4 Valeur lexicale de rɔbɑh
4.2 Les emplois lexicaux : rɔbɑh est un N
4.2.3 rɔbɑh suivi d’un déterminant
4.2.3.4 rɔbɑh suivi d’un numéral ou d’un Numéral + Classificateur
Dans la plupart des cas, rɔbɑh est suivi du numéral muəy « un » et il désigne un certain objet non défini c’est-à-dire « un existant » sans référent déterminé. Lorsqu’il est suivi d’autres numéraux que muəy « un », souvent on a ensuite un déictique ou un classificateur, surtout yaaŋ « sorte, manière » ou muk « face, aspect, sorte, genre, espèce », plus un déictique. Dans ce cas, rɔbɑh est un élément qui se rapporte à ce qui est mentionné dans le contexte gauche.
(85) យគយោ អូនមកតាមសំបុប្ត មែៃប្បាប់ថា អូននឹងស្គាៃ់យគយៅយពៃណាមែៃដាក់សំបុប្ត យោ យៅ ួៃរបស់មួ បនតពីប្បាស្គ (VONG Pheung 1974 : 78)
kee ʔaoy ʔoon mɔɔk taam sɑmbot dael prap tʰaa ʔoon nɨŋ PRO donner cadet venir suivre lettre REL dire dire cadet stable
skoal kee nɨv peel naa dael dak sɑmbot ʔaoy tɨv
connaître PRO situer temps INDEFREL mettre lettre donner aller
tɔtuəl rɔbɑh muəy bɑntɑɑ pii prasaat
recevoir rɔbɑh un suivre PREP temple
Ils m’ont convoquée par une lettre dans laquelle ils me disaient que je les connaîtrais quand une autre lettre m’aurait été remise pour que j’aille prendre un objet du temple.
rɔbɑh désigne un existant particulier dont la nature n’est pas révélée et qui n’a pas de détermination qualitative.
(86) របស់មួ យ ើងោចយមើៃមិនយឃ្ើញតំលៃកនុងយពៃយនះមតវានឹងមានតំលៃយៅយពៃណាមួ មិន ខាន ។
rɔbɑh muəy yəəŋ ʔaac məəl mɨn kʰəəɲ tɑmlay rɔbɑh un 1PL pouvoir regarder NEG voir valeur
knoŋ peel nih tae vie nɨŋ mien tɑmlay nɨv peel na muəy
dans temps DEICTREST 3SG stable avoir valeur situer temps INDEF un
mɨn kʰaan NEG manquer
Un objet dont nous ne pouvons pas voir la valeur pour l’instant mais il aura sans aucun doute de la valeur à un moment donné.
Ici il s’agit d’une vérité générale. rɔbɑh renvoie à un existant virtuel sans référent. Il est repris par le pronom vie. Du fait qu’il n’a pas de référent, rɔbɑh peut renvoyer à toute entité.
(87) ួៃ ករបស់ម៉៉ង ។ យតើជារបស់អវីយៅ ? កំណប់មែៃអ៊ំ ន់រីកយឃ្ើញយោះឬ ? (VONG Pheung 1974 : 80)
tɔtuəl rɔbɑh myaaŋ taə cie rɔbɑh ʔvəy tɨv kɑmnɑp
dael ʔom yɔn ciik kʰaəɲ nuh rɨɨ REL oncle Yon creuser voir DEICTPART
Aller prendre un certain objet. Que serait cet objet ? Le trésor que l’oncle Yon a trouvé ?
En fonction de classificateur, yaaŋ « une sorte de », tout comme muk « une sorte de, une espèce de », est très peu défini : l’existant auquel renvoie rɔbɑh est doté d’une propriété particulière mais cette propriété n’est pas connue. Nous n’avons pas trouvé d’occurrence de rɔbɑh avec d’autres classificateurs. En cas de reprise, on peut avoir d’autres numéraux que muəy « un » mais en ce qui concerne les classificateurs, nous n’avons trouvé que yaaŋ et muk.
