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Quelques exemples de RTKs dérégulés dans les cancers

PREMIERE PARTIE : GENERALITES CONCERNANT LA THERAPIE CIBLEE

IV- A Les différentes classes de la thérapie ciblée et leur mode d’action : 1-Les anticorps monoclonaux :

2- Les inhibiteurs de tyrosine kinase (TKI)

2.3 Les différents types de cibles :

2.3.2 Quelques exemples de RTKs dérégulés dans les cancers

a- Stem Cell Factor Receptor et Platelet Derived Growth Factor Receptor (Kit et PDGFR)

c-KIT ou CD117 est le récepteur au Stem Cell factor (SCF). Il appartient à la famille des RTKs de type III, qui inclue également le PDGFR/, le récepteur au macro Colony Stimulating Factor (CSF-1R) et au FMS like ligand (FLT3). Il est exprimé à la surface des cellules hématopoiétiques, des mastocytes, des mélanocytes, des cellules germinales, et cellules interstitielles de Cajal. L’implication de c-KIT en onco-hématologie est retrouvée notamment dans les GISTs et les mastocytoses. PDGFR est quant à lui retrouvé dérégulé dans certains syndromes myéloprolifératifs et « frontières » mais également dans de rares cas de GISTs. Les GISTs, qui sont les plus fréquentes tumeurs mésenchymateuses du tractus gastro- intestinales, expriment en effet pour 95% d’entre d’elles, le récepteur c-KIT [118,119]. Une mutation du gène KIT entraînant une autoactivation du récepteur est retrouvée dans 70 à 80% d’entre elles [119,120]. Les mutations les plus fréquentes (2/3 des GISTs) surviennent dans l’exon 11 qui code pour le domaine juxtamembranaire. Il peut s’agir de délétions et/ou insertions et/ou substitutions. Les délétions, notamment celles survenant dans le codon 557 et/ou 558 sont associées à un plus mauvais pronostic que les autres mutations de l’exon 11

[120]. Sept à dix pour cent des GISTs présentent des mutations dans l’exon 9 qui code pour le

domaine extracellulaire du récepteur.

L’importance de ces mutations dans l’oncogénèse des GISTs est supportée par plusieurs faits. Tout d’abord c-KIT est presque toujours retrouvé phosphorylé dans les extraits tumoraux de GISTs même non mutées [121]. L’implication de c-KIT dans le processus tumoral a pu être mis en évidence tout d’abord dans le modèle murin. La transfection de lignées cellulaires murines Ba/F3 par des formes KIT mutées entraîne une prolifération maligne [118]. L’introduction de mutation au niveau de l’exon 11 ou 9 du gène KIT chez des souris entraîne le développement de GISTs [122,123]. De plus la transfection de lignées humaines avec KIT mutées montrent par ailleurs, une autophosphorylation et activation des voies de signalisation

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en aval du récepteur, en l’absence de SCF [118, 124,125]. Parmi les voies de signalisation activées, on retrouve les voies MAPK, PI3K-AKT, et STAT3 (figure 21) [120].

Figure 21 : Voie de signalisation de c-KIT et PDGFRA [120]

Des mutations au niveau de l’exon 12, 14 ou 18 du gène PDGFRA qui codent respectivement pour le domaine juxtamembranaire, le domaine de liaison à l’ATP et la boucle d’activation du domaine tyrosine kinase, peuvent également être retrouvées dans de rares GISTs non mutées sur KIT. L’implication de ces mutations dans l’oncogénèse des GISTs a également été démontrée comme pour KIT [120].

Une surexpression de KIT ainsi que des mutations activatrices KIT, au niveau du domaine transmembranaire ou surtout du domaine tyrosine kinase, notamment de l’exon 17 (D816V) sont également retrouvées dans les mastocytoses [126].

Une dérégulation du récepteur PDGFR est observée dans certains syndromes «frontières» et myéloprolifératifs, notamment dans la leucémie myélomonocytaire chronique avec t(5;12)

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(q33;p13) et la leucémie chronique à éosinophilie avec délétion cryptique d’une partie du bras long du chromosome 4 (del4q12) dans lesquelles on retrouve respectivement les transcrits TEL-PDGFRB et FIP1L1-PDGFRA responsables d’une hyperexpression des gènes PDGFR correspondants.

Des réarrangements de PDGF sont également retrouvés dans certaines tumeurs solides. Le dermatofibrosarcome protuberans (DFP) ou tumeur de Darier et Ferrand, se caractérise notamment dans plus de 90% des cas, par la translocation t(17;22)(q22;q13) entraînant la juxtaposition du gène codant pour la chaîne alpha 1 du collagène type 1 (COL1A1) avec celui du PDGFB, responsable d’une stimulation constitutive du récepteur PDGFRB et de la croissance tumorale [127,128].

b- Vascular Endothélial Growth Factor Receptor (VEGFR)

L’angiogénèse est un processus complexe qui survient dans de nombreux états physiologiques et physiopahologiques. Elle consiste en un remodelage du réseau vasculaire primitif [129,120]. La néovascularisation d’une tumeur permet la continuité avec la circulation systémique et provoque la croissance tumorale. Alors que l’angiogénèse physiologique est ordonnée et régulée, l’angiogénèse tumorale est irrégulière, désordonnée et immature en raison d’une prolifération vasculaire rapide et importante. Parmi les facteurs de croissance qui stimulent les cellules endothéliales et donc l’angiogénèse on retrouve le Vascular Epidermal

Growth Factor (VEGF) surexprimé dans de nombreux cancers. Des taux élevés de VEGF ont

été associés à un risque plus élevé de métastases et de façon générale à un pronostic plus sombre

[131,132].

