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Plasticité des jonctions serrées à l’âge adulte

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Contrairement aux vaisseaux, qui restent relativement stables à l’âge adulte, les JS sont des composants extrêmement plastiques, modulés selon l’état physiologique de l’individu et modulant la perméabilité des barrières sang/cerveau. Par exemple, une étude reporte des modifications de barrière chez la brebis au niveau des PC en fonction de la photopériode. L’expression de l’occludine, de ZO1 et de ZO2 est plus importante en jours courts comparés aux jours longs. Ces résultats suggèrent une augmentation de la perméabilité des PC en jours longs via une régulation des niveaux de protéines de JS (Lagaraine et al., 2011). De même, dans la cornée, le neurotransmetteur substance P induit une augmentation de ZO1 in vitro, suggérant une modulation par des neurotransmetteurs des JS de l’épithélium de la cornée (Ko et al., 2009). Certains cas pathologiques induisent également des ouvertures de la barrière en modulant l’expression, la localisation et la dégradation des protéines de JS comme la sclérose en plaque, l’hypoxie/ischémie, les œdèmes, la maladie de Parkinson, la maladie d’Alzheimer, l’épilepsie, les tumeurs, les glaucomes ou l'encéphalopathie de Gayet-Wernicke.

Dans des situations physiologiques ou pathologiques, la plasticité des JS est due à plusieurs phénomènes tels que des modifications post traductionnelles des protéines de JS qui induisent leur délocalisation de la JS, une modulation de leur synthèse ou encore leur dégradation. De nombreuses études ont montré que les modifications post traductionnelles des protéines de JS, comme la phosphorylation, régulent l’assemblage ou le désassemblage des JS. Par exemple, la phosphorylation de l’occludine sur ses résidus thréonine ou sérine, via la signalisation calcique, permet la stabilisation de la JS tandis que sa déphosphorylation induit sa désorganisation (Rao, 2009). En revanche, une phosphorylation des résidus tyrosine de l’occludine augmente la perméabilité vasculaire lors d’ischémie cérébrale (Takenaga et al., 2009). En particulier, une phosphorylation des résidus tyrosine sur le domaine C-terminal de l’occludine diminue son interaction avec les ZO, engendrant la délocalisation de l’occludine de la JS et sa rupture (Kale et al., 2003). Les autres protéines de JS subissent également des phosphorylations. Par exemple, la phosphorylation de ZO1 module la formation des JS : suite à l’inhibition de la PKC, Stuart et Nigam ont remarqué in vitro une diminution de la TEER due à la déphosphorylation de ZO1 et sa sortie de la JS (1995). Cependant, l’inhibition de la tyrosine phosphatase, qui augmente donc le niveau de phosphorylation de ZO1 sur ses résidus tyrosine, rompt aussi les JS (Staddon et al., 1995). La cinguline ou la protéine 7HA sont d’autres phosphoprotéines constituant les JS dont le niveau de phosphorylation prédit leur localisation au niveau de la JS. Ainsi, la balance entre les protéines kinases (notamment PKC, c-SRC) et les phosphatases (PP2A, PP1), présentes au niveau des JS, est importante dans le contrôle de l’assemblage/désassemblage des JS, et donc de leur perméabilité. Les plasticités de barrière

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peuvent aussi faire intervenir la synthèse de novo ou la dégradation et/ou diminution de

l’expression de protéines de JS. Au niveau de l’épithélium de la cornée, Ko et coll. ont observé in vitro, suite à un traitement à la substance P, une augmentation de l’expression génique et

protéique de ZO1, associée à une augmentation de la TEER. Ce phénomène est sous contrôle de la voie de signalisation calcique et de la calmoduline protéine kinase II (2009). A l’inverse, dans de nombreux cas pathologiques, comme l'encéphalopathie de Gayet-Wernicke (Beauchesne et al., 2009b), une baisse de la quantité d’occludine, de ZO1 et de ZO2 a été observée in vivo. Des dégradations de protéines de JS, telle l’occludine, sont aussi recensées (Antonetti et al., 1999; Murakami et al., 2009).

