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B. PREMIÈRE ÉTUDE: IMPLICATION DE LA PROTÉINE

III. Rôles et revue des canaux potassiques du tubule proximal

Contrairement à ceux du néphron distal, les canaux K+ du TP sont peu étudiés: bien qu'ils soient présents dans les membranes apicales et basolatérales, leurs identités sont souvent indéfinies. De plus, la réabsorption des ions K+ étant effectuée passivement par la voie paracellulaire dans le TP (voir Section Introduction A.II.2.a), leur impact sur le bilan urinaire du potassium est incertain (Weinstein, 1988; Hebert et al., 2005; Hamilton & Devor, 2012).

Toutefois quelques rôles sont inférés aux canaux K+ du TP. Premièrement ils permettraient d'assurer une sortie apicale d'ions K+ qui maintiendrait le potentiel de la membrane apicale négatif durant l'entrée massive et dépolarisante de sodium par les cotransporteurs variés d'acides aminés, de glucose ou de phosphates. Ce potentiel négatif est nécessaire au maintien de l'activité de ces transports électrogéniques (Biagi et al., 1981; Fromter, 1982; Hebert et al., 2005; Hamilton & Devor, 2012). Deuxièmement, en l'absence de canaux K+, les entrées apicales de solutés conduiraient à des mouvements d'eau aboutissant à un gonflement cellulaire (Barriere et al., 2003; Hebert et al., 2005; Hamilton & Devor, 2012). Troisièmement, comme dans les autres segments du néphron, les canaux K+ basolatéraux du TP assurent le maintien de l'activité de la Na+-K+-ATPase en recyclant des ions K+ vers l'interstitium, ce qui permet le maintien du potentiel membranaire nécessaire à l'activité du cotransporteur Na+/3HCO3- NBCe-1A (voir Section Introduction A.II.2.a) (Warth et al., 2004).

Enfin, les transports de potassium dans le TP impactent l'ammoniurie par des mécanismes incompris. En effet, de manière globale l'hyperkaliémie réduit l'excrétion urinaire d'ammonium alors que l'hypokaliémie l'augmente. Différents segments sont impliqués dans ce phénomène mais plusieurs études de micro-perfusion ont montré que l'ammoniogenèse était inversement proportionnelle à la concentration luminale en ions K+ dans le TP. De plus, l'inhibition des canaux K+ du TP réduit la capacité de ce dernier à transporter de l'ammonium. La dépendance de l'ammoniogenèse au métabolisme du potassium est incomprise, mais pourrait être liée à la perméabilité généralement élevée des canaux K+ pour l'ammonium ou à l'alcalinisation du pH intracellulaire lors d'une entrée importante d'ions K+. Ce dernier phénomène est susceptible de réduire l'ammoniogenèse (voir Section Introduction A.II.4.c) (Jaeger et al., 1983; Adam et al., 1986; Nagami, 1990; DuBose & Good, 1991; Simon et al., 1992; Karet, 2009; Weiner & Verlander, 2013; Hamm et al., 2015).

