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ÉLÉMENTS DE BONNES PRATIQUES POUR LA GESTION INTÉGRÉE DES

GeSTIoN INTéGRée DeS ReSSouRCeS eN eAu

3.6 ÉLÉMENTS DE BONNES PRATIQUES POUR LA GESTION INTÉGRÉE DES

RESSOURCES EN EAU

3.6.1 Autres interprétations: démarche

globale ou démarche intégrée Au début du présent chapitre, le terme «intégré» est défini comme la combinaison de tous les éléments en un ensemble harmonieux ou la coordination de divers éléments. Cette définition a conduit à consi-dérer la gestion intégrée des ressources en eau comme une démarche systémique, écosystémique, holistique ou globale. Toutefois, le fait de combiner tous les éléments pour former un tout harmonieux a aussi été le plus grand défi à relever.

Au niveau de la planification stratégique, il convient de considérer la gestion intégrée des ressources en eau comme une démarche globale qui vise à identi-fier et examiner le plus grand nombre de variables importantes pour la gestion coordonnée des ressources en eau ainsi que des ressources terrestres et environnementales connexes. Toutefois, lorsque cette interprétation est transposée au niveau opéra-tionnel, l’expérience montre que l’on aboutit à des périodes de planification inhabituellement longues et à des plans en général insuffisamment ciblés pour être utiles aux gestionnaires.

Compte tenu des problèmes qui viennent d’être décrits, une planification stratégique qui adopte une démarche globale permet de conserver la pers-pective la plus large possible, afin de ne négliger aucune variable ou relation essentielle, externe ou

interne. Cependant, au niveau opérationnel, il faut une approche plus ciblée. À cet égard, une démarche intégrée, si elle continue de s’intéresser aux systèmes, aux variables et aux liens entre ces diffé-rents éléments, est aussi plus sélective et ciblée, puisqu’elle porte avant tout sur le sous-ensemble de variables et de relations jugées les plus importantes et les plus susceptibles d’être influencées par des mesures de gestion. Lorsqu’on opère ce type de distinction entre les interprétations globale et inté-grée d’une démarche systémique, écosystémique ou holistique, il devrait être possible de mener à bien le processus de planification en un laps de temps raisonnable, de définir les actions prioritaires et, ainsi, de répondre aux besoins des gestionnaires et des utilisateurs (Mitchell, 1990).

3.6.2 Vision d’un avenir souhaitable

La gestion intégrée des ressources en eau est un moyen, et non une fin en soi. Par conséquent, avant sa mise en œuvre ou comme une première étape du processus, il est important d’avoir une vision ou une idée claire de l’avenir souhaité pour la région ou le bassin hydrographique concerné. La gestion intégrée sera un moyen d’y parvenir.

La vision correspond à la destination vers laquelle un groupe ou une société veulent se diriger. Elle représente un avenir qui, à bien des égards, est meilleur ou plus souhaitable que la situation présente. Sans cette orientation, il est difficile de savoir quels éléments doivent être réunis en un tout et quels acteurs doivent travailler ensemble pour bien s’organiser et établir des liens.

Élaborer une vision partagée constitue parfois un défi majeur, car, à n’importe quel moment donné, un certain nombre de valeurs, d’intérêts et de besoins seront portés par les différents groupes de parties prenantes du bassin hydrographique ou du bassin versant considéré. Toutefois, la gestion inté-grée des ressources en eau n’est pas en mesure de créer par elle même des orientations ou des finalités clairement établies. Ainsi, les planificateurs et les gestionnaires doivent comprendre que, sans vision, la gestion intégrée des ressources en eau a peu de chances d’être un outil efficace. Pire encore, elle peut être remise en cause parce qu’elle n’a pas permis de développer une vision, ce qu’elle n’a jamais été censée faire.

Lorsqu’on pense à une vision pour l’avenir, il convient de faire la distinction entre ce qui est le plus probable, le plus souhaitable et le plus réali-sable. Souvent, les planificateurs et les gestionnaires s’attachent tout d’abord à définir les évolutions à

venir les plus probables, ce qui est tout à fait louable.

Mais, trop souvent, ils en restent là, ou alors ils passent directement à l’examen de ce qui est réali-sable à la lumière de ce qui semble le plus probable.

Or il ne faut pas oublier que l’avenir le plus probable n’est pas toujours le plus souhaitable; et c’est précisément pourquoi les planificateurs et les gestionnaires cherchent à développer une vision – c’est-à-dire à déterminer l’avenir souhaité.

