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2 Types d’emplois et étymologie

2.7 ney dans la littérature populaire

Nous n’avons pas trouvé d’occurrence de ney dans ធនញ្ា័ Dha añjăy un des contes les plus populaires du Cambodge. Dans le recueil des contes khmers de la commission des Mœurs et Coutumes du Cambodge de l’Institut bouddhique, son emploi est plutôt rare.

Dans ce recueil de 9 volumes (chaque volume compte entre 75 et 150 pages), nous avons relevés environ 100 occurrences de ney. ney est employé le plus souvent lorsque X sert à définir l’entité/individu à laquelle renvoie le SN qui précède X dans son rapport à Y. Dans la plupart des cas, cette entité/individu que nous appelons Z occupe la position de sujet du verbe d’identification cie alors que le SN X ney Y occupe la position d’attribut. Dans ces cas, cie signifie que X mis en relation avec Y (X ney Y), est une propriété extrinsèque de Z et fait partie des propriétés possibles de Z. La sélection de X et non pas des autres propriétés (possibles) de Z, signifie que X est la propriété la plus adéquate pour définir Z57. Le reste des occurrences de ney, concerne des cas où X renvoie à des propriétés ou à un élément/partie de la classe associée à Y.

(249) Le destin d’un couple de cornacs est de régner sur une cité. Indra le roi des dieux se charge de la réalisation de ce destin par le biais de deux coqs : celui et celle qui en consomment la viande deviendront roi et reine :

និយ៉ ពីប្ពះឥន្ទ្ោទធិរារ មែៃជាយសេចលនយ វតា យៅយពៃយោះប្ពះអងាបាននិមិមតយធវើជាមាន់គក ពីរ (Recueil de contes khmers, Vol. 5 p. 4)

niʔyiey pii preah ʔəntrietʰiʔriec dael cie sdac ney teevdaa nɨv

parler de sacré Indra-roi REL être roi ney dieu situer

peel nuh preah ʔɑŋ baan niʔmət tvəə cie moankook pii

temps DEICT sacré corps obtenir créer faire être coq deux

quant à Indra qui est le roi de tous les dieux, à ce moment-là, il engendre deux coqs

Z preah ʔəntrietʰiʔriec « le roi Indra » constitue le thème principal du passage où se trouve cet exemple. Il désigne un individu fortement singulier. X sdac « roi » réfère à Z qui intrinsèquement, a les mêmes propriétés que les individus de l’ensemble que désigne Y teevdaa

57

« dieu » s’interprétant comme la totalité des dieux. Z défini comme le roi des dieux n’est pas un des dieux de l’ensemble que désigne Y. La présence de ney signifie qu’il existe une classe associée à Y mais cette classe n’est pas l’ensemble des dieux. X, le seul élément de la classe qui est actualisé dans la relation prédicative ne dit rien des autres éléments de la classe.

Dans ce cas, le statut de X en tant qu’individu singulier (Z) est indépendant de son appartenance à la classe associée à Y. X qui désigne l’élément le plus important de la classe se détache de l’ensemble d’individus que désigne Y. Nous retrouvons ce même mécanisme dans l’exemple suivant où le dédoublement de X s’entend mieux :

(250) Une fois était survenue une sécheresse catastrophique qui causait la mort de nombreuses espèces vivantes. Les batraciens sentant que leur dernier moment est proche, décident de lever une armée constituée surtout de crapauds pour aller faire la guerre contre Brahma afin de lui réclamer de la pluie. Au cours de leur chemin vers le château céleste de Brahma, beaucoup de sympathisants se joignent à eux :

យមបញ្ជាការធំលន ័ពគីងាក់យឃ្ើញហ្វូងពៃប្តីអមណេងធំៗខានន់ខានប់ ខ្ាួនប្បឡាក់ស្សមកយដា កយមទចធូៃីនិងយផះលនវាៃមស្ស ។ (Recueil de contes khmers, Vol. 4, p. 55)

mee bɑɲcie kaa tʰom ney toap kiiŋkuək kʰəəɲ vooŋ puəl

chef commander affaire grand ney armée crapaud voir troupe armée

trəy-ʔɑndaeŋ tʰom tʰom knanknap kluən prɑlak srɑmɑɑk

poisson chat commun grand REDUP multitude corps être sali être très taché

daoy kɑmtɨc tʰuulii nɨŋ pʰeh ney viel srae

suivre débris terre et cendre ney espace rizière

Le grand commandant de l’armée des crapauds vit une troupe armée d’une multitude de grands poissons chats dont le corps était enveloppé de poussière et de cendres des rizières.