2. Revue des canaux potassiques du tubule proximal

a. Identité des canaux potassiques apicaux du tubule proximal

La membrane apicale du TP contient plusieurs canaux potassiques [voir Figure 16]. Chez le lapin et la souris, différents canaux ayant des conductances unitaires de 30, 40, 60 et 200-300 pS y ont été enregistrés (Gogelein, 1990; Hebert et al., 2005). Le canal de 200-300 pS est identifié comme Maxi-K, canal activé par la dépolarisation et le gonflement cellulaire généralement fermé (Zweifach et al., 1991). Sur une lignée cellulaire de TP humain, un canal Kir de 42 pS sensible à l'ATP a été observé (Nakamura et al., 2001). Chez la souris et le rat un canal de 12 pS appelé MinK, constitué du duo de protéines KCNQ1/KCNE1, forme un canal potassique apical (Sugimoto et al., 1990; Vallon et al., 2001). L'importance de MinK est illustrée par les pertes urinaires modérées de NaCl, d'acides aminés et de glucose des souris invalidées pour KCNE1 (Vallon et al., 2001). Cependant KCNQ1 n'est pas toujours rapportée dans le TP (Zheng et al., 2007). Le canal KCNA10 de 10-12 pS est lui aussi exprimé dans la membrane apicale du TP de rat: stimulé par la dépolarisation, il pourrait coupler son activité a l'entrée apicale du sodium (Yao et al., 2002). Enfin, le canal potassique TWIK-1 a été immunomarqué dans la bordure en brosse du TP de souris (Cluzeaud et al., 1998) et les souris invalidées pour TWIK-1, qui expriment moins de Napi-2 à la surface de leurs cellules, ont une capacité de réabsorption proximale des phosphates réduite [Voir Figure 4] (Nie et al., 2005).

b. Identité des canaux potassiques basolatéraux du tubule proximal

Plusieurs canaux potassiques basolatéraux du TP décrits fonctionnellement ne sont toujours pas identifiés: ils possèdent des conductances unitaires de 12, 36, 46, 54 et 60 pS (Gogelein & Greger, 1987; Gogelein, 1990; Noulin et al., 1999; Hamilton & Devor, 2012). Inversement, la conductance de THIK-2, canal potassique immunomarqué du coté basolatéral du TP de souris, n'a pas été rapportée (Theilig et al., 2008). Chez le lapin, un canal Kir peu actif de 50-60 pS inhibé par l'ATP intracellulaire a été décrit. Il s'agirait de Kir6.1: l'ARNm de Kir6.1 est présent dans le TP de lapin et le canal est inactif en présence d'un sulfonylurée, inhibiteur des protéines SUR associées aux sous-unités Kir6.x (Tsuchiya et al., 1992; Hurst et al., 1993; Noulin et al., 1999). Son rôle est toutefois incertain: il pourrait n'être exprimé que dans les mitochondries et/ou n'être actif qu'en cas d'hypoxie (Reeves & Shah, 1994; Zhou et al., 2007). Finalement, les souris n'exprimant pas Kir6.1 n'ont pas de phénotype rénal évident, bien qu'elles présentent des lésions inflammatoires rénales (Kane et al., 2006; Li et al., 2015).

TASK-2 est un canal potassique clairement identifié dans la membrane basolatérale du TP, activé par l'alcalinisation extracellulaire et le gonflement cellulaire (Niemeyer et al., 2001; Warth et al., 2004). Les souris n'exprimant pas TASK-2 présentent une légère augmentation de leur diurèse et de leur natriurèse, ainsi qu'une difficulté à réabsorber les ions HCO3- filtrés, qui s'accompagne d'une faible acidose métabolique proximale. Ce phénotype serait la conséquence d'un couplage entre l'activité de TASK-2 et NBCe-1A: TASK-2 maintien le potentiel de membrane négatif nécessaire à NBCe-1A tandis que NBCe-1A, qui réabsorbe les ions HCO3-, active TASK-2 en augmentant le pH interstitiel (Warth et al., 2004; Sepulveda et al., 2015).

