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Rôle des tanycytes dans le contrôle de la prise alimentaire

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B) L’hypothèse du transport tanycytaire

3.5 Rôle des tanycytes dans le contrôle de la prise alimentaire

La position stratégique des tanycytes à l’interface entre le sang, le LCR et les noyaux hypothalamiques régulant la prise alimentaire a incité de nombreux auteurs à suggérer que ces cellules jouaient un rôle dans la régulation de l’homéostasie énergétique. De nombreuses études récentes ont appuyé cette hypothèse.

3.5.1 Les tanycytes, des cellules glucosensibles

Le rôle des tanycytes dans le métabolisme glucidique a été suggéré dès les années 2000 dans des études montrant l’expression du transporteur GLUT-1 dans les cellules β1 (Harik et al., 1990; Peruzzo et al., 2000). Des marquages immunohistochimiques réalisés dans une étude de Norsted montrent que GLUT1 est également exprimé par les tanycytes β2 (2008). Il a alors été proposé que les tanycytes, à l’instar des astrocytes, pouvaient intégrer le glucose via GLUT1 et le métaboliser en lactate afin d’approvisionner les neurones du NA via les transporteurs MCT (de l’anglais monocarboxylate transporter) (Cortes-Campos et al., 2013). Par ailleurs, ce lactate pourrait également engendrer une réponse dans les neurones glucosensibles des noyaux hypothalamiques voisins (Lam et al., 2005; Song and Routh, 2005).

Les tanycytes expriment également le transporteur de glucose GLUT2 (García et al., 2003), la glucokinase, enzyme spécifique des tissus glucosensibles (Millán et al., 2010), ainsi que certaines sous-unités de canaux potassiques ATP-dépendants (García et al., 2003; Thomzig et al., 2001, 2005). Etant donné que tous ces éléments sont impliqués dans les mécanismes de détection du glucose par les cellules β des îlots pancréatiques (Guillam et al., 1997) et par les neurones glucosensensibles (Kang et al., 2004), plusieurs auteurs ont alors suggéré que les tanycytes pourraient aussi être impliqués dans la détection centrale du glucose. Cette hypothèse a été vérifiée par la suite et plusieurs publications ont montré que des tanycytes pouvaient détecter le glucose. Suite à une application directe de glucose, les tanycytes α augmentent leur calcium intracellulaire et produisent de l’ATP (Dale, 2011; Frayling et al., 2011; Orellana et al., 2012). Les tanycytes pouvant, à l’instar des astrocytes, répondre à différents stimuli comme l’ATP, l’histamine ou l’acétylcholine, par des changements de calcium intracellulaire, l’ATP libéré va agir sur les tanycytes voisins via le récepteur P2Y pour propager le signal (Dale, 2011). La propagation du signal se réalise également via des jonctions GAP (Orellana et al., 2012). Outre le glucose, les tanycytes peuvent aussi répondre aux analogues non métabolisables du glucose comme le 2-desoxyglucose (2-DG) (Dale, 2011, Gotoh et al., 2008). Cependant, le modèle des cellules β pancréatiques ou des neurones GE ne peut être appliqué aux tanycytes. En effet, l’augmentation de calcium dans ces cellules est due à des canaux calciques voltage-dépendants, absents chez les tanycytes. De plus, les tanycytes

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répondent aux analogues non métabolisables du glucose (alors que le métabolisme du glucose est nécessaire dans le premier modèle). Une hypothèse proposée par Bolborea et coll. (2013) quant au mécanisme de détection du glucose par les tanycytes est que le calcium intracellulaire augmenterait via les co-transporteurs glucose-Na+ et l’échangeur Na+/Ca2+, à l’instar des cellules glucosensibles de l’aire hypothalamique latérale (Gonzàlez et al., 2009a), ou via un récepteur membranaire (Ren et al., 2009) (Figure 10).

