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La polyglobulie primitive (ou maladie de Vaquez)

PREMIERE PARTIE : GENERALITES CONCERNANT LA THERAPIE CIBLEE

B- TC Ciblant le protéasome : Bortezomib

IV- La polyglobulie primitive (ou maladie de Vaquez)

A-Rappel

1. La maladie de Vaquez (PG primitive)

La PG primitive a été décrite en 1892 par Vaquez H. Osler W, en 1903, décrivait le tableau clinique de cette pathologie. Depuis, les caractéristiques cliniques et biologiques de cette maladie ont été bien précisées.

La maladie de Vaquez ou PV, est un syndrome myéloprolifératif prédominant sur la lignée érythroblastique. Il s'agit d'une hémopathie maligne liée à une anomalie clonale d'une cellule souche hématopoïétique multipotente. La conséquence hématologique est une PG vraie avec hyperplasie myéloïde globale.

L'incidence de PV est de 1/100 000 habitants/an. Cette maladie touche essentiellement les sujets âgés de plus de 60 ans, avec une légère prédominance masculine (1.2 à 1.3). Son incidence est plus élevée chez les Caucasiens que chez les Asiatiques ou Africains.

1.1 Physiopathologie

Dans la PV on observe une hypersensibilité aux cytokines des progéniteurs hématopoïétiques. Plusieurs équipes ont étudié la physiopathologie de la PV. Les études antérieures effectuées sur un autre syndrome myéloprolifératif, la LMC, ont montré une translocation chromosomique t(9,22), avec comme conséquence la production d'une protéine de fusion à activité tyrosine kinase bcr-abl. Ces résultats ont suscité la recherche d'anomalies cytogénétiques dans les cellules de la PV. Des lésions cytogénétiques sont en effet présentes dans environ 14% des cas de PV lors du diagnostic, mais aucune d'elles n'est spécifique de la PV.

Les anomalies cytogénétiques les plus communes (présentes dans environ 11% de cas de PV) sont des délétions partielles [del(20q)], et trisomies 8 et 9 [292]. Les progéniteurs érythroblastiques de la PV forment in vitro des colonies en absence d'Epo. On parle donc d'une

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pousse spontanée ou endogène (EEC, pour endogenous erythroid colonies) [293]. Les progéniteurs hématopoïétiques sont également hypersensibles à de nombreux autres facteurs de croissance comme IL-3, GM-CSF, SCF, IGF-1 (insulin-like growth factor), et Tpo (thrombopoïétine). La réponse anormale des progéniteurs de la PV aux cytokines a conduit à des études concentrées sur les voies de signalisation impliquant les récepteurs de cytokine (EpoR et le récepteur de la thrombopoïétine). Des anomalies ont été recherchées sur le récepteur à l'Epo et n'ont pas été retrouvées [294]. Des résultats contradictoires ont été obtenus pour la phosphatase SHP-1 [295,296]. Il a été aussi montré que la protéine anti-apoptotique bcl-xL était hyper-exprimée dans les érythroblastes de PV [297].

En 2000, Temerinac S et al ont cloné un gène hyper-exprimé dans les Polynucléaires neutrophiles de PV, appelé Polycythemia Rubra Vera 1 (1). Seul l'ARN codant pour PRV-1, et non la protéine elle-même, est hyper-exprimé.

En 2002, Kralovics R, Guan Y, et Prchal JT, ont mis en évidence une perte d'hétérozygotie au niveau du bras court du chromosome 9 chez 30% des patients présentant PV. Au total, compte tenu de l'hypersensibilité des progéniteurs hématopoïétiques, voire l'indépendance à plusieurs cytokines, et sur le modèle du LMC, l'hypothèse la plus probable apparaissait être une mutation d'une protéine possédant une activité kinase [298]. En 2005, quatre équipes ont décrit la présence d'une mutation unique dans l'exon 14 du gène de la Janus Kinase 2 ou Just another kinase JAK2 [c.1849 G>T (p.Val617 Phe)] chez environ 95% des patients atteints de PV (mais aussi dans environ 50-70% des cas de thrombocytémie essentielle et dans 50% des cas de splénomégalie myéloïde [299,300,301,302]. Cette mutation est acquise car si elle existe dans les cellules myéloïdes des patients, on la trouve rarement dans les lymphocytes. Elle est absente des cellules non hématopoïétiques. Elle est située dans le domaine pseudo-kinase JH2 du JAK2, qui régule négativement le domaine tyrosine kinase JH1 de la protéine, conduisant à son activation constitutive. Cette mutation peut être présente sur une copie ou deux copies du gène JAK2 suite à une recombinaison mitotique expliquant la perte d’hétérozygotie du 9p (JAK2 est situé sur le bras court du chromosome 9). Cette mutation se produit dans les cellules souches hématopoïétiques. [303,304]. Le rôle de la mutation JAK2 Val61Phe dans la physiopathologie de la PV est certain, car la transplantation dans de cellules souches de souris irradiées traitées par greffe et transduites par un rétrovirus

