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D. Rôles des PG

2. Rôles physiologiques des GAG cellulaires

Les GAG, et surtout les HS du fait de leur localisation ubiquitaire et leur très grande diversité structurale forment la pierre angulaire de nombreux processus cellulaires, notamment en fonctionnalisant et en régulant les protéines avec lesquelles ils interagissent (Figure 31). Du fait de leur nature polyanionique (groupements carboxyliques, sulfates), les GAG se lient majoritairement de manière électrostatique avec leur(s) partenaire(s), mais également grâce aux forces de van der Waals, des liaisons hydrogènes, et par des interactions hydrophobes. Ces interactions ne se font pas uniquement de manière aspécifique, certaines sont même très spécifiques (Capila & Linhardt 2002) (Kreuger et al. 2006). Des motifs d'interaction sur de nombreuses protéines ont été déterminés comme responsable de leur liaison à l'héparine (Hileman et al. 1998). Ces domaines de fixation à l'héparine (HBD) sont constitués de résidus basiques (B) (lysine, arginine et plus rarement l’histidine) pouvant être

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séparés d'acides aminés quelconques (X) et agencés en motifs XBBXBX ou XBBBXXBX (Cardin & Weintraub 1989).

a) Les HS/Hp peuvent provoquer des changements conformationnels : cas de l’héparine dans la coagulation

Le phénomène a été bien étudié dans l’hémostase de par l’interaction d’une séquence précise d’oligosaccharide avec l’antithrombine-III (ATIII), un inhibiteur de sérine-protéase (serpine) (Jin et al. 1997). Cette protéine est présente dans le sang sous une forme non-affine pour la thrombine qui est l’enzyme finale de la cascade de réactions aboutissant à la formation Figure 31 : Schéma des différents rôles physiologiques des protéoglycanes à héparane sulfate. Les HSPG

servent de corécepteurs pour des facteurs de croissance et leurs récepteurs qui sont présents soit sur la même cellule (a) soit sur une cellule adjacente (b). Ils transportent les chimiokines à travers la cellule (c) et les présentent à la surface cellulaire (d). Les processus de shedding des syndécans et glypicans de la surface cellulaire (e) et de clivage des chaines d’HS par l’héparanase (f) libèrent les ligands (tels que les facteurs de croissance). Les HSPG des surfaces cellulaires sont activement endocytés (g) et peuvent être recyclés à la membrane plasmique ou dégradés dans les lysosomes (h). Les HSPG facilitent aussi l’adhésion cellulaire aux MEC (i) et forment des liens avec le cytosquelette (j). Les HSPG sécrétés sont impliqués dans la formation de MEC organisées qui forment des barrières physiologiques (k) et qui séquestrent les facteurs de croissance et morphogènes pour un relargage plus tardif (l). La serglycine portant des chaines d’héparine hautement sulfatées est contenue dans des granules de sécrétion des cellules hématopoiétiques (m). Enfin, certaines expériences suggèrent que des chaines d’HS sont présentes dans le noyau (n) bien que leur fonction dans cet organite reste inconnue. D’après (Bishop et al. 2007).

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d’un caillot de fibrine. En présence d’une séquence de 5 sucres spécifiques (qui comprend une 3-O-sulfatation) retrouvée dans les HS et principalement dans les Hp (1/3 des chaines d’Hp contiennent le motif pentasaccharidique), l’ATIII va interagir avec le motif et la protéine va subir un changement de conformation au niveau d’une boucle, exposant au solvant une arginine critique pour l’interaction avec la thrombine (Figure 32). La thrombine est également

capable de se lier à la chaine d’HS/Hp de manière moins spécifique, favorisant son interaction avec l’ATIII. La thrombine au niveau de ce trimère est totalement inhibée et le phénomène de coagulation ne peut avoir lieu (Li et al. 2004). La puissance de l'effet anticoagulant de l'héparine s'explique également par son interaction directe ou indirecte avec d'autres protéines de la voie de coagulation comme le cofacteur d'héparine II (HCII) et le facteur Xa. La formation des différents complexes aboutissent à l'inhibition de la thrombine via différentes voies, expliquant l'efficacité de l'héparine.