3.6.3 Échelle spatiale: bassin, sous-bassin, affluent et site

Il est important de bien distinguer les différentes situations qui relèvent d’une gestion intégrée des ressources en eau. Il importe surtout d’adapter le degré de détail à l’échelle utilisée. Dans un rapport consacré aux enseignements reçus et aux bonnes pratiques en matière de gestion des bassins versants, trois offices de protection de la nature de l’Ontario (2002) livrent quelques idées intéressantes.

En Ontario, la planification des bassins versants, qui est une forme de gestion intégrée des ressources en eau, est menée à quatre échelles différentes, «avec un niveau de détail qui augmente à mesure que l’étendue de la zone de planification diminue». Dans ce contexte, la façon la plus logique et la plus efficace de procéder est de commencer avec un plan de bassin versant ou de bassin hydrographique, puis d’élaborer des plans au niveau des sous-bassins versants selon un ordre de priorité, suivis de plans relatifs aux affluents pour finir, le cas échéant, par des plans concernant des sites environnementaux. Les princi-paux enseignements tirés de l’expérience ont montré que ce qui est fait à chaque étape fournit une orientation et des informations pour le niveau immédiatement inférieur et contribue en outre à éviter ou minimiser les risques de chevauchement.

Cependant, du fait des contraintes financières, on commence souvent par élaborer des plans de sous-bassins, qui sont ensuite regroupés dans un plan général de bassin versant aux fins d’une gestion intégrée des ressources en eau. De la même façon, les plans d’affluents sont parfois terminés avant les plans de sous-bassins versants. Les trois offices canadiens de protection de la nature distinguent quatre niveaux de gestion intégrée des ressources en eau:

a) Plans de bassins fluviaux ou versants: Ces plans portent sur des superficies importantes. Ils englobent les buts, les objectifs et les cibles qui s’appliquent au bassin tout entier et recensent les ressources et les problèmes d’environne-ment. Ils indiquent aussi les politiques et les orientations à prendre à l’échelle du bassin pour

assurer la protection des eaux superficielles et souterraines, des éléments naturels, des lieux de pêche, des espaces verts, des habitats terrestres et aquatiques et des autres caractéristiques importantes;

b) Plans de sous-bassins: Ces plans portent sur une zone plus restreinte que le bassin versant. À cette échelle, des détails plus précis sont fournis pour permettre de résoudre les problèmes liés à l’environnement à l’échelon local. C’est aussi à ce niveau que sont précisés les buts, les objectifs et les cibles de la gestion du sous-bassin. Ces plans reflètent la situation et les préoccupations locales. Les recommandations qu’ils contien-nent peuvent être ensuite prises en compte dans des plans officiels, des plans secondaires, des plans de gestion de la croissance ou d’autres instruments de planification municipale;

c) Plans d’affluents: À cette échelle, les plans servent habituellement à guider les proposi-tions portant sur des changements importants d’affectation des terres, comme l’aménagement de lotissements, les prélèvements d’eau à grande échelle, l’extraction de gravier, la pratique d’une agriculture intensive ou la création de zones industrielles. Ces plans portent sur une partie d’un sous-bassin versant et couvrent générale-ment une étendue de 2 à 10 km2. En principe, les limites d’un plan d’affluent devraient corres-pondre à celles du bassin versant de l’affluent en question, mais cela n’est pas toujours possible dans la pratique. Les recommandations issues des plans d’affluents figurent généralement dans les plans secondaires d’occupation des sols, les amendements aux plans officiels d’occupation des sols ou les conditions d’approbation des projets de plan ou des plans de sites;

d) Plans de sites environnementaux: Ces plans sont généralement élaborés pour répondre aux conditions énoncées dans un projet de plan. Ils décrivent en détail les mesures envisagées pour l’environnement et les eaux de ruissellement et sont habituellement présentés en parallèle avec les plans pour le recalibrage, le contrôle de l’érosion ou de la sédimentation et la viabilisa-tion des sites. En général, les recommandaviabilisa-tions issues des plans de sites environnementaux figurent dans les avant-projets de création de lotissements ou de zones industrielles.

Les quatre niveaux mentionnés ci-dessus devraient être pris en compte par l’ensemble des planifica-teurs et des gestionnaires s’occupant de gestion intégrée des ressources en eau. En étant conscients que différents niveaux de détail correspondent aux différentes échelles, les planificateurs et les gestion-naires renforcent la probabilité que les problèmes

soient résolus à un niveau de détail pertinent, sans chevauchements ni doublons. De plus, le temps nécessaire pour établir les plans de gestion intégrée des ressources en eau sera réduit, ce qui facilitera leur mise en œuvre. Si tout cela est mené à bien, la crédibilité et l’utilité de la gestion intégrée des ressources en eau en seront renforcées.