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codant pour JAK2 V617F induit le développement d'un syndrome myéloprolifératif de type PV avec une évolution vers une myélofibrose [305]. D'autres études ont suggéré l'existence de mutations additionnelles ou antérieures à la mutation JAK2 comme cause de la PV [306,307]. En outre, plusieurs hypothèses ont été avancées pour expliquer les mécanismes par lesquels une mutation unique aboutit à des phénotypes différents. [298,308]. Une étude a montré que le mutant de JAK2 V617F échappe à la régulation négative de SOCS3 (Suppressor of cytokin signaling 3) [309]. Récemment, des mutations ont été rapportées sur l'exon 12 du gène JAK2

[310,311,312]. Ces mutations mènent à l'activation constitutive de JAK2 et une croissance

indépendante de cytokine de plusieurs types de cellules hématopoïétiques. Il a été démontré que l'association de JAK2 à un récepteur de cytokine est nécessaire à son activation constitutive

[313], et que cela peut dépendre sur les niveaux de l'expression de JAK2 (Val617Phe) [314].

L'identification de ces mutations représente une avancée majeure dans la compréhension des syndromes myéloprolifératifs non LMC. De plus, ces études ont conduit à la recherche d'inhibiteurs de JAK2 [315,316]. Perturber l'interaction (récepteur de cytokine/JAK) pourrait être une autre manière d'empêcher la transduction de signal, plutôt qu'en utilisant des inhibiteurs de kinase pour Jaks [317]. Récemment, Il a été montré que l'inhibiteur de JAK2 doit cibler le compartiment de CSH pour un contrôle optimal des maladies MPD classiques [318].

1.2 Signes cliniques [319]

L’érythrose est le signe clinique le plus fréquent. Elle est d’intensité variable et son apparition progressive peut retarder sa reconnaissance comme un symptôme et non comme le témoignage d’une bonne santé. Elle prédomine sur les parties découvertes du corps, le visage, les mains. L’excès de globules rouges s’exprime particulièrement dans les muqueuses, surtout buccales, donnant au voile du palais un aspect lie de vin et au fond de l’œil un engorgement veineux.

Le prurit au contact de l’eau chaude, au décours d’une douche ou d’un bain, est un symptôme fréquent et caractéristique. Généralement diffus à tout le corps, il peut précéder l’apparition de l’érythrose et être interprété à tort comme une intolérance ou une allergie. Il doit être distingué d’un prurit aquagénique idiopathique, qui se produit quelle que soit la température et peut varier selon la qualité de l’eau.

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Les érythromélalgies sont un signe plus rare, mais, là encore, de reconnaissance étiologique souvent retardée. Ces douleurs concernent les extrémités des doigts ou des orteils. Elles peuvent parfois prédominer sur une partie des extrémités et faire penser à une atteinte neurologique. Les territoires douloureux sont rouges et chauds, dans un état bien distinct de celui des troubles vasculaires habituels. L’intensité et la durée de ces douleurs sont très variables ; elles peuvent aller jusqu’à empê- cher l’usage de souliers fermés.

Des céphalées sont fréquentes ainsi que des vertiges, une impression de lourdeur dans la tête. Des paresthésies sont fréquentes aux mains ou aux orteils ainsi que des troubles visuels. Leur variabilité en intensité, en durée et l’absence de localisation préférentielle sont caractéristiques. Tous ces symptômes ne sont parfois retrouvés que par l’interrogatoire ou l’examen clinique.

À l’examen, il faut surtout rechercher une splénomégalie, qui n’est présente que dans 60 % des cas environ, de volume modéré et non douloureuse. Une hépatomégalie est rarement palpée en dehors de complications thrombotiques splanchniques. Une hypertension artérielle est fréquente.

1.3 Critères de diagnostic [320]

La découverte de la mutation JAK2 comme marqueur moléculaire dans la PV et d'autres syndromes myéloprolifératifs a amené à réviser les critères du diagnostic de ces maladies, en imposant la recherche de la mutation JAK2 Val617Phe ou d'autres mutations similaires comme celles de l'exon 12 de JAK2 (Tableau 5).

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Tableau 5: Critères pour la PV de l'OMS (2007).