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B. PREMIÈRE ÉTUDE: IMPLICATION DE LA PROTÉINE

II. Rôles physiologiques et physiopathologiques des canaux Kir

2. Rôles des canaux Kir dans la physiologie rénale

a. Revue des sous-unités Kir exprimées dans le tissu rénal

Dans le tissu rénal, des canaux Kir ont été fonctionnellement décrit dans un grand nombre de membranes cellulaires. A l'heure actuelle, une dizaine de sous-unité Kir y ont été moléculairement identifiées et pourraient donc participer à la formation de ces canaux Kir (Hebert et al., 2005; Hibino et al., 2010; Hamilton & Devor, 2012; Welling, 2016).

Parmi les sous-unités Kir rénales se trouvent Kir2.1, Kir2.2, Kir2.3 et Kir6.1 qui sont exprimées dans les cellules vasculaires endothéliales ou musculaires lisses des artérioles glomérulaires et des capillaires péritubulaires. Leurs rôles à l'heure actuelle sont incertains: elles pourraient notamment contribuer à la modulation du tonus des artérioles glomérulaires lors des changements de kaliémie, en permettant indirectement la production du NO par les cellules endothéliales vasculaires (Cao et al., 2007; Chilton et al., 2008; Hibino et al., 2010; Magnusson

et al., 2011; Salomonsson et al., 2017). Certaines de ces sous-unités Kir sont également

exprimées dans d'autres tissus rénaux. Ainsi, un canal Kir2.1 est exprimé dans les cellules de l'appareil juxtaglomérulaire où il permet le maintien d'un potentiel de repos de -60 mV (Leichtle

et al., 2004; Hibino et al., 2010) et son ARNm a été reporté dans les cellules proximales

humaines (Derst et al., 2001b). De même, la présence d'un canal Kir2.3 dans la membrane basolatérale des cellules principales du CC a été montrée par immunohistochimie et patch- clamp (Welling, 1997; Millar et al., 2006). Enfin, la sous-unité Kir6.1 est exprimée dans les mitochondries d'un grand nombre de cellules rénales comprenant celles du CC, du TCD et éventuellement du TP (Brochiero et al., 2002; Zhou et al., 2007; Hamilton & Devor, 2012). Par ailleurs, Kir7.1 est exprimée dans les membranes basolatérales du TCD, du TCN, du CC et dans le TP (Krapivinsky et al., 1998; Ookata et al., 2000; Derst et al., 2001a) et l'ARNm de Kir4.2 a été rapporté dans le TP et le TCD (voir Section Introduction B.II.1.d). Cependant, le caractère primordial de ces 7 sous-unités dans l'établissement de la fonction rénale n'a été mis en évidence, ni par l'utilisation de modèles animaux ni par la découverte de pathologies associées à leurs gènes [Voir Tableau 1] (Hibino et al., 2010; Villanueva et al., 2015; Welling, 2016).

Au contraire, les canaux Kir1.1 et Kir4.1/Kir5.1 sont considérés comme les principaux canaux potassiques des membranes apicales ou basolatérales du néphron distal et sont dotés d'une importance physiologique majeure à ces emplacements (Hebert et al., 2005; Wang et al., 2010; Hamilton & Devor, 2012; Su & Wang, 2016; Welling, 2016).

b. Rôle de Kir1.1 dans la physiologie et la physiopathologie rénale

Kir1.1 est la première sous-unité Kir à avoir été clonée, depuis les reins de rat et d'Homme. L'homotétramère Kir1.1 est plus connu sous le nom lui ayant été initialement donné de canal ROMK ("Rat Outer-Medullary K+"). Au total, six variants d'épissage de KCNJ1 ont

été identifiés, qui codent pour 3 isoformes appelée Kir1.1a, Kir1.1b et Kir1.1c. Les extrémités N-terminales des isoformes a et c sont plus longues de quelques résidus que celle de l'isoforme b (Ho et al., 1993; Shuck et al., 1994; Kondo et al., 1996). Ces 3 isoformes sont exprimées dans les membranes apicales des cellules de la BAL et des cellules principales du CC, mais dans des segments différents: Kir1.1a est exprimée dans le CC cortical et de la médulla externe, Kir1.1b est exprimée de la BAL au CC cortical et Kir1.1c de la BAL au TCD2 [Voir Figure 8, 9 et 14] (Boim et al., 1995; Mennitt et al., 1997; Xu et al., 1997; Kohda et al., 1998; Hebert et al., 2005; Hibino et al., 2010; Wade et al., 2011; Hamilton & Devor, 2012).