Dans cet exemple, c’est la première occurrence de ney qui nous intéresse. X mee bɑɲcie kaa tʰom « le grand commandant » n’est pas un élément parmi d’autres de l’armée des crapauds désignée par Y toap kiiŋkuək. X est aussi un crapaud mais c’est l’individu le plus saillant de l’armée et à ce titre il symbolise l’ensemble de l’armée. La singularité de X (Z) est plus prépondérante que son statut en tant qu’élément de la classe associée à Y. Par rapport à X, les autres éléments de la classe sont invisibles.

Dans l’exemple suivant, le statut de X comme une partie de la classe des composantes de Y est premier mais ce statut ne permet de le démarquer des autres composantes de la classe. C’est uniquement son statut en tant qu’entité singulière (Z) qui compte pour son individuation.

(251) Un homme court vers la pagode pour demande de l’aide auprès des bonzes après avoir découvert que sa femme et ses enfants sont morts et que la personne qui prétend être sa femme est une femme-démon malveillante. Cette dernière poursuit l’homme jusqu’à la pagode dans le but de le tuer. Un bonze qui veut aider l’homme, l’amène dans sa demeure et installe une enceinte magique

pour empêche le diable d’y pénétrer. Or à côté de la demeure du bonze pousse un bananier javanais dont les feuilles touchent une partie de son avant-toit ce qui crée un espace accessible entre l’avant-toit et le mur et qui permet à la femme-démon d’y pénétrer :

ចំយពាះមួ ភ្លគតូចលនកុែិរបស់យលាកមែៃធាងយចកជាវយៅប៉ះយោះ យៅចយោាះជាឳកាសែ៏ ប្បយសើរែៃ់ោងបិស្គច (Recueil de contes khmers, Vol. 7 p. 63)

cɑmpuəh muəy pʰiek tooc ney kot rɔbɑh look dael tʰieŋ

pour un partie petit ney maison rɔbɑh PRO REL feuille

ceek cvie tɨv pah nuh nɨv cɑnlɑh cie ʔaɔkah dɑɑ

bananier Java aller toucher DEICT situer faille être occasion PART prɑsaə dɑl nieŋ beysaac

magnifique arriver jeune femme démon

par contre, une petite partie de la maison du vénérable que les feuilles des bananiers javanais touchaient, demeurait encore comme une faille, ce qui était une excellente opportunité pour la femme démoniaque.

X, muəy pʰiek tooc « une petite partie » qui désigne un élément secondaire (marginal) des éléments constituant l’ensemble de la résidence du bonze, vérifie une propriété différente des autres composantes : la propriété « être une enceinte magique qui empêche l’entrée de la femme-démon » est supposée s’appliquer à l’ensemble des parties composantes de la résidence mais X échappe à cette propriété au profit d’une propriété différente : cette partie est en contact avec des feuilles de bananiers javanais. Ce contact fait que la propriété prédiquée sur l’ensemble des composantes de la résidence ne s’applique pas à X qui donne l’accès au diable dans la résidence.

Dans les exemples suivants, Z n’a pas d’autres propriétés que celle qu’il a en tant qu’élément de la classe associée à Y. Dans (252), la définition du héros comme l’enfant de gens pauvres lui donne toutes les propriétés subjectives associées à des gens qui sont pauvres. Dans (253), toutes les propriétés attribuées au héros (Z) sont les propriétés constitutives de X en tant qu’objet de désir de la gente féminine. Il est question de définir Z comme étant pleinement un élément particulier de la classe des éléments qui relèvent de Y, compte tenu des propriétés prédiquées de Z.