3.6.4 Partenariats et alliances

La gestion intégrée des ressources en eau a été conçue pour permettre une démarche globale ou écosystémique et pour faciliter la coordination des initiatives prises par les différentes parties prenantes.

Une motivation forte est nécessaire pour briser l’effet de cloisonnement chez les parties prenantes, c’est-à-dire la tendance de ces dernières à prendre des décisions relevant seulement de leurs propres missions et responsabilités, sans se référer à celles des autres parties. Il est donc logique de s’attendre à ce que la gestion intégrée soit plus efficace qu’une démarche non intégrée. Toutefois, en favorisant une approche holistique, des tensions peuvent apparaître entre ce type de gestion et des disposi-tions visant à inclure des mécanismes de participa-tion. Nombre de particuliers, de collectivités ou de groupes de parties prenantes ne prêtent pas toujours attention à l’ensemble du système, mais seulement aux parties ou aux aspects correspondant à leurs propres besoins et intérêts. Ainsi, les particuliers s’intéressent souvent aux incidences de la gestion du bassin versant sur leurs propres biens, tandis que les administrations municipales s’inquiètent fréquemment de la portion de territoire qu’elles administrent. En conséquence, si la gestion intégrée des ressources en eau et les méthodes participatives doivent être utilisées de concert, il faut veiller à bien comprendre les atouts et les lacunes des deux démarches.

La collaboration permet aux parties prenantes d’unir leurs forces et de partager leurs points de vue sur différents aspects d’un problème, avant d’ex-plorer ensemble les différences et de rechercher des solutions constructives qui dépassent les capacités et les limites de chacune de ces parties. Elles peuvent ainsi partager des ressources, renforcer mutuelle-ment leurs capacités et en tirer un profit réciproque et, enfin, atteindre un objectif commun en parta-geant les risques, les responsabilités et les fruits de leurs efforts (Gray, 1989; Himmelman, 1996).

En plus des éléments ci-dessus, Gunton et Day (2003) soulignent qu’il est indispensable de déter-miner si une démarche de collaboration est adaptée à une situation particulière. Selon eux, une approche concertée «peut ne pas fonctionner dans toutes les

situations». Pour qu’il soit plus facile de déterminer si de telles approches sont opportunes, les auteurs définissent cinq conditions préalables à une éven-tuelle réussite:

a) L’engagement des organismes décisionnaires en faveur d’une telle démarche;

b) L’engagement de toutes les parties prenantes;

c) L’urgence à résoudre un ou plusieurs problèmes;

d) L’absence de différences quant aux valeurs fondamentales;

e) L’existence de solutions viables. Selon les auteurs, il ne s’agit pas de savoir si toutes ces conditions préalables sont parfaitement satisfaites, mais plutôt de savoir si elles le sont suffisamment pour permettre la mise en place d’un processus participatif.

3.6.5 Liens avec la planification régionale et l’évaluation des impacts

Les plans ou les stratégies en matière de gestion intégrée des ressources en eau sont souvent dépourvus d’un fondement législatif ou réglemen-taire. Cela peut avoir plusieurs conséquences néga-tives. Premièrement, les organismes recevant des recommandations issues d’un plan de gestion inté-grée peuvent simplement ne pas en tenir compte, persuadés qu’elles ne relèvent pas de leur mandat juridique ou de leur mission. Deuxièmement, si les organismes s’efforcent malgré tout d’appliquer les recommandations issues d’un tel plan, elles doivent en déterminer le degré de priorité par rapport à d’autres responsabilités. Pour l’une ou l’autre de ces raisons, les mesures mises en œuvre risquent fort d’être rares.

Une façon de résoudre ce problème est de relier les recommandations à des instruments ayant une base réglementaire, comme des plans officiels d’oc-cupation des sols aux niveaux régional ou muni-cipal ou des études d’impact environnemental.

C’est pour cette raison qu’à la section 3.6.3, il est indiqué comment, en Ontario, des recommanda-tions issues de plans de bassins versants, sous-bassins versants, affluents ou sites environnementaux visant à une gestion intégrée des ressources en eau ont été prises en compte dans des plans officiels, des plans secondaires ou des études d’impact environnemental.

Les planificateurs et les gestionnaires de l’eau doivent donc se familiariser avec les solutions qui permettent de relier les recommandations tirées des plans de gestion intégrée des ressources en eau aux plans officiels d’occupation des sols aux niveaux régional ou local ou aux études d’impact environ-nemental, sous réserve que ces dispositifs aient un

fondement réglementaire. Une autre possibilité consiste à donner un fondement réglementaire à la gestion intégrée des ressources en eau, mais, pour le moment, cette solution est l’exception, et non la règle.