Figure 10 : Schéma représentant les mécanismes potentiels de détection du glucose par les tanycytes. (A) Détection du glucose dans la cellule β pancréatique. (B) Deux modèles de détection du glucose chez les tanycytes. Le premier modèle (B haut) utilise le co-transporteur glucose-Na+ (1) et l’échangeur Na+/Ca2+ (2), tandis que le second utilise un récepteur membranaire couplé aux protéines G (tiré de Bolberea et al., 2013).

Les conséquences de cette détection du glucose sur la prise alimentaire ont été suggérées dans plusieurs études. En effet, l’hypoglycémie et l’analogue du glucose, le 2-DG, provoquent la phosphorylation de la β-adducine des tanycytes. Cette modification du cytosquelette dans les tanycytes est associée à une augmentation de la prise alimentaire (Gotoh et al., 2008). De plus, une étude menée par Sanders et coll. a montré que l’injection d’alloxane, un inhibiteur de la glucokinase, dans le 3ème ventricule détruit les tanycytes et engendre une perturbation du comportement alimentaire (2004).

3.5.2 Les tanycytes expriment le GPR50

Le GPR50 est un récepteur orphelin homologue aux récepteurs à la mélatonine (MT1 et MT2), mais ne liant pas la mélatonine. Il se dimérise à MT1 et MT2, affectant l’activité du premier mais pas du second (Levoye et al., 2006). Il est exprimé dans l’hypothalamus et en particulier dans les tanycytes (Barrett et al., 2006; Ivanova et al., 2008; Sidibe et al., 2010). Le GPR50 est lié à l’homéostasie énergétique. En effet, il module les voies de signalisation de la leptine (Bechtold et al., 2012) et des corticostérones (Li j 2011). De plus, les souris KO pour GPR50 ont un poids plus faible sous nourriture normale et sont résistantes aux nourritures

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riches en graisse. Cette résistance s’explique par une dépense énergétique augmentée : en effet, elles mangent plus que les souris contrôles mais leur taux métabolique de base est plus élevé (Ivanova et al., 2008). A jeun, les souris KO présentent également des phases de torpeur avec des chutes de leur taux métabolique et de leur température corporelle. Ces phases de torpeur sont associées à une réponse atténuée à la leptine et la suppression de libération de l’hormone thyréotrope (Bechtold et al., 2012). Ces effets seraient liés à la protéine TXNIP (Blouet et al., 2012) : en effet, cette protéine également exprimée par les tanycytes augmente lors des phases de torpeur (Ebling and Samms, 2013) ou chez les souris GPR50-/- (Hand et al., 2013).

3.5.3 Les tanycytes et le système thyroïdien

Les hormones thyroïdiennes sont de puissantes régulatrices de la balance énergétique et du métabolisme lipidique. La déidionase DIO1 à 3 convertit le précurseur de l’hormone thyroïdienne, la prohormone thyroxine T4, en hormone thyroïdienne active, la tri- iodothyronine T3. Dans le cerveau, DIO2 est la forme majoritaire et joue un rôle primordial dans la médiation des effets de l’hormone thyroïdienne sur le SNC (Lechan and Fekete, 2005). Au niveau de l’hypothalamus, cette enzyme est exprimée par les tanycytes : elle est observée au niveau du pôle apical mais aussi au niveau des pieds tanycytaires chez plusieurs espèces incluant les rongeurs (Guadaño-Ferraz et al., 1999; Tu et al., 1997), le poulet (Gereben et al., 2004) et l’homme (Lechan and Fekete, 2004). Les tanycytes expriment également un transporteur des hormones thyroïdiennes T4 et T3, le MCT8 (Herwig et al., 2009). Plusieurs auteurs ont alors émis l’hypothèse que les tanycytes, en contact avec la circulation sanguine et le LCR, pouvaient capturer la T4 de ces deux compartiments, et la transformer en T3 pour la distribuer ensuite aux noyaux hypothalamiques (Lechan and Fekete, 2007). Ainsi les tanycytes joueraient un rôle important dans le contrôle de l’axe thyréotrope (Fonseca et al., 2013) : en effet, la T3 libérée dans l’hypothalamus induit l’inhibition de la synthèse de TRH (Coppola et al., 2005). De plus, la T3 libérée au niveau du NA pourrait également jouer un rôle dans le contrôle de la balance énergétique en augmentant la prise alimentaire (Coppola et al., 2007; Ishii et al., 2008; Murphy and Ebling, 2011). Enfin, les tanycytes synthétisent la pyroglutamyle peptidase 2 (PPII), une métallopeptidase qui inactive la TRH, afin de limiter sa sécrétion dans le sang porte (Sánchez et al., 2009).