Figure 32 : Changements structuraux de l’ATIII provoqués par l’interaction avec un motif pentasaccharidique particulier de l’héparine (A). Complexe ternaire AT-III–Thrombine–Héparine (B). Structures obtenues par cristallographie aux rayons X. D’après (Li et al. 2004).

B A

58 b) Les HS/CS dans la rétention et protection de protéines

Les GAG présents à la surface des cellules et au niveau de la matrice extra-cellulaire forment une zone d’interaction avec de nombreuses petites protéines comme les facteurs de croissance (Vlodavsky et al. 1991) et les cytokines (Figure 31). Ces dernières possèdent souvent des séquences d’acides aminés basiques (lysines et arginines principalement) disposées de telle manière qu’elles rendent possible l’interaction avec les GAG sulfatés comme vu précédemment. Ces médiateurs vont être ainsi concentrés au niveau de leur lieu de sécrétion par les cellules du tissu. Au niveau des mastocytes, les Hp/CS-E des serglycines contenues dans les granules concentrent également les protéases pouvant intervenir dans des phénomènes d’inflammation lors de stimuli (Humphries et al. 1999).

Une seconde fonction de l’interaction GAG-protéines est la protection de ces dernières vis-à-vis de la protéolyse. En effet, il a été montré que lorsqu’une chaine de GAG interagissait avec le facteur de croissance FGF-2, la chimiokine CXCL12α (ou SDF-1α), la cytokine interféron gamma (IFNγ)… ceux-ci devenaient moins sensibles à l’action de protéases (Saksela et al. 1988) (Sadir et al. 2004) (Lortat-Jacob & Grimaud 1991). En revanche, l’action d’enzymes de dégradation des GAG comme l’héparanase permet de relarguer en solution les protéines qui leur étaient liées, et ces protéines vont alors pouvoir jouer leur rôle, notamment en se liant à des récepteurs cellulaires (Vlodavsky et al. 2002) (Figure 31). Cela va permettre aux cellules d’avoir un contrôle local et temporel sur la disponibilité en cytokines, facteurs de croissance

etc. Ces mécanismes de sécrétion comme, dans le cas de l'héparanase, jouent également des

rôles lors de phénomènes pathologiques, notamment dans la croissance anarchique de cellules tumorales.

c) Les HS comme corécepteurs

Le rôle de corécepteur des domaines NS des HS/Hp dans la signalisation de facteur de croissance a été découvert en parallèle en 1991 par deux équipes (Yayon et al. 1991) (Rapraeger et al. 1991). La famille des FGF (Fibroblast Growth Factors) comprend une vingtaine de membres pour 7 récepteurs cellulaires. L’un des FGF qui a été le plus étudié est le FGF-2 ou FGF basique (bFGF) jouant des rôles dans la prolifération, différenciation et migration cellulaire. Les différents FGF sont capables de se fixer sur plusieurs récepteurs au FGF (FGFR) avec des affinités différentes (Mohammadi et al. 2005) (Figure 31). Toutefois, pour déclencher une transduction de signal à travers le récepteur, celui-ci doit se dimériser, et la fixation d’une chaine d’HS/Hp en plus du FGF est nécessaire. L’oligosaccharide impliqué dans l’interaction va permettre de rapprocher et de stabiliser les partenaires du complexe. Ce complexe est composé d’un dimère FGF:FGFR de stœchiométrie 2:2 avec une ou deux chaines d’HS selon les modèles proposés dans la littérature (Pellegrini et al. 2000) (Schlessinger et al. 2000). Le mode d’interaction du complexe ternaire FGFR:FGF:HS/Hp fait toujours débat mais plusieurs modèles pourraient exister en fonction du type de FGF et du récepteur engagés.