(252) Début d’un conte : présentation du personnage principal :

មានមនុសែមានក់ជាកូនលនអនកប្តកូៃប្កីប្ក, បុរសយនះ តាំងពីចយប្មើនធំយឡើង ោមនរកសុីអវីយស្គះ ខ្ំ ប្បឹងសង្វវតមតខាងការបរបាញ់ ទាៃ់មតស្គទត់រំោញ (Recueil de contes khmers, Vol. 2 p. 131) mien mɔnuh mneak cie koon ney neak trɑkool

avoir humain un-CLF être enfant ney humain classe/famille

kreykrɑɑ borɑh nih taŋ pii cɑmraən tʰom laəŋ kmien

pauvre homme DEICT installer PREP croître grand PART NEG-avoir

rɔɔk sii ʔvey sɑh kʰɑm prəŋ sɑŋvaat tae kʰaaŋ

chercher manger INDEFPART s’efforcer s’efforcer s’efforcer REST côté

kaa-bɑɑbaɲ toal tae stoat cumnieɲ NOMZ-chasser être bloqué REST habile spécialité

Il y avait un homme qui était l’enfant d’une famille de pauvres gens. Cet homme depuis qu’il est devenu adulte, ne faisait rien (pour gagner sa vie) mais il faisait beaucoup d’efforts pour se perfectionner dans la chasse. [En ce qui concerne son physique, il est laid et maigre comme un clou].

(253) Dans le même conte, présentation d’un autre homme, l’opposé du personnage principal :

មថ្ាងពីបុរសមានក់យ ៀត ជាកូនអនកមានសមបតតិ ទាំងរូបយោមយោះក៏ស័កតិសម ឹកមុខ្យឡើងស្សស់ បំប្ពង ជា ីយពញចំណង់លនស្រសតីភ្លព ។ (Recueil de contes khmers, Vol. 2 p. 132)

tlaeŋ pii borɑh mneak tiet cie koon neak mien sɑmbat

parler PREP homme un-CLF encore être enfant humain avoir richesse

teaŋ ruup cʰaɔm nuh kɑɑ saaksɑm tək mok laəŋ srɑh

tout forme beauté DEICTPART digne eau visage monter frais

bɑmprɑɑŋ cie tii peɲ cɑmnɑŋ ney streypʰiep

rayonnant être lieu être rempli désir ney femme-état

Parlons d’un autre homme qui était fils de riches. Son physique et sa beauté étaient remarquables, la teinte de son visage était très fraîche et rayonnante, c’étaient (toutes) les qualités de l’objet du désir de la gente féminine.

Nous pouvons supprimer ney dans (252) et non dans (253) : lorsque X est constitué d’un N suivi d’une détermination telle qu’un SV, le relateur ø n’est pas possible. De plus, dans ce cas, rɔbɑh n’est pas meilleur que ø car rɔbɑh signifie que les différentes propriétés associées à l’individu Z ne comptent pas pour son individuation or ce sont ces propriétés qui permettent de définir Z comme X (cf. : être fils de riche, avoir un physique et une beauté remarquables, etc.).

(252’) មានមនុសែមានក់ជាកូនអនកប្តកូៃប្កីប្ក បុរសយនះ តាំងពីចយប្មើនធំយឡើង ោមនរកសុីអវីយស្គះ ខ្ំ ប្បឹងសង្វវតមតខាងការបរបាញ់ ទាៃ់មតស្គទត់រំោញ

mien mɔnuh mneak cie koon ø neak trɑkool kreykrɑɑ

avoir humain un-CLF être enfant ø humain classe/famille pauvre

borɑh nih taŋ pii cɑmraən tʰom laəŋ kmien rɔɔk sii

homme DEICT installer PREP croître grand PART NEG-avoir chercher manger

ʔvey sɑh kʰɑm prəŋ sɑŋvaat tae kʰaaŋ kaabɑɑbaɲ INDEF PART s’efforcer s’efforcer s’efforcer REST côté NOMZ-chasser

toal tae stoat cumnieɲ

être bloqué REST habile spécialité

Il y avait un homme qui était enfant des gens de famille pauvre. Cet homme depuis qu’il est devenu adulte, ne faisait rien (pour gagner sa vie) mais il faisait beaucoup d’efforts pour se perfectionner dans la chasse. [En ce qui concerne son physique, il est laid et maigre comme un clou].

