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B. PREMIÈRE ÉTUDE: IMPLICATION DE LA PROTÉINE

III. Mécanisme physiopathologique et rôle hypothétique de Kir4.2

moléculaires et la pRTA isolée chez les souris Kcnj15-/-. Ce mécanisme nécessite de postuler

que les canaux potassiques basolatéraux du TP contribuent à maintenir, via l'activité de la Na+- K+-ATPase, un potentiel transmembranaire négatif. Or, Kir4.2 et Kir5.1 interagissent et sont exprimées à la membrane basolatérale des cellules du TP: elles y forment probablement un canal Kir4.2/Kir5.1. De plus, en l'absence de l'une ou de l'autre, la sous-unité Kir restante n'est pas capable de former seule un canal potassique. Dans ces conditions, chez les souris Kcnj15-/-

ou Kcnj16-/-, l'absence du canal Kir4.2/Kir5.1 basolatéral provoquerait une dépolarisation

membranaire. Plusieurs canaux potassiques étant exprimés à ce pôle des cellules proximales, la dépolarisation serait partielle (voir section Introduction B.III.2.b). De fait, seul le transporteur électrogénique NBCe-1A, dont le potentiel d’inversion est proche du potentiel physiologique de la membrane basolatérale Vm, serait affecté [voir Figure 20] (Soleimani et al., 1987).

Dans le mécanisme proposé, la réabsorption des ions HCO3- intracellulaires par NBCe- 1A serait donc réduite, provoquant une alcalinisation du cytoplasme. Or, l'acidification du pH intracellulaire est le principal moyen de stimulation de l'expression transcriptionnelle des enzymes de l'ammoniogénèse, de NHE3 et potentiellement de SNAT3 (voir section Introduction A.II.4.c). A terme, réduire l'activité de NBCe-1A serait donc capable de réduire l'ammoniogénèse proximale, nécessaire à la sécrétion luminale d'ions NH4+ et à la régénération des ions HCO3- plasmatiques [voir Figure 20] (voir section Introduction A.II.4.b).

Plusieurs points soutiennent que NBCe1-A puisse être affecté par l'absence de Kir4.2. Ainsi, il a été montré récemment que les souris n'exprimant pas NBCe-1A présentent non seulement une fuite urinaire d'ions HCO3- mais aussi, comme les souris Kcnj15-/-, un défaut

d'ammoniurie lié à une réduction de l'expression des enzymes PDG et PEPCK (Handlogten et

al., 2015). À titre de comparaison, les souris Kcnj15-/- développent une pRTA dont l'amplitude

est similaire à celle des souris hétérozygotes invalidées pour NBCe-1A, dont l'expression du co-transporteur est réduite (Gawenis et al., 2007). Le pH urinaire et l'ammoniurie des 2 génotypes sont aussi affectés de manières équivalentes (Handlogten et al., 2015).

Figure 20: Mécanisme physiologique impliquant un canal Kir4.2/Kir5.1 basolatéral dans l'ammoniogénèse proximale (à gauche) et mécanisme physiopathologique hypothétique