La famille des récepteurs au VEGF (VEGFR) comprend 3 membres : VEGFR1, VEGFR2 et VEGFR3 codés respectivement par les gènes FLT1, KDR et FLT4. VEGFR1 et 2 sont localisés au niveau de l’endothélium vasculaire alors que VEGFR3 est localisé au niveau de l’endothélium lymphatique. Chaque récepteur possède un profil d’affinité différent pour leurs ligands VEGFA, VEGFB, VEGFC, VEGFD, Placenta growth factor (PlGFl et PlGF2). Le VEGF reconnaît VEGFR1 et VEGFR2. VEGFR1 est nécessaire pour le recrutement des précurseurs hématopoïétiques, et la migration des monocytes et macrophages, alors que VEGFR2 et VEGFR3 sont respectivement impliqués dans les fonctions de l’endothélium

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vasculaire et des cellules endothéliales lymphatiques [133]. Cependant certaines études ont montré que VEGFR3 était retrouvé dans les vaisseaux sanguins des tumeurs et représentait un médiateur clé des facteurs proangiogéniques [134,135]. Des modèles précliniques ont même suggéré qu’il pourrait jouer un rôle plus important que VEGFR2 dans le développement des métastases [136].

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L’activation de VEGFR (figure 22) va entraîner l’activation :

- de la voie Ras/MEK/ERK à l’origine d’une prolifération cellulaire.

- de la voie PKC via l’activation de PLC-y et la production de diacyl-glycérol mais aussi être responsable d’une augmentation de calcium intracellulaire via l’inositol triphosphate. Cette augmentation de calcium intracellulaire induit alors une perméabilité vasculaire via l’activation de la nitric oxydase synthase endothéliale (eNOS) et la synthèse de monoxyde d’azote mais aussi via l’activation de la phospholipase A et la production de prostaglandine.

- de la « focal adhesion kinase » (FAK) responsable d’une migration cellulaire.

- de p38 qui entraîne l’induction de la protéine «heat shock» 27 à l’origine d’une réorganisation de réseau d’actine et également d’une migration cellulaire.

- et enfin de la voie PI3K/AKT permettant la survie cellulaire via l’inhibition des protéines proapoptotiques caspase 9 et BAD. AKT, peut également activer la eNOS participant à la perméabilité vasculaire [131].

c. Epidermal Growth Factor Receptor (EGFR)

L’EGFR appartient à la famille des récepteurs à l’human epidermal growth factor HER qui comprend 4 membres : EGFR ou HER1 (ErbBl) ; HER2 (ErbB2), HER3 (ErbB3) et HER4 (ErbB4).

EGFR s’autodimérise après liaison avec ses ligands spécifiques incluant l’« epidermal

growth factor receptor » (EGF) et le « transforming growth factor » (TGFa). En plus de former

des homodimères, il est capable de former un hétérodimère avec un autre membre de la famille HER tel que HER2 ou ErbB2. Les voies de signalisation activées par ce récepteur jouent un rôle important dans la croissance, la prolifération et la survie cellulaire de façon physiologique et dans de nombreux cancers « solides » [137, 138,139]. En effet de nombreux cancers surexpriment EGFR, notamment les cancers bronchiques non à petits cellules (CBNPC), de la prostate, colorectaux, du sein, de la tête, du cou et de la thyroïde [137, 140,141]. Les voies de signalisation activées permettent également la production du VEGF [142] et semblent jouer un rôle important dans la réponse immunitaire innée au niveau de la barrière cutanée [143,144].

Les principales voies d’activation incluent la voie PLC-PKC, Ras-Raf-MEK, PI3K-AKT- mTOR, et JAK2-STAT3 (figure 23) [145].

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Parallèlement à une surexpression d’EGFR, des mutations activatrices du domaine tyrosine kinase sont retrouvées notamment dans les cancers bronchiques non à petites cellules (CBNPC) mais également dans les cancers ovariens, colorectaux, de la tête et du cou, et cholangiocarcinomes chez les patients indemnes de tout traitement. Les plus fréquentes mutations correspondent dans 46% des cas à une délétion dans l’exon 19 qui conserve le cadre de lecture et dans 40% des cas à une substitution de nucléotide dans l’exon 21 entraînant le remplacement d’une arginine par une leucine au niveau du codon 858 (L858R) [147]. Ces mutations entraînent une activation du récepteur et augmentent la sensibilité des cellules aux ITKs. Elles sont fréquemment retrouvées chez les patients de sexe féminin, d’origine asiatique, non fumeur, avec une histologie d’adénocarcinome, ceci expliquant probablement que ces