(253’) ??មថ្ាងពីបុរសមានក់យ ៀត ជាកូនអនកមានសមបតតិ ទាំងរូបយោមយោះក៏ស័កតិសម ឹកមុខ្យឡើង ស្សស់បំប្ពង ជា ីយពញចំណង់ ស្រសតីភ្លព ។

tlaeŋ pii borɑh mneak tiet cie koon neak mien sɑmbat

parler de homme un-CLF encore être enfant humain avoir richesse

teaŋ ruup cʰaɔm nuh kɑɑ saaksɑm tək mok laəŋ srɑh

tout forme beauté DEICTPART digne eau visage monter frais

rayonnant être lieu être rempli désir rɔbɑh femme-état

Dans (252’), « être l’enfant de pauvres gens » n’est qu’une propriété parmi d’autres propriétés attribuées à l’homme en question. Le fait que l’homme ne fait rien pour gagner sa vie, qu’il est laid et maigre comme un clou n’a rien à voir avec le fait qu’il est défini comme l’enfant de pauvres gens : ces propriétés sont les caractéristiques de l’homme en tant qu’individu singulier.

L’autonomie de Z par rapport à son statut de X, un élément de la classe des éléments associée à Y est encore moins marquant dans l’exemple ci-dessous où X ne fait qu’introduire Y dans le récit.

(254) Deux orphelins étaient en train de faire cuire l’éléphant qu’ils avaient piégé :

យវលាយោះ កាិនសតវែំរី ាុ ផា រហ្ូតែៃ់ភពជា ីោស្ស័ លន កែ មែៃមានអំណាចោច សងាត់ពួក កែឯយ ៀតៗ ។ (Recueil de contes khmers, Vol. 2 p. 143)

velie nuh klən sat dɑmrəy cŋuy psaay rɔhoot

moment DEICT odeur animal éléphant odeur délicieux diffuser jusqu’à

dɑl pʰup cie tii ʔaasray ney yeak dael mien ʔɑmnaac

atteindre monde être endroit habiter ney géant REL avoir pouvoir

ʔaac sɑŋkɑt puək yeak ʔaetiet ʔaetiet

pouvoir dominer groupe géant autre REDUP

A ce moment-là, l’odeur délicieuse de l’éléphant se répand jusqu’au monde où habite le géant qui a un pouvoir lui permettant de dominer tous les autres géants.

Ici, Y qui désigne le roi des géants est nouveau dans le récit. Z « monde » ne se définit que comme X, le lieu de résidence du roi des géants. X est une des « propriétés » de Y. Nous entendons par « propriété » ce qui appartient à Y. Dans cet exemple, nous pouvons remplacer ney par rɔbɑh et non par ø car comme dans l’exemple (253), X comprend un N et un SV.

(254’) យវលាយោះ កាិនសតវែំរី ាុ ផា រហ្ូតែៃ់ភពជា ីោស្ស័ កែ មែៃមានអំណាច ោចសងាត់ពួក កែឯយ ៀតៗ ។

velie nuh klən sat dɑmrəy cŋuy psaay rɔhoot

moment DEICT odeur animal éléphant odeur délicieux diffuser jusqu’à

dɑl pʰup cie tii ʔaasray rɔbɑh yeak dael mien

atteindre monde être endroit habiter rɔbɑh géant REL avoir

ʔɑmnaac ʔaac sɑŋkɑt puək yeak ʔaetiet ʔaetiet

pouvoir pouvoir dominer groupe géant autre REDUP

A ce moment-là, l’odeur délicieuse de l’éléphant se répand jusqu’au monde où habite le géant qui a un pouvoir lui permettant de dominer tous les autres géants.

Dans ce cas, avec rɔbɑh le roi des géants n’est qu’un repère possible parmi d’autres personnes qui pourraient définir X comme « lieu de résidence ». X et non plus Y, devient alors l’objet d’une description.

Synthèse

Dans les cas où Y désigne un individu ou un ensemble d’individus, la classe associée à Y n’est pas visible. X le seul élément de la classe qui est actualisé dans la relation prédicative ne dit rien des autres éléments de la classe. Par contre dans (251) où X désigne lexicalement une partie constitutive d’un ensemble, Y qui renvoie à une entité singulière s’interprète alors comme cet ensemble dont la nature des composantes est spécifiée par X.

Malgré la ressemblance syntaxique entre les différents exemples mentionnés ci-dessus (cf. le verbe d’identification cie), les deux statuts de X en tant qu’entité singulière dans la relation prédicative (Z) et en tant qu’élément de la classe des éléments associée à Y (X) sont mis en jeu de façon variable. L’autonomie de Z par rapport à X a été présentée dans l’ordre décroissant : Z perd progressivement son indépendance pour devenir une entité qui n’est définie que par son appartenance à la classe associée à Y.