Ces modulations des JS sont souvent dues à des facteurs de croissance, tels que le VEGF. Injecté de façon chronique en icv chez le rat ou chez la souris, le VEGF induit une perméabilité vasculaire via la rupture des JS (Proescholdt et al., 1999). En 2009, Murakami et

coll. ont montré que le VEGF, dans des cultures de cellules de rétines, pouvait induire une

phosphorylation de l’occludine sur sa sérine 490, induisant ainsi son ubiquitinylation et son internalisation vers les endosomes en vue de sa dégradation. Les radicaux libres modulent également les JS. L’ouverture de la BHE est souvent associée à une augmentation de l’activité de la NOS endothéliale et, par conséquent, à une augmentation des espèces réactives de l’oxygène. Cela entraine un stress oxydatif qui active les PK et inhibe les PP. Par exemple, des études ont montré in vitro qu’un stress oxydatif engendre l’activation et le transfert de la kinase c-SRC à la membrane, et la phosphorylation des résidus tyrosine de l’occludine et de ZO1 (Basuroy et al., 2003; Rao et al., 2002). Ce phénomène induit leur dissociation, leur redistribution et la rupture de la JS. Les espèces réactives de l’oxygène cassent également la BHE par la redistribution d’autres protéines de JS comme la claudine 5, via la PKB, la PI3 kinase et RhoA (Schreibelt et al., 2007). L’ouverture de la BHE est enfin associée à une augmentation de l’activité des métalloprotéinases (MMP). Ces MMP détruisent les membranes basales, rompent par conséquent les interactions entre la matrice extracellulaire et les cellules endothéliales et perturbent l’intégrité des JS (Beauchesne et al., 2009b).

L’ensemble de ces travaux montre que les interfaces sang/cerveau sont très plastiques et suggère par conséquent que des changements hormonaux dus à des déséquilibres énergétiques pourraient eux aussi provoquer une réorganisation des barrières sang/cerveau modulant ainsi les échanges entre ces deux compartiments.

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2.4.3 Plasticité des interfaces sang/cerveau lors de déséquilibres énergétiques

Plusieurs auteurs ont décrit des modifications structurales, concernant les vaisseaux et les JS, ainsi que des modifications fonctionnelles, concernant les systèmes de transport, au niveau des interfaces sang/cerveau lors de déséquilibres énergétiques qu’ils soient physiologiques ou pathologiques. Ces résultats seront présentés dans le cas du jeûne, de l’obésité et du diabète.

A) Le jeûne

Des modifications structurales vasculaires ou de barrière n’ont pas encore été recensées dans la littérature lors du jeûne. Cependant, plusieurs papiers rapportent une perméabilisation des vaisseaux lors d’hypoglycémie. En effet, lors de la rétinopathie diabétique, une maladie associée au diabète, une angiogenèse est observée au niveau de la rétine. Certains auteurs suggèrent que cette pathologie secondaire serait due aux hypoglycémies récurrentes induites par les traitements contre le diabète. Ce phénomène est mis en relation, dans la littérature, avec l’augmentation du VEGF dans le sang induit par l’hypoglycémie (Dantz et al., 2002; Merl et al., 2005) : en effet, l’hypoglycémie augmente l’expression du VEGF (Akiri et al., 1998; Satake et al., 1998), via le facteur HIF-1 (Carmeliet et al., 1998), et stabilise son ARNm (Stein et al., 1995), permettant ainsi l’augmentation de sa synthèse protéique. Cependant, l’origine tissulaire de l’augmentation du VEGF sanguin induit par l’hypoglycémie n’a pas encore été déterminée à ce jour.

Concernant les modifications des systèmes de transport des molécules périphériques vers le SNC lors du jeûne, la littérature est assez riche. Par exemple, la quantité de leptine transportée à travers la BHE diminue avec la famine (Banks, 2003) ou lors de jeûnes répétés (Kastin and Pan, 2000); alors qu’elle ne varie pas (Kastin and Akerstrom, 2001) lors de jeûnes à court terme. Pour la ghréline, Banks et coll. ont aussi montré une corrélation inverse entre le poids et l’accès de la ghréline au SNC suggérant que l’état physiologique de l’individu influençait les taux de transport de la ghréline. Ainsi, lors du jeûne, le passage de la ghréline augmente de 3 fois comparé à la souris nourrie (Banks et al., 2008). Pour l’insuline, son transport est aussi augmenté lors de jeûne ou d’hypoglycémie (Banks et al., 1997a). Enfin, les mises à jeun modifient également le passage de nutriments comme le glucose. En effet, une diminution des niveaux de glucose ont été observé chez les animaux à jeun associée cependant à une augmentation de son assimilation par le cerveau (Cornford et al., 1993b). Cette augmentation de la perméabilité au glucose a aussi été observée chez l’homme lors du jeûne (Hasselbalch et al., 1995). Ce phénomène peut être associé à l’augmentation de l’expression de l’ARNm de GLUT1 lors du jeûne bien que les niveaux protéiques ne varient pas (Cornford et al.,

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1993b; Koranyi et al., 1991). Certains auteurs ont également montré que, suite à des hypoglycémies récurrentes liées au diabète de type 1, le transport du glucose (Criego et al., 2005) et du lactate (Herzog et al., 2013) est augmenté vers le SNC.

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