• Aucun résultat trouvé

RAISON D’ÊTRE DE LA GESTION INTÉGRÉE DES RESSOURCES EN EAU

GeSTIoN INTéGRée DeS ReSSouRCeS eN eAu

3.3 RAISON D’ÊTRE DE LA GESTION INTÉGRÉE DES RESSOURCES EN EAU

3.3.1 Quantité et qualité de la ressource en eau

La responsabilité de la gestion de la quantité (de l’approvisionnement) et de la qualité de l’eau est souvent confiée à des organismes distincts. Cette situation s’explique parfois par des raisons admini-stratives historiques sans lien avec la question, mais est aussi due au fait qu’une telle séparation renforce l’efficacité en permettant à des spécialistes de se consacrer à un aspect précis de la gestion de l’eau.

Cette pratique a généralement donné lieu à l’émer-gence de deux groupes ou écoles de spécialistes de l’eau, qui agissent séparément: ceux qui sont chargés de la gestion de l’eau propre et ceux qui sont chargés de celle de l’eau insalubre.

Cette division présente l’inconvénient majeur de négliger le fait que les causes – et donc les solutions – des problèmes liés à la quantité et à la qualité de l’eau sont fréquemment interdépendantes. Par exemple, si le débit d’un cours d’eau baisse en raison d’une variabilité naturelle, l’eau risque d’être en quantité insuffisante pour répondre aux besoins des différents utilisateurs ou pour assimiler les déchets déversés dans le cours d’eau. En consé-quence, des barrages et des réservoirs peuvent être construits pour améliorer le stockage en vue de satisfaire les besoins des usagers et offrir un débit plus fort pendant la saison sèche afin de respecter les normes de qualité de l’eau. Pour optimiser la conception des barrages et des réservoirs, les besoins d’ordre quantitatif et qualitatif doivent être soit considérés conjointement, soit intégrés dans les pratiques de gestion.

3.3.2 Eau de surface et eau souterraine

Dans de nombreuses régions du monde, les eaux souterraines constituent la principale source d’approvisionnement des cours d’eau durant la saison sèche. En outre, certaines activités terrestres, notamment celles qui risquent de provoquer des fuites dans des réservoirs souterrains de stockage,

peuvent conduire à une pollution des aquifères.

D’autres activités terrestres, comme les prélèvements liés aux besoins urbains ou agricoles qui dépassent les taux de recharge, peuvent aussi conduire à l’épuisement des réserves d’eau souterraine.

Compte tenu des interconnexions mentionnées plus haut, il est nécessaire, pour assurer une gestion efficace des systèmes aquatiques, d’étu-dier et de gérer les eaux superficielles et souter-raines comme des systèmes reliés entre eux, surtout pour garantir un approvisionnement en eau de qualité acceptable. Une démarche intégrée favorise, pour ne pas dire exige, une gestion conjointe de ces eaux.

3.3.3 Considérations amont et aval

Les décisions ou les mesures prises dans la partie amont d’un bassin hydrographique ou versant ont des conséquences pour les zones situées en aval.

Ainsi, la pollution d’un cours d’eau qui se produit dans la partie supérieure du bassin, qu’elle soit ponctuelle ou diffuse, peut créer des nuisances sani-taires ou avoir d’autres effets négatifs pour les utili-sateurs – humains ou autres – en aval. À l’inverse, si les responsables de zones urbaines situées en aval estiment qu’ils peuvent réduire l’exposition aux crues en construisant des barrages et des réservoirs dans la partie supérieure du bassin, les résidents en amont risquent d’en pâtir. En effet, les remontées d’eau en amont dues à ces constructions risquent d’inonder des terrains habités et des zones agricoles, entraînant la perte de logements et de moyens de subsistance pour certains agriculteurs et parfois la dégradation ou la disparition d’éléments du patrimoine, comme des sites historiques ou des cimetières.

Les interconnexions des différentes zones d’un bassin hydrographique ou versant sont souvent invoquées pour justifier l’utilisation du bassin comme unité spatiale de la gestion intégrée des ressources en eau. Un tel raisonnement est logique.