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facteurs cliniques et pathologiques aient été retrouvés associés, avant la découverte des mutations, à la réponse aux inhibteurs d’EGFR [147].

d. Anaplastic lymphoma kinase (ALK)

ALK est un récepteur à activité tyrosine kinase décrit pour la première fois en 1994, dans les lymphomes anaplasiques caractérisés par la présence d’une translocation t(2;5)(p23;q35)

[148]. Cette dernière entraîne la juxtaposition du gène ALK situé sur le bras court du chromosome

2 (2p23) avec le gène de la « nucleophosmin » NPM situé sur le bras long du chromosome 5(5q35). Par la suite de nouvelles translocations impliquant ALK avec divers partenaires ont été découvertes dans d’autres cancers notamment dans les tumeurs myofibroblastiques, les CBNPC. Par exemple, dans ces derniers une inversion à l’intérieur du chromosome 2, inv(2) (p21;p23), à l’origine de la juxtaposition du gène de la « echinoderm microtubule associatedprotein-like 4 »

(EMLA) avec celui de ALK est retrouvée dans 6% des cas [149]. Les patients atteints de CBNPC

présentant le transcrit de fusion EMLA-ALK sont le plus souvent jeunes, non anciens fumeurs avec une histologie d’adénocarcinome et ne présentent pas de mutation d’EGFR [150]. Chacun de ces transcrits de fusion code pour une protéine de fusion comprenant la partie 5’ du partenaire et le domaine tyrosine kinase de ALK au niveau 3. Ceci entraîne la dimérisation de ALK à l’origine de l’activation constitutive de cette dernière [151]. La dérégulation de ALK agit comme un signal oncogénique à l’origine de la transformation cellulaire. Les voies de signalisation activées dépendent de la localisation nucléaire ou cytoplasmique de ALK, elle-même dépendante du partenaire de fusion. Les principales voies décrites comportent la voie Ras-ERK impliquée dans la prolifération cellulaire ; la voie JAK3-STAT3 impliquée dans la prolifération et la voie PI3K-AKT impliquée dans la survie [151].

ALK peut aussi être amplifié ou muté dans des neuroblastomes pédiatriques à l’origine

d’une activation de la kinase [152,153,154].

Non dérégulée, ALK semble impliquée dans la différenciation neuronale, la régénération des synapses et la migration des cellules musculaires [151].

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e. Rearranged during tranfection (RET) protéine

RET est un autre exemple de récepteur à activité tyrosine kinase codé par le rearranged

during tranfection proto-oncogène situé sur le bras long du chromosome 10 (10q11.2). Le gène

a été trouvé fusionné au gène dupapillary thyroid carcinoma (PTC) en 1987 [155].

Les ligands du récepteur sont des facteurs neurotrophes appartenant à la famille des facteurs dérivés des cellules gliales (GDNF) comprenant le facteur GDNF lui-même, la neurturine, l’artemine et la persefine.

RET se distingue des autres récepteurs à activité tyrosine kinase par la présence d’un domaine cadherine dans sa région extracellulaire.

L’activation de RET est médiée par le récepteur aux facteurs de croissance (GRF) al ou a2 avec lequel il forme un complexe (hétérodimère) sur lequel vient se fixer le ligand, activant le domaine TK.

RET est exprimé dans plusieurs tissus ou cellules issus des cellules embryonnaires de la crête neurale notamment la rate, le thymus, les ganglions lymphatiques, les glandes salivaires et la thyroïde mais également dans les tumeurs originaires de la crête neurale neuroblastome, phéocromocytome et cancer médullaire de la thyroïde.

Des mutations de RET sont responsables de néoplasies familiales endocrines multiples de type 2 (NEM2) dont font partie les cancers médullaires de la thyroïde (CMT)Héréditaires

[156,157,158]. Elles sont également retrouvées chez 50% des patients avec un CMT

sporadique. Dans 85% des cas on retrouve une substitution de nucléotide entraînant le remplacement d’une méthionine par une thréonine M918T [159,160]. La mutation est responsable d’une activation constitutive de la protéine RET qui active alors plusieurs voies de signalisation intracellulaire dont les voies PLC-PKC, SRC kinases, RAS/RAF/ERK, PI3K/AKT and NFkB (figure 24).

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De façon générale, la mise en évidence des altérations moléculaires impliquées dans la croissance tumorale a permis d’identifier les protéines à activité tyrosine kinase comme des protéines-clés dans l’oncogénèse des cancers. Une dérégulation de l’activité kinase a en effet été observée dans un grand nombre de cancers hématopoïétiques ou solides et offre donc des possibilités de thérapeutiques ciblées. Ainsi de nombreux inhibiteurs de tyrosine kinases ont été et continuent à être développés afin d’inhiber la signalisation dérégulée induite par ces protéines.

Figure 24 : Schéma du récepteur RET avec représentation des principales mutations et sites de

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2.4 Pharmacologies des ITKs