèse, les modulations métaboliques et l’apoptose

[6]. Sa découverte en 1995 [6] a fait suite aux travaux d’équipes qui cherchaient à élucider les

mécanismes d’action de la rapamycine comme immunosupresseur [6]. Le nom en a gardé la trace : mTOR pour mammalian Target of Rapamycin.