Cependant, il faut bien comprendre que le bassin où s’écoulent les eaux superficielles ne correspond pas forcément à l’étendue d’un aquifère. Il ne faut jamais partir du principe que les systèmes de surface et souterrain ont les mêmes dimensions.

L’éventualité d’une telle disparité d’étendue pose aux gestionnaires de l’eau un problème qui ne trouve pas de réponse évidente. Un autre problème se pose en cas de transferts entre bassins, ce qui nécessite une perspective qui aille au-delà des besoins amont et aval d’un seul bassin et qui prenne en compte les interconnexions d’au moins deux bassins hydrographiques.

La délimitation géographique d’un système de gestion qui repose sur les caractéristiques de l’éco-système se heurte également à la difficulté liée à la présence de diverses frontières administratives et politiques. Les cours d’eau et parfois les lacs ont servi à délimiter les frontières entre municipalités, provinces, États et pays et sont parfois partagés par plusieurs pays ou subdivisions administratives. Par conséquent, la gestion de ces cours d’eau ou de ces lacs nécessite l’engagement et la collaboration de divers partenaires. L’exemple le plus flagrant à cet égard est celui du Danube, dont le bassin est partagé par 19 pays. Il est particulièrement difficile de mettre en place une démarche intégrée tout en veillant à ce que les intérêts et les préoccupations amont et aval propres à différents pays soient pris en compte.

3.3.4 Eau, sols et autres systèmes de ressources

De nombreux problèmes liés à l’eau trouvent leur origine dans les sols. Ainsi, pour réduire les dégâts liés aux crues, il ne suffit pas, en général, de maîtriser les variations du niveau des cours d’eaux et des lacs au moyen de barrages, de digues et de levées.

L’occupation des sols résultant du développement urbain et de l’agriculture entraîne parfois la dispari-tion ou la diminudispari-tion des zones humides et fores-tières et des prairies, ce qui exacerbe les problèmes d’érosion et de crues. Ainsi, il semblerait que les dégâts provoqués par les crues du Gange en Inde et de l’Indus au Pakistan sont dus en grande partie à la disparition de forêts dans l’Himalaya. En outre, les initiatives visant à améliorer la qualité de l’eau devraient souvent commencer par un examen des activités liées aux autres systèmes de ressources.

Ainsi, l’utilisation de pesticides, d’herbicides et d’engrais pour augmenter la productivité agricole contribue souvent de façon importante à la pollu-tion diffuse. Il faut donc veiller à ce qui se passe sur la terre ferme pour lutter contre la pollution des systèmes aquatiques.

Un autre problème est le transport de la pollution par voie atmosphérique sur de grandes distances.

Même si les principaux gestionnaires de bassin adoptent une démarche intégrée, ils n’ont générale-ment pas qualité pour agir contre des sources de pollution extérieures au bassin et distantes de plusieurs centaines de kilomètres.

3.3.5 Environnement, économie et société

Historiquement, dans les pays développés et en développement, la gestion de l’eau a relevé de trois disciplines: l’ingénierie, l’agriculture et la santé

publique. En conséquence, les ingénieurs ont tout d’abord fait porter leurs efforts sur la recherche de solutions structurelles à des problèmes allant de la sécurité de l’approvisionnement en eau – à usage urbain, industriel ou agricole – à la qualité de l’eau et aux dégâts provoqués par les crues. Parallèlement, les professionnels de la santé se sont intéressés au traitement et à l’élimination des eaux usées et autres déchets nocifs pour la santé.

La gestion de l’eau étant surtout l’affaire des ingé-nieurs et des professionnels de santé, ses aspects techniques et économiques ont été mis en avant.

Dans les années 60, on a pris de plus en plus conscience que les aspects liés à l’environnement devaient bénéficier d’une plus grande attention, puis qu’il fallait aussi s’intéresser aux dimensions sociales et culturelles. Cette prise de conscience a incité progressivement les acteurs du secteur à constituer des équipes – au moins pluridiscipli-naires et au mieux interdisciplipluridiscipli-naires –, afin de rapprocher et prendre en compte des points de vue professionnels et disciplinaires différents pour l’élaboration de méthodes de gestion appropriées.