Plusieurs des canaux K+ basolatéraux non-identifiés du TP de lapin sont rectifiants entrants, possèdent une conductance de 50-60 pS et sont inhibés par les protons intracellulaires (Gogelein & Greger, 1987; Parent et al., 1988; Gogelein, 1990; Beck et al., 1993). Si le canal Kir7.1 a pu être observé dans la membrane basolatérale du TP de hamster, sa conductance de 50 fS est trop faible pour correspondre à ces canaux Kir non-identifiés (Derst et al., 2001a; Hibino et al., 2010). Au contraire, les canaux non-identifiés ont des propriétés similaires à celles de l'hétérotétramère Kir4.2/Kir5.1 in vitro (voir Section Introduction B.I.2.d). Or Kir5.1 a parfois été rapportée dans le TP et les souris invalidées pour Kir5.1 ont une ammoniurie faible qui pourrait être le signe d'un défaut d'ammoniogenèse proximale (voir Section Introduction A.II.4.b) (Tucker et al., 2000; Derst et al., 2001b; Paulais et al., 2011). Kir5.1 n'étant active qu'associée à Kir4.1, qui n'est pas exprimée dans le TP, ou à Kir4.2 qui y est possiblement (voir Section Introduction B.II.1.d), un canal Kir4.2/Kir5.1 pourrait être exprimé dans la membrane basolatérale des cellules du TP [Voir Figure 16] (Ito et al., 1996; Chabardes-Garonne et al., 2003; Hibino et al., 2004a; Lachheb et al., 2008; Bockenhauer et al., 2009; Zhang et al., 2015).

Figure 16: Schéma des canaux potassiques exprimés dans les membranes apicales et basolatérales du tubule proximal (d'après Hebert et al., 2005; Hamilton & Devor, 2012)

OBJECTIF DE LA 1

ÈRE

ÉTUDE

Les 17 protéines Kir, phylogénétiquement apparentées, constituent par tétramérisation des canaux potassiques appelés des canaux Kir (voir Section Introduction B.I.1). Considérés tardivement par les physiologistes, ces canaux possèdent des propriétés électrophysiologiques, des régulations et des rôles très étudiés depuis vingt ans (voir Section Introductions B.I.2 et B.II). Ces canaux, présents à la membrane plasmique de tous les organismes vivants, contribuent à des fonctions physiologiques variées. De fait, l'altération de leur fonctionnalité est à l'origine de nombreuses pathologies génétiques (voir Section Introduction B.II.3).

Parmi les membres du groupe des canaux Kir "de transport d'ions K+", les canaux

Kir1.1, Kir4.1 et Kir5.1 sont désormais considérés majeurs au fonctionnement du néphron. Ainsi, l'activité de Kir1.1, exprimé dans les membranes apicales du tubule distal, est nécessaire au fonctionnement de la branche ascendante large de l'anse de Henle. Sa perte de fonctionnalité provoque de fait un Syndrome de Bartter (voir Section Introduction B.III.2.b). De même, les protéines Kir4.1 et Kir5.1 possèdent une activité couplée à celle de la Na+-K+-ATPase, une fois associées en un canal hétérotétramèrique Kir4.1/Kir5.1, dans les membranes basolatérales du néphron distal. Leurs altérations provoquent alors une modification du potentiel de membrane basolatéral qui impacte majoritairement le tubule contourné distal. Il y a quelques années, une pathologie génétique appelée le "Syndrome SeSAME", provoquée par la perte de fonctionnalité de Kir4.1 et du tubule contourné distal a été décrite. Peu après, le laboratoire a décrit le phénotype de souris invalidées génétiquement pour Kir5.1, qui présentent également une atteinte du tubule contourné distal (Paulais et al., 2011) (voir Section Introduction B.II.2.c).

Depuis la découverte du rôle du canal Kir4.1/Kir5.1 dans le néphron distal, l'étude de ses régulations physiologiques et physiopathologiques est un domaine de recherche très actif. En revanche, le rôle de Kir5.1 dans le tubule proximal, suggéré par le phénotype des souris invalidées, reste inconnu. Kir5.1 n'étant fonctionnelle qu'en hétérotétramère (voir Section Introduction B.I.2.b), elle pourrait s'y associer avec la protéine Kir4.2 dont le rôle physiologique et le profil d'expression restent très incertains (voir Section Introduction B.II.1.d).

L'objectif de cette étude a été de déterminer le rôle de Kir4.2, seule ou en association avec Kir5.1, dans la physiologie rénale. Pour cela, j'ai analysé le phénotype et la fonction rénale de souris génétiquement invalidées pour Kir4.2 (Kcnj15-/-).

MATÉRIEL ET MÉTHODES N°1