L'importance du canal Kir1.1 dans le fonctionnement du néphron a été rapidement souligné lorsque des mutations inactivatrices de KCNJ1 ont été découvertes chez des patients atteints du "syndrome de Bartter" (SB). Ces mutations peuvent affecter la phosphorylation, l'adressage, la stabilité ou les propriétés électrophysiologiques du canal Kir1.1 (Simon et al., 1996a; ICSGFBL, 1997; Jeck et al., 2001; Peters et al., 2003; Hibino et al., 2010).

Figure 14: Schéma du profil d'expression des isoformes de Kir1.1 dans le néphron distal et du couplage des transports de la branche ascendente large (d'après Hibino et al., 2010)

Le SB est généralement transmis par la voie autosomale récessive. Six gènes sont impliqués dans l'apparition de 6 types de SB. Chaque type est causé par l'altération d'un gène encodant pour une protéine de la BAL: l'inactivation de KCNJ1 aboutit au SB de type II. Le SB se caractérise par une diurèse excessive, une natriurèse élevée, une fuite urinaire d'ions Ca2+ et Mg2+, une alcalose métabolique hyperchlorémique et une hypokaliémie. L'ensemble est accompagné d'un taux plasmatique de rénine élevé et d'un hyperaldostéronisme secondaire (Bartter et al., 1962; Deschenes & Fila, 2011; Andrini et al., 2015; Laghmani et al., 2016).

La physiopathologie du SB a pu être mise en évidence chez les souris invalidées génétiquement pour Kcnj1, qui reproduisent le phénotype humain (Lorenz et al., 2002; Lu et

al., 2002). Dans la BAL des souris et des patients, l'inactivation de Kir1.1 réduit la sécrétion

des ions K+ vers la lumière tubulaire d'où ils étaient employés par NKCC2 pour accumuler des ions Na+ et Cl- dans le cytoplasme. L'absence de ce recyclage d'ions K+ provoque une diminution de l'activité de NKCC2: c'est pourquoi le SB mime un empoisonnement au Furosémide et peut être causé par l'inactivation génétique de NKCC2. Indirectement, l'activité de réabsorption du NaCl par la Na+-K+-ATPase et les canaux chorure ClC-K diminue, ce qui réduit l'accumulation d'ions NaCl dans l'interstitium de la médullaire interne ainsi que la ddp transépithéliale lumière-positive qui assurait la réabsorption paracellulaire d'ions Mg2+ et Ca2+ [Voir Figure 14]. La diminution du gradient cortico-papillaire qui s'ensuit provoque une importante diurèse: cela génère transitoirement une hypovolémie qui stimule fortement l'axe RAA. L'hyperaldostéronisme augmente alors dans le néphron distal la réabsorption d'ions Na+, ce qui exagère la ddp transépithéliale lumière-négative et provoque une sécrétion excessive d'ions H+ et K+ (Hebert et al., 2005; Hibino et al., 2010; Deschenes & Fila, 2011).

Cependant, Kir1.1 est lui-même nécessaire à la sécrétion d'ions K+ dans le néphron distal (voir Section Introduction A.III.1). C'est pourquoi le SB de type II provoque transitoirement une hyperkaliémie, avant que l'activation d'autres canaux potassiques apicaux dans le CC ne provoque l'hypokaliémie modérée observée (Peters et al., 2002; Finer et al., 2003; Bailey et al., 2006). De même, les souris invalidées pour l'isoforme Kir1.1a distale ne présentent pas de SB mais une difficulté à excréter une charge importante en ions K+ (Dong et al., 2016). Kir1.1 étant impliqué dans la régulation du bilan urinaire du potassium, il régule à la fois la sécrétion d'aldostérone via la kaliémie et son impact sur la kaliurièse. En conséquence, les régulations de Kir1.1, impliquées dans la physiopathologie du pseudo-hypoaldostéronisme de type II, font l'objet d'intenses recherches (Hadchouel et al., 2016; Welling, 2016; Zhang et al., 2017).

c. Rôle de Kir4.1/Kir5.1 dans la physiologie et la physiopathologie rénale

Les deux sous-unités Kir4.1 et Kir5.1, qui ne possèdent pas d'isoforme, ont été clonées simultanément par plusieurs équipes indépendantes depuis le cerveau ou le rein de rat et d'Homme (Bond et al., 1994; Bredt et al., 1995; Takumi et al., 1995; Shuck et al., 1997). Immédiatement, Kir5.1 fut considérée non-fonctionnelle, jusqu'à la découverte de son association avec Kir4.1 en un canal Kir hétérotétramérique Kir4.1/Kir5.1 possédant des propriétés différentes de l'homotétramère Kir4.1 (voir Section Introduction B.I.2.d) (Bond et

al., 1994; Pessia et al., 1996; Tanemoto et al., 2000; Tucker et al., 2000; Pessia et al., 2001).