3.6.6 Mise en place de dispositifs

institutionnels

Dès lors qu’une vision a été adoptée, il est impor-tant de réfléchir aux dispositifs institutionnels (à l’ensemble formel et informel de valeurs, de règles, de cultures et de structures organisationnelles, de mécanismes et de processus) qui permettront de mettre en application une gestion intégrée des ressources en eau.

L’expérience montre que les gouvernements ont souvent tendance, dans un premier temps, à modi-fier les structures organisationnelles, comme lors de la création de ministères de l’environnement dans les années 70 ou de ministères du développement durable dans les années 90. Toutefois, une telle solu-tion ne peut être efficace que si les problèmes de limite ou d’interface sont clairement identifiés, comme cela est souligné à la section 3.3.6; elle ne constitue donc que rarement un bon point de départ.

En conséquence, lors de la mise en place ou de la modification des dispositifs institutionnels pour la gestion intégrée des ressources en eau, après qu’une vision a été établie, les planificateurs et les gestion-naires devraient engager les actions suivantes:

a) Décider des mesures à prendre pour conférer de la crédibilité ou de la légitimité à ce mode de gestion. Cela s’effectue habituellement en associant une base législative, un engagement administratif et un soutien financier constant;

b) Décider des fonctions de gestion à intégrer.

Compte tenu de leurs caractéristiques qui les rapprochent des services publics de distribu-tion, certaines fonctions telles que l’approvi-sionnement en eau, le traitement des eaux usées et l’élimination des déchets pourraient être concédées au secteur privé, tandis que d’autres, telles que la gestion des plaines d’inondation ou la protection des zones humides, devraient être confiées au secteur public en raison de leurs caractéristiques de biens communs;

c) Déterminer les structures organisationnelles appropriées, en vertu du principe selon lequel les structures doivent suivre et non précéder les fonctions. Il existe un éventail complet de structures, allant d’une seule grande organisa-tion centralisée et polyvalente à de nombreuses petites organisations décentralisées à fonction unique ou à fonctions limitées. Chaque dispo-sitif comporte ses atouts et ses faiblesses, mais

tous rencontrent des problèmes de limite ou d’interface;

d) Étant donné que les structures ne sont jamais parfaitement conformes aux fonctions, choisir ensuite la bonne combinaison de méthodes – par exemple, participation du public et étude d’impact – et de mécanismes – groupes d’étude ou comités interministériels – les plus à même d’assurer la coordination, la collaboration et la cohérence entre les différents organismes ou groupes. Grindle et Hilderbrand (1995) ont formulé l’observation suivante:

Pour renforcer les capacités, il est nécessaire de créer des mécanismes actifs d’interaction et de coordination. Des moyens formels de commu-nication et de coordination peuvent être créés, tels que des comités de coordination de haut niveau et de niveau technique, des conseils d’administration ou des conseils consultatifs comportant des membres communs, des ateliers et des séminaires conjoints et la reloca-lisation des bureaux ou l’amélioration des technologies, de façon à faciliter la communi-cation sur le plan concret. La communicommuni-cation informelle peut être encouragée pour complé-ter et soutenir ces échanges formels.

Les auteurs ont rappelé l’intérêt de ces initiatives, en soulignant que:

Les interventions permettant aux profession-nels de travailler côte à côte et d’égal à égal sont de plus en plus importantes. Elles comprennent le travail en réseau et le jumelage, ainsi que les ateliers, les séminaires et les plates-formes de collaboration qui facilitent le partage des connaissances (Franks, 1999);

e) Qui plus est, les gestionnaires et les planificateurs devraient créer une culture de l’organisation et obtenir, de la part du personnel, un comporte-ment qui favorise la collaboration plutôt que la rivalité. Selon Grindle et Hilderbrand (1995),

«les organisations qui ont bien fonctionné ont toutes, sans exception, été en mesure d’inculquer à leur personnel le sens de la mission et de l’enga-gement vis-à-vis des objectifs de l’organisation», tandis que «l’un des résultats les plus importants [de l’étude] met en évidence une corrélation entre, d’une part, les performances de l’organisa-tion et, d’autre part, la force et l’oriental’organisa-tion de sa culture de l’organisation». Une telle culture peut être créée et alimentée par des programmes de formation initiale ou continue axés sur la nature et la nécessité des processus de collaboration et sur la résolution des conflits.

Pris ensemble, les concepts ci-dessus offrent un cadre qui aide les planificateurs et les gestionnaires à envisager d’autres solutions de soutien de la