Étant donné que chaque discipline représentée au sein de ces équipes fournit des résultats qui lui sont propres et qu’une tierce partie est chargée d’harmoniser les différentes contributions, il faut surmonter nombre d’obstacles et de problèmes pour constituer une équipe efficace. Mais il faut en passer par là pour élaborer et appliquer un nouveau savoir, les membres de l’équipe collaborant sur un pied d’égalité pour relever un défi commun. Ces équipes sont indispensables si l’on veut privilégier des stratégies prenant en compte les aspects envi-ronnementaux, économiques et sociaux d’une manière parfaitement intégrée.

3.3.6 Fragmentation horizontale

et verticale: systèmes et cloisonnements administratifs Nonobstant les raisons impérieuses de recourir à une gestion intégrée des ressources en eau, il existe aussi des raisons pratiques de favoriser l’organisa-tion d’organismes publics autour d’un seul ou d’un sous-ensemble de systèmes de ressources. Par consé-quent, il est courant de trouver des départements ou des ministères différents chargés de l’agriculture, des forêts, de la faune et de la flore sauvage et des ressources naturelles. La séparation des fonctions entre différents organismes est appelée fragmenta-tion horizontale: pour un palier de gouvernement donné – national, régional ou local –, la gestion d’une ressource particulière est confiée à plusieurs organismes. Ce type d’organisation suppose que l’on dispose d’une gamme de compétences techniques

au sein d’une équipe capable de porter son atten-tion sur les problèmes et les possibilités relatifs à la ressource et, le cas échéant, de développer des rela-tions de travail avec les usagers. Parallèlement à ces structures organisationnelles, des comités ou des groupes d’étude interministériels peuvent être mis en place pour coordonner les différents intérêts, mandats et perspectives.

Sans coordination ni collaboration, il existe un réel danger de perdre en efficacité et en efficience. Ainsi, dans l’exercice de sa mission qui consiste à augmenter la production agricole à moindre prix, un ministère de l’agriculture peut vouloir drainer des zones humides afin de mettre plus de terres en culture ou favoriser l’usage d’engrais ou d’autres produits chimiques pour accroître les rendements.

Par contre, un ministère des ressources naturelles peut souhaiter mettre en œuvre des programmes de protection ou d’extension des zones humides afin d’améliorer l’habitat et la diversité de la faune et de la flore sauvages et de retarder le ruissellement lors des orages, de manière à réduire les crues en aval.

De tels programmes peuvent aussi servir à freiner l’utilisation de produits chimiques agricoles en vue de réduire la pollution des plans d’eau où vivent des poissons, des oiseaux et d’autres espèces. Les acti-vités de ces ministères pourraient n’avoir finale-ment aucun effet sur l’étendue ou le type des zones humides d’un territoire, alors que des sommes importantes auraient été dépensées pour drainer les zones humides en certains endroits et les agrandir dans d’autres.

Comme il est indiqué plus haut, la fragmentation horizontale fait référence à la division des responsa-bilités à un niveau donné de gouvernement. Quant à la fragmentation verticale, elle se produit lorsque des organismes à différents niveaux de gouverne-ment – national, provincial (État) ou local – ont un intérêt ou une responsabilité en commun vis-à-vis d’une ressource donnée, comme l’eau par exemple.

Ainsi, un organisme d’État peut entreprendre de concevoir, réaliser et exploiter un barrage et un réservoir, notamment dans le but d’approvisionner en eau des collectivités avoisinantes. En même temps, un autre organisme au niveau local peut être chargé de la distribution de l’eau d’un réservoir vers des ménages, des entreprises industrielles et les systèmes d’irrigation d’exploitations agricoles.

