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On peut ranger les différents déterminants du commerce international du blé en 5 groupes reflétant les priorités des pays importateurs

Conclusion du chapitre 2 :

3.6.1. On peut ranger les différents déterminants du commerce international du blé en 5 groupes reflétant les priorités des pays importateurs

Nous nous appuyons dans ce travail sur une conception du blé de la part des importateurs à la Lancaster, c'est-à-dire une collection de caractéristiques. Cette hypothèse nous semble plus plausible, dans le cadre du marché du blé, que celle de Dixit-Stiglitz (Dixit et Stiglitz 1977), qui formule l’hypothèse d’un attrait du consommateur pour la diversité, en tant que générateur en soi de bien-être. En effet, le blé et ses dérivés sont dans notre zone d’étude des produits de première nécessité dont la consommation est « obligatoire » dans la mesure où elle ne peut pas ne pas avoir lieu. Une demande de diversité entraînerait une diversification des sources de féculents et donc un changement profond des habitudes alimentaires, or cette diversification n’est pas observée et paraît peu probable, du moins à court et moyen terme et sans élévation forte du niveau de vie. Nous nous en tiendrons donc pour la suite de notre étude à la théorie de Lancaster; cette théorie postulant que le choix du partenaire commercial va être déterminé en fonction des caractéristiques de son produit il nous faut maintenant déterminer ce que sont ces caractéristiques dans le cas du blé. Les caractéristiques d'un produit au sens de Lancaster englobent aussi bien des éléments propres au produit à proprement parler que des caractéristiques de la relation commerciale et de la transaction.

Nous avons regroupé ces caractéristiques en cinq groupes qui correspondent à des logiques intervenant dans le choix : une logique centrée sur les prix, une logique centrée sur la qualité du produit, une logique centrée sur la gestion de l’incertitude, une logique centrée sur les relations internationales et une logique centrée sur les services associés. Ces logiques sont parfois contradictoires, le besoin exprimé lors de la transaction ou, plus vraisemblablement, des transactions répétées entre les acteurs est la résultante d’un arbitrage entre ces différentes logiques.

x Le prix est le premier déterminant des échanges à avoir été mis en valeur par les théoriciens du commerce international. Il a d’ailleurs longtemps été le seul permettant d’en expliquer l’existence. En effet, depuis les débuts des théories concernant le commerce entre les nations, les avantages, qu’ils soient absolus ou comparatifs, s’expriment en terme de coûts de production. La question du prix est ici particulièrement prégnante, dans la mesure où dans les pays qui nous intéressent, le blé est une denrée de base, au cœur du régime alimentaire. De plus, au moins en ce qui concerne les pays du Maghreb, une grande partie de la population est très pauvre. Dans ce cadre-là, obtenir du grain à bas prix est primordial. Toutefois, il serait réducteur de penser que le facteur prix intervient de

façon univoque sur le marché domestique dans la mesure où des coûts de produit importés trop bas constitueraient une concurrence difficilement soutenable par les agriculteurs locaux. Les pays de la zone d'étude ont cherché des mécanismes pour protéger leur marché domestique de prix trop bas. Ainsi le Maroc a longtemps appliqué des mécanismes correcteurs sous forme de taxes modulées en fonction de seuils de prix. Quoi qu’il en soit de ces mécanismes, la logique de prix tient compte non seulement des coûts de production, éventuellement corrigés par des subventions ou des taxes au sein des pays producteurs, mais également des coûts du fret et des coûts d’entrée sur le territoire national représenté par les différents coûts associés au dédouanement des marchandises.