3.5.4 Les tanycytes, des progéniteurs au service du contrôle de la prise alimentaire Morphologiquement, les tanycytes ressemblent aux cellules de la glie radiaire, connues en tant que progéniteurs des neurones qui constitueront les noyaux hypothalamiques. L’idée que l’épendyme de l’EM pourrait être une niche neurogènique remonte à une dizaine d’année

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mais ce n’est que récemment que des études ont associé cette compétence proliférative des tanycytes à la régulation de la prise alimentaire.

L’incorporation de BrDu dans les cellules en prolifération a permis l’étude de la prolifération cellulaire dans l’hypothalamus : celle-ci y est importante même à l’âge adulte (Kokoeva et al., 2005). Les neurones possédant très peu de capacité proliférative, cette prolifération cellulaire suggère donc l’existence d’une niche neurogènique. Des études ont montré qu’au niveau de l’épendyme du 3ème ventricule, les tanycytes possédaient des capacités prolifératives (Lee et al., 2012; Pérez-Martín et al., 2010; Xu et al., 2005b). En effet, les tanycytes, notamment les β, expriment des marqueurs de cellules souches comme le FGF10, le BLBP, le Musashi ou encore Sox2 (Haan et al., 2013). De nombreuses publications ont montré que les tanycytes possèdent les facteurs de croissance, leurs récepteurs, et les signalisations intracellulaires nécessaires à la prolifération cellulaire. Le bFGF (Xu et al., 2005b), l’IGF1 (Lee et al., 2012; Pérez-Martín et al., 2010), la doublecortine-like (Saaltink et al., 2012) et le CNTF (Kokoeva et al., 2005) sont connus pour induire la prolifération, tandis que l’acide rétinoïque (Shearer et al., 2012) est connu pour l’inhiber. Or, les tanycytes expriment le CNTF (Severi et al., 2012), la doublecortin like (Saaltink et al., 2012), et l’enzyme RALDH capable de synthétiser l’acide rétinoïque (Shearer 2012). Ils expriment également les récepteurs au CNTF (Severi et al., 2012), à l’IGF1 (Cardona-Gómez et al., 2000), et au FGF (Xu et al., 2005b). La prolifération, notamment des cellules radiaires, est aussi dépendante de la signalisation calcique (Weissman et al., 2004) : or, les tanycytes sont capables de répondre à différents stimuli comme l’ATP en induisant des vagues calciques (Dale, 2011), ce qui pourrait alors intervenir dans leur capacité proliférative. Enfin, ces cellules souches du 3ème ventricule sont capables de donner naissance in vitro et in vivo à des neurones sous l’influence du FGF (Robins et al., 2013) ou à des cellules gliales (Kokoeva et al., 2005).

Le suivi des cellules générées indique qu’elles migrent dans le parenchyme hypothalamique et s’intègrent, en formant des synapses, aux réseaux neuronaux déjà existants (Xu et al., 2005b). Cette prolifération cellulaire au niveau des tanycytes a été associée à la régulation de la prise alimentaire. En effet, certains neurones formés au niveau du ventricule s’intègrent dans les réseaux régulant la prise alimentaire et expriment l’orexine A (Xu et al., 2005b), le NPY ou le POMC (Haan et al., 2013, Kokoeva et al., 2005). De plus, ces neurones néoformés sont capables de répondre à la leptine par une activation pSTAT3 (Kokoeva et al., 2005). Enfin, une nutrition riche en graisse augmente également la capacité proliférative des tanycytes ; tandis que l’inhibition de la prolifération tanycytaire diminue la prise de poids et augmente la dépense énergétique (Lee et al., 2012).

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