Dans une telle situation, il est indispensable de disposer de mécanismes ou de processus permettant de coordonner les missions et les activités entre les différents niveaux de gouvernement. La fragmenta-tion, qu’elle soit verticale ou horizontale, crée parfois des obstacles à l’indispensable intégration en matière de gestion des ressources en eau.

L’une des façons de remédier à cette fragmentation a consisté à supprimer des organismes dédiés à une ressource spécifique et à en créer d’autres d’assise plus large, comme des ministères de l’environne-ment ou du développel’environne-ment durable. C’est du moins l’initiative qu’a prise le Gouvernement fédéral canadien en supprimant sa Direction des eaux inté-rieures et en réaffectant les spécialistes de cette direction à différentes divisions d’Environnement Canada. L’objectif était de s’assurer que l’eau était prise en compte au même titre que d’autres ressources, dans la perspective d’un développement durable. Cette théorie était cohérente. Toutefois, il est vite apparu que d’autres fonctionnaires fédéraux ou certains clients éprouvaient d’importantes diffi-cultés à trouver les spécialistes de l’eau auxquels ils auraient pu faire part de leurs préoccupations. En outre, on a pu constater que la plupart des agricul-teurs ou des autres usagers de l’eau estimaient que leurs problèmes étaient liés à l’eau ou à la gestion des déchets, et non au développement durable.

Les concepts de fragmentation verticale et horizon-tale montrent que c’est à la limite ou à l’interface entre les mandats et responsabilités de deux ou plusieurs organismes que surgissent les principales difficultés auxquelles sont confrontés les gestion-naires de l’eau et d’autres ressources et qu’il faut donc que ces derniers collaborent ou lancent des partenariats. Les organismes se révèlent généra-lement très compétents lorsqu’ils s’occupent de problèmes ou de tâches relevant clairement de leur mission ou de leur autorité. En revanche, les problèmes aux limites présentent des difficultés sérieuses et nécessitent donc une démarche inté-grée, malgré les problèmes administratifs pratiques qu’ils posent.

3.3.7 Collaboration, coordination et

cohérence

Quels critères utiliser pour évaluer la pertinence d’une démarche de gestion donnée? On applique généralement les critères suivants: l’efficacité, qui mesure le degré d’obtention des résultats ou des produits escomptés; l’efficience, qui évalue le degré de production des effets souhaités sans gaspillage de temps et d’énergie; et l’équité, qui consiste à assurer une juste répartition des avantages et des coûts. Comme on l’a vu précédemment, de nombreux facteurs peuvent compromettre l’effica-cité, l’efficience et l’équité en matière de gestion.

La gestion intégrée des ressources en eau peut aider les gestionnaires à satisfaire ces critères. Les facteurs ci-après sont essentiels pour l’intégration:

la collaboration, ou le fait d’œuvrer de concert;

la coordination, qui suppose des ajustements équilibrés, le travail en commun ou la remise en ordre; et les relations et la cohérence, c’est-à-dire l’existence de liens logiques harmonieux entre les différentes parties d’un tout.

L’intégration n’est pas une fin en soi, mais un moyen. S’agissant de la gestion des ressources en eau, elle doit donc être précédée d’une vision partagée de la situation ou de l’état souhaité pour l’avenir. À défaut, il est difficile de déterminer quelles parties doivent être traitées comme un tout, quelles personnes doivent collaborer afin d’établir un ordre et des relations appropriés et quels liens logiques doivent être faits.

Si l’intégration comme outil d’aide à la réalisation d’une vision se justifie, c’est parce qu’elle permet d’atteindre une situation future souhaitée avec effi-cacité, efficience et équité. Elle est généralement préconisée du fait de sa contribution potentielle à ces trois critères. Elle contribue à l’efficacité, en permettant de s’assurer que les différents besoins et perspectives sont pris en compte et intégrés dans les plans et les activités, à l’efficience, en permettant de s’assurer que les mesures prises par un organisme n’annulent pas celles prises par un autre, et à l’équité, en imposant l’examen des valeurs et des intérêts des différentes parties prenantes.

3.4 ÉVOLUTION DE LA GESTION