(88) Une femme voyant que son mari est tellement drogué qu’il ruine la famille pour s’acheter de l’opium, lui a proposé de consommer de l’alcool à la place de l’opium car l’alcool est moins cher. Or depuis que le mari est devenu alcoolique, c’est encore pire qu’avant. Entre l’alcool, la drogue et les jeux, on ne peut pas dire que l’un est moins mauvais que l’autre :
យប្ពាះរបស់ទាំងបីយោះមានកំលាំងផា យៅែូចោន (Gatilok, Vol. 8 p. 16)
pruəh rɔbɑh teaŋ bəy nuh mien kɑmlaŋ psaay tɨv dooc knie
car rɔbɑh tout trois DEICT avoir force diffuser aller comme PRO car ces trois choses ont la même force destructrice […]
rɔbɑh renvoie à l’alcool, la drogue et les jeux qui sont trois entités différentes. La reprise par rɔbɑh indique une perception indifférenciée de ces entités, leur identité première est minorée. Dans la majorité des cas où rɔbɑh renvoie à plusieurs entités du contexte gauche, il est suivi par teaŋ qui désigne une classe d’éléments homogènes formée des entités qui vérifient une ou plusieurs propriétés communes, en excluant toute forme d’altérité entre les éléments de la classe18. Ce qui compte ce n’est pas la propriété définitoire de l’alcool, de la drogue et des jeux mais la nouvelle propriété discursive qui a été attribuée à l’ensemble de ces trois choses mises sur le même plan : « avoir la même force destructrice ».
(89) L’auteur continue son discours sur les trois vices, et débouche sur une observation « généralisante » :
មួ យ ៀត រំនុំរបស់បីយ៉៉ងយនះ របស់ឯណាមួ មានយៅយៃើសំបុកណាយហ្ើ សំបុកយោះសឹង មស្សកសឹងយពាៃថា ធាន់ណាស់ ពិបាកណាស់ យៃើសរបស់ឯយ ៀត ៗ
muəy tiet cumnum rɔbɑh bəy yaaŋ nih rɔbɑh ʔae naa muəy
un encore parmi rɔbɑh trois CLF DEICT rɔbɑh PREP INDEF un
mien nɨv ləə sɑmbok naa haəy sɑmbok nuh səŋ sraek
18
avoir situer sur nid INDEFPART nid DEICT pratiquement crier
səŋ pool tʰaa tŋuən nah piʔbaak nah ləəh rɔbɑh
pratiquement se plaindre dire lourd PART pénible PART plus rɔbɑh
ʔaetiet ʔaetiet
autre REDUP
D’ailleurs, parmi ces trois sortes de choses, si une chose arrive à une famille, cette famille crie, se plaint pratiquement que cette chose est lourde, est plus pénible que tout le reste [...]
Il est possible dans cet exemple de remplacer yaaŋ par muk sans qu’il y ait de changement d’interprétation. yaaŋ spécifie seulement que les existants auxquels renvoie rɔbɑh sont qualitativement différents ; dans l’exemple (89), les propriétés qui permettent de les distinguer relèvent du contexte gauche (dans les cas où elles ne sont pas données dans le contexte gauche, ces propriétés peuvent faire l’objet d’une énumération ultérieurement).
La deuxième et la troisième occurrence de rɔbɑh dans (89) n’ont pas de référent déterminé : parmi les trois vices mentionnés auparavant, rɔbɑh peut correspond à l’un ou à l’autre sans aucune différence.
A notre connaissance, le seul quantificateur qui peut être associé à rɔbɑh est cɑmnuən « nombre » mais il peut uniquement être employé avec le numéral muəy « un ». muəy cɑmnuən renvoie à une quantité non-définie d’occurrences mais jamais à un nombre important d’occurrences. Souvent il peut être remplacé par l’indéfini klah « quelques » (D. Thach 2013).
(90) ។
rɔbɑh muəy cɑmnuən mɨn trɨv dak kbae day rɔbɑh un nombre NEG devoir mettre près main
kmeeŋ tee
enfant PART