x La gestion de l’incertitude est les mécanismes mis en place afin de sécuriser les intrants en blé et d'éviter une éventuelle pénurie au niveau des consommateurs domestiques les plus pauvres. Ce besoin de pérenniser les fournitures en blé est à envisager selon deux points de vue, il englobe aussi bien la sécurité alimentaire au niveau des États, qui doivent assurer l’approvisionnement de leur population en nourriture saine, que la sécurité d’approvisionnement des entreprises minotières, dont le blé constitue un intrant et qui doivent pouvoir honorer leurs engagements au niveau de leurs clients et cherchent à maintenir une activité rentable quelles que soient les conditions de marché. La recherche de couverture du risque de pénurie conduit à des stratégies de choix de fournisseurs à même d’assurer une récolte minimum dans pratiquement toutes les circonstances afin de fournir leurs clients, une traçabilité des blés permettant de s’assurer de leur bonne qualité sanitaire, de l’existence d’un système de classification des blés fiable. Elle pourrait conduire à privilégier des contrats de fourniture sur le long terme même si dans la pratique ces contrats sont exceptionnels (contrat entre l'OAIC algérien et le Conseil canadien du blé CWB - cf. supra).

x Les relations internationales sont, à l’instar de la gestion de l’incertitude, à envisager à plusieurs niveaux. Elles concernent les engagements internationaux des États entre eux mais également les relations personnelles ou contractuelles des importateurs et de leurs fournisseurs. Ces relations établies vont permettre de faciliter les transactions et de baisser les coûts de recherche de partenaires commerciaux. L’importance des relations entre acteurs est bien documentée dans

la littérature notamment à travers la branche de l’économie internationale qui s’intéresse aux réseaux. Ainsi, Segura-Cayuela et Vilarrubia (2008) montrent que la présence d’une représentation diplomatique d’un pays dans un autre augmente la probabilité d’échange entre ces deux pays de 11 à 18 %. D’autres travaux ont ainsi pu montrer le lien entre la présence d’une émigration en provenance d’un pays fournisseur vers un pays importateur, c’est notamment le cas des travaux de Rauch (1999,2001) pour les États-Unis, de Head et Ries (1998) pour le Canada ou de Girma et Yu (2002) pour la Grande-Bretagne. Nous incorporons dans cette logique des déterminants la présence d’une histoire coloniale ou d’une langue commune, la présence d’une représentation diplomatique étoffée du pays fournisseur dans le pays importateur, l’existence de séminaire de formation ou de présentation des récoltes par les associations de valorisations des origines et l’existence de bureaux de ces mêmes associations au sein des pays importateurs. Cette logique inclut également les relations personnelles existant entre les importateurs de blé et les exportateurs.

x La gestion de la qualité des produits de la minoterie et de la semoulerie dépend de la qualité des blés utilisés. De cette qualité dépendent également les productions possibles, comme le montre l’annexe 2. Un boulanger ne peut pas faire de pain avec une farine inadaptée, cela est également valable pour les biscuits où les produits de la semoule.

x Enfin, les services associés regroupent les services financiers et de formation ainsi que l’aide alimentaire utilisée pour s'ouvrir de nouveaux marchés, mais également la possibilité éventuelle d’être livré dans des conditions particulières (temps et lieu de livraison). Cette logique peut également inclure le fait de payer les grains dans sa monnaie nationale.

Tableau 6: Les logiques de choix du partenaire commercial et les déterminants des importations associés

Logiques Déterminants

Prix

Coûts de production

Subventions ou taxes du pays producteur Prix du Fret Coûts de transports Droits de douane Incertitude Disponibilité du grain Traçabilité

Système de certification et de classification Contrats

Relations internationales

Accords commerciaux

Habitude de commercer ensemble Langue et histoire communes Aide alimentaire passée

Présence d'entreprise ou d'agence de promotion

Qualité

Réputation

Stabilité des produits

Système de certification et de classification

Services associés

Crédit

Aide technique Rapidité de livraison

Aide alimentaire ou promesse d'aide alimentaire

Les cinq logiques vont permettre aux acteurs intervenant dans les importations de blé de faire un choix pour leurs importations de blé en fonction de leur profil de préférence.

3.6.2. La hiérarchisation des priorités est le fruit d’une négociation des