La présence dans les membranes basolatérales du néphron distal de canaux Kir a été rapportée très tôt chez le lapin par patch-clamp. Ces canaux possèdent des propriétés compatibles avec celles du canal Kir4.1/Kir5.1 exprimé en système d'expression hétérologue (voir Section Introduction B.I.2.d) (Taniguchi et al., 1989; Hurst et al., 1992). Ces observations ont été renouvelées dans la BAL, le TCD et les cellules principales du CC de souris et de rat, accompagnées de preuves moléculaires de l'expression de Kir4.1 et Kir5.1 dans ces segments (Ito et al., 1996; Lourdel et al., 2002; Paulais et al., 2002; Hibino et al., 2004a; Hibino et al., 2004b; Gray et al., 2005; Lachheb et al., 2008; Zhang et al., 2014; Zhang et al., 2015; Su & Wang, 2016; Su et al., 2016). Finalement, la nature de ces canaux Kir fut confirmée par leur disparition chez la souris génétiquement invalidée pour Kcnj10, le gène encodant pour Kir4.1 (Bockenhauer et al., 2009; Zhang et al., 2014; Zhang et al., 2015; Su et al., 2016).

Dans le TCD, le canal Kir4.1/Kir5.1 est considéré comme l'unique media de la conductance K+ basolatérale des cellules: 2 autres canaux potassiques y ont été immunomarqués, mais seule l'activité de Kir4.1/Kir5.1 y a été reportée (Lourdel et al., 2002; Lachheb et al., 2008). Toutefois, l'importance du canal Kir4.1/Kir5.1 dans le TCD n'est apparue qu'à la découverte du syndrome "SeSAME", pathologie autosomale récessive causée par l'absence d'une sous-unité Kir4.1 fonctionnelle (Bockenhauer et al., 2009; Scholl et al., 2009). Ce syndrome est la conséquence de mutations inactivatrices du gène KCNJ10 aboutissant à la formation d'une sous-unité Kir4.1 immature ou inactive (Sala-Rabanal et al., 2010; Williams et

al., 2010). Mise à part ses composantes extra-rénales (voir Section Introduction B.II.1), le

syndrome SeSAME se présente comme un syndrome de Gitelman causé par l'invalidation de NCC: les patients ont une natriurèse élevée, une alcalose métabolique, un hyperaldostéronisme secondaire, ils sont hypokaliémiques, hypomagnésémiques et hypocalciuriques (Simon et al., 1996b; Bockenhauer et al., 2009; Scholl et al., 2009).

Les souris invalidées pour Kcnj10 développent le même phénotype que les patients SeSAME et meurent d'épilepsie vers 2 semaines de vie. Celles invalidées dans le cerveau seulement meurent en 3-4 semaines et celles invalidées adultes dans le tissu rénal survivent (Djukic et al., 2007; Bockenhauer et al., 2009; Cuevas et al., 2017). L’étude de ces modèles a permis de comprendre la physiopathologie du syndrome: l’absence de Kir4.1 dépolarise la membrane basolatérale des cellules du TCD, qui ne présente plus de conductance potassique. Dans le même temps, Kir5.1 reste intracellulaire et le cotransporteur NCC, réabsorbant le NaCl, est moins actif [Voir Figure 15] (Zhang et al., 2014; Cuevas et al., 2017). Les syndromes SeSAME et de Gitelman sont donc tous deux caractérisés par une altération des transports du TCD1: la natriurèse élevée et l'hypomagnésémie sont imputables aux fuites urinaires de NaCl et de Mg2+ consécutives à l'inactivité de NCC et TRPM6 [Voir Figure 15]. Cette natriurèse occasionne une hypovolémie et une hypotension stimulant l'axe RAA: ENaC plus actif, la sécrétion d'ions K+ dans la lumière du CC est excessive et cause une hypokaliémie (Simon et

al., 1996b; Scholl et al., 2009; Zhang et al., 2014; Su et al., 2016; Cuevas et al., 2017).