Le mécanisme physiopathologique proposé est indépendant de l'origine de la dépolarisation de la membrane basolatérale du TP. Or, Kir4.2/Kir5.1 n'est pas le seul canal potassique basolatéral du TP (voir section Introduction B.III.2.b). Ainsi, de manière cohérente, invalider génétiquement TASK-2 qui est le seul autre canal potassique basolatéral du TP dont le rôle est reconnu, provoque aussi une pRTA. Chez ces souris, la perfusion intraveineuse d'une solution de NaHCO3 a révélé l'existence d'une diminution de la réabsorption tubulaire des ions HCO3- filtrés (Warth et al., 2004). En revanche, l'ammoniurie des souris n'a pas été mesurée. Les auteurs de cette étude ont proposé un mécanisme physiologique par lequel l'activité de TASK-2 serait couplée à celle de NBCe-1A: le co-transporteur, en alcalinisant le pH interstitiel, activerait le canal potassique qui est sensible au pH extracellulaire. Cependant, si TASK-2 est très sensible au pH extracellulaire à potentiel positif, il l'est beaucoup moins à potentiel négatif (Reyes et al., 1998). Le canal potassique Kir4.2/Kir5.1 lui, est fortement activé par une faible alcalinisation intracellulaire (Pessia et al., 2001). Il serait donc capable d'hyperpolariser la membrane basolatérale des cellules du TP lors d'une élévation de la concentration intracellulaire en ions HCO3-. Cela accélérerait la réabsorption des ions HCO3- excédentaires par NBCe-1A et assurerait le maintien d'un pH cytoplasmique suffisamment bas pour stimuler l'ammoniogénèse. En conclusion, cette étude a permis de mettre en évidence que Kir4.2 est uniquement exprimée dans le TP, probablement sous la forme d'un canal potassique hétérotétramérique Kir4.2/Kir5.1 adressé à la membrane basolatérale des cellules. Alors que Kir5.1 n'est pas indispensable à la formation d'un canal potassique impliquant Kir4.1, elle l'est dans la formation d'un canal potassique impliquant Kir4.2. En effet, la maturation de Kir4.2 requiert Kir5.1. L'origine de cette dépendance de Kir4.2 à Kir5.1 n'est pas connue. Il est possible que l'assemblage des deux sous-unités puisse cacher, comme c'est le cas lors de l'association des sous-unités Kir6.x et SUR, des signaux de rétention dans le RE portés par Kir4.2 (voir Section Introduction B.I.2.c). Afin de vérifier si l'association de Kir5.1 à Kir4.2 permet l'adressage de cette dernière, il sera nécessaire d'évaluer in vitro et in vivo le degré d'expression à la surface cellulaire de Kir4.2 avec ou sans Kir5.1. Les régions impliquées dans cette association pourraient ensuite être recherchées in vitro par co-immunoprécipitation de formes tronquées de l'une ou l'autre. Par ailleurs, Kir4.2 étant retenu dans le RE en l'absence de Kir5.1, il serait intéressant de déterminer s'il existe des canaux Kir4.2 fonctionnels dans le RE et s'ils y ont un rôle. Dans ce cas, une expression transcriptionnelle réduite de Kir5.1 baisserait non seulement la quantité de canaux Kir4.2/Kir5.1 présente à la membrane basolatérale des cellules du TP, mais augmenterait aussi la quantité de canaux Kir4.2 exprimée dans le RE.

Quoi qu'il en soit, cette étude a également révélé un rôle de Kir4.2 dans le maintien de l'équilibre acido-basique, certainement via la stimulation indirecte de l'ammoniogénèse. Le mécanisme physiopathologique proposé afin d'expliquer l'ammoniurie faible des souris en l'absence de Kir4.2 demande à être vérifié. En particulier, il faudrait établir, par introduction de microélectrodes sélectives dans des cellules proximales de TP microdisséqués de souris sauvages et invalidées, si l'absence de Kir4.2 ou Kir5.1 provoque une alcalinisation cytoplasmique et/ou une dépolarisation. Toujours à l'aide de TP microdisséqués de souris sauvages et invalidées, il serait aussi nécessaire de montrer que l'absence de Kir4.2 ou Kir5.1 conduit à la disparition d'une conductance potassique basolatérale. Une telle démonstration, réalisée par patch-clamp en configuration cellule attachée, est difficile car le TP, très fragile, se prête mal à ce type d'enregistrement électrophysiologique. Elle permettrait toutefois d'identifier clairement la conductance et les propriétés d'un canal Kir4.2/Kir5.1 in vivo.

Finalement, l'invalidation de Kcnj15 provoque chez la souris une atteinte rénale très particulière appelée une acidose tubulaire rénale proximale isolée ou pRTA isolée. À long terme, cette acidose pourrait, car elle est accompagnée d'une hypercalciurie, aboutir comme le font d'autres acidoses à l'apparition d'une néphrolithiase ou d'une ostéopénie (Sella et al., 2008). Plus important, la perte de fonctionnalité de Kir4.2 pourraient être à l'origine d'une forme familiale de pRTA isolée à transmission autosomale dominante. Afin de le vérifier, il faudrait déterminer si chez les familles atteintes identifiées, au Costa Rica et en Syrie (Brenes et al., 1977; Katzir et al., 2008), les régions codantes de KCNJ15 contiennent des variations de séquence. Une autre approche consisterait à rechercher de telles variations chez des patients présentant une pRTA familiale isolée idiopathique, par collaboration avec Rosa Vargas- Poussou du service de Génétique Humaine de l'Hôpital Européen Georges Pompidou, à Paris.

In fine, les variations génétiques identifiées pourraient être analysées in vitro à l'aide des outils

d'expression hétérologue des sous-unités Kir développés durant cette étude, afin d'évaluer leur impact sur la fonctionnalité de Kir4.2 et/ou son association à Kir5.1.

A l'avenir, l'importance de Kir4.2 dans les transports transépithéliaux du TP pourrait être reconnue, comme c'est le cas, depuis quelques années seulement, pour Kir4.1 dans le néphron distal.

C. SECONDE ÉTUDE: ANALYSE D’UN MUTANT DE

ClC-5 IMPLIQUÉ DANS LA MALADIE DE DENT

INTRODUCTION DE LA 2

NDE

ÉTUDE