La structure de la chaine de GAG est également importante. Dans le cas de l’interaction FGF2-FGFR1, il a été montré l’importance des IdoA2S dans la fixation de la protéine sur le

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récepteur et de la présence d’une glucosamine 6-O-sulfatée pour la fixation et l’activation efficace du FGFR1 par FGF2 (Pye et al. 1998). Cette interaction engagerait également un oligosaccharide d’une taille minimale de 10 unités osidiques. Au niveau intracellulaire, les parties cytoplasmiques des récepteurs, rapprochées lors de l’interaction, vont pouvoir s’autophosphoryler et déclencher la cascade de transduction du signal. Un modèle de cette interaction est illustré figure 33.

d) Les HS dans la formation de gradients de chimiokines et dans l’inflammation

Le recrutement leucocytaire au niveau de sites spécifiques est un mécanisme clé dans les phénomènes immunitaires en guidant les cellules nécessaires sur les sites d’inflammation, ou d’infection par exemple. Les protéines capables de recruter et guider les leucocytes sont de petites cytokines chimioattractives appelées chimiokines (e.g CXCL12, interleukine-8, …). Ces petites protéines d’une dizaine de kDa possèdent des motifs basiques dans leur séquence Figure 33 : Représentation schématique et structurale d’une interaction FGF-HS/Hp-FGFR et de la cascade de réactions intracellulaires. D’après (Mohammadi et al. 2005).

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primaire ce qui va leur permettre d’interagir avec les HS. La fixation aux HS/Hp se ferait au niveau de clusters selon la chimiokine et sa forme oligomérique (Lortat-Jacob et al. 2002).

Lors d’un phénomène d’inflammation, les macrophages résidants du tissu vont sécréter des chimiokines et cytokines pro-inflammatoires induisant l’expression de molécules d’adhésion (type sélectines) au niveau des cellules endothéliales (Carlos et al. 1990). Les chimiokines vont également diffuser localement au niveau du site de l’inflammation et interagir avec les HS présents. Cette diffusion locale forme un gradient de chimiokines autour du site, la concentration étant de plus en plus réduite à distance du site enflammé. Par transcytose, les chimiokines vont être également présentées au niveau apical des cellules endothéliales, c’est-à-dire au niveau de la circulation sanguine, dans la lumière des vaisseaux (Middleton et al. 1997) (Middleton et al. 2002). Les leucocytes présents dans le sang vont pouvoir s’ancrer à la surface des cellules via les sélectines et suivre le gradient de chimiokines : c’est le phénomène de rolling. Les chimiokines intéragissent également avec des récepteurs leucocytaires activant l’expression d’intégrines ce qui permet aux leucocytes de s’ancrer plus solidement à la surface de l’endothélium (Tanaka et al. 1993) (Rot 1992). S’en suit l’extravasation du leucocyte de la lumière vers la membrane basale au travers des cellules endothéliales : c’est la diapédèse. La matrice épaisse de la membrane basale va être dégradée par les leucocytes pour leur passage en sécrétant des héparanases, dégradant les HS des HSPG (perlécan, agrine…). Cette dégradation va de plus relarguer des cytokines et facteurs de croissance stockés au niveau des HS. Le leucocyte va pouvoir continuer son déplacement au niveau de cette matrice (on parle d’haptotaxie) et se diriger au niveau du site de l’inflammation où il pourra jouer ses rôles (Parish 2006) (Figure 34).

Ainsi, nous avons pu voir quelques rôles physiologiques essentiels des HS qui reposent sur leur interaction possible avec un grand nombre de molécules. Ces interactions permettent de stabiliser, fonctionnaliser (par changement conformationnel, par multimérisation…) les Figure 34 : Schéma d’un guidage leucocytaire vers un site inflammatoire et rôle des HSPG dans les différents stades. D’après (Parish 2006).

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protéines, de s’associer également avec des récepteurs et de déclencher de multiples voies de signalisation ou d’évènements cellulaires.