L'inactivité du TCD en l'absence de Kcnj10 serait expliquée par un couplage de Kir4.1/Kir5.1 avec les autres transporteurs du segment: le recyclage basolatéral d'ions K+ vers l'interstitium permet l'activité de la Na+-K+-ATPase, donc le maintien du gradient électrochimique apical de sodium et du potentiel de membrane basolatéral. L'ensemble est nécessaire au fonctionnement de NCC et à la sortie d'ions Cl- via ClC-Kb. Or, une faible concentration intracellulaire en ions Cl- autophosphoryle et active des kinases WNK qui activent à leur tour la kinase SPAK. L'absence de Kir4.1/Kir5.1, en augmentant la concentration intracellulaire en ions Cl-, réduirait donc l'activation de NCC par SPAK [Voir Figure 15] (Paulais et al., 2011; Hadchouel et al., 2016; Su & Wang, 2016; Welling, 2016).

Inversement, la BAL et le CC ne sont pas affectés dans le syndrome SeSAME (Scholl

et al., 2009; Deschenes & Fila, 2011; Zhang et al., 2017). Pour cause, dans la BAL un canal

potassique appelé Slo2.2 a été identifié: à l'origine d’un tiers de la conductance basolatérale du segment aux ions K+ (Paulais et al., 2006; Zhang et al., 2015), il est plus actif en l’absence de Kir4.1 et évite ainsi la dépolarisation des cellules (Fan et al., 2015; Su et al., 2016). Dans les cellules principales du CC cortical, Kir4.1/Kir5.1 est le principal canal potassique basolatéral, mais il en existe 2 autres (dont Kir2.3) qui pourraient compenser son absence (voir Section Introduction B.II.2.a) (Hirsch & Schlatter, 1993; Wang et al., 1994; Welling, 1997; Millar et

Figure 15: Schéma de l'altération des transports du tubule contourné distal dans le syndrome SeSAME (d'après Scholl et al., 2009; Welling et al., 2016; Su & Wang, 2016)

L'étude, réalisée au laboratoire, de souris invalidées pour Kcnj16 a révélé qu'en l'absence de Kir5.1, un canal Kir4.1 insensible au pH intracellulaire physiologique est constitutivement actif. Celui-ci hyperpolariserait la membrane basolatérale des cellules du TCD1. Le phénotype complexe des souris fait certainement intervenir d'autres organes (voir Section Introduction B.II.1) ou segments du néphron (voir Section Introduction B.II.1.d). Il comprend polyurie, polydipsie, acidose métabolique hyperchlorémique, hypercalciurie, hypermagnésurie, hyperkaliurie et hypokaliémie. Mais à l'inverse du syndrome SeSAME, l'activité du TCD de souris est excessive: leur acidose métabolique et leur hypercalciurie, traits communs avec le pseudo-hypoaldostéronisme de type II activant le TCD, sont atténués par l'inhibition de NCC. De plus, cette inhibition provoque également chez elles une natriurèse exagérée (Paulais et al., 2011). Récemment, il fut proposé qu'une faible expression rénale de Kir5.1 explique l'hypomagnésémie et l'hypokaliémie de patients atteints d'une maladie rénale tubulo- intersticielle autosomale et dominante (Kompatscher et al., 2017).

Le contrôle par Kir4.1/Kir5.1 de la phosphorylation de NCC aurait un rôle physiologique: Kir4.1/Kir5.1 est stimulé par l'AngII (qui provoque sa phosphorylation), inhibé par la forte concentration interstitielle en ions K+ lors de l'hyperkaliémie et l'activation des WNK réduit l'activité de Kir1.1 (voir Section Introduction B.I.2.c). Donc, lorsque à kaliémie normale l'axe RAA est stimulé, l'activation de Kir4.1/Kir5.1 pourrait augmenter la réabsorption de NaCl par le DCT tout en réduisant sa sécrétion d'ions K+. Ce faisant, peu de NaCl atteint le CC et celui-ci excrète donc peu de potassium (Su & Wang, 2016; Welling, 2016).

3. Revue des pathologies monogéniques associées aux canaux Kir

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III. Rôles et revue des canaux potassiques du tubule proximal