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Les déséquilibres de la balance énergétique

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B) Acides gras libres

1.3 Les déséquilibres de la balance énergétique

L'homéostasie énergétique n'est pas statique : il s’agit en réalité d’une succession de déséquilibres énergétiques rétablis en permanence vers un état d'équilibre. Concernant le comportement alimentaire, cet équilibre se matérialise grâce à la succession de phases de jeûne et de phases de prise alimentaire.

1.3.1 Le jeûne

Au cours de leur vie, les individus sont sujets à des périodes de jeûne ou d’aphagie, pouvant être physiologiques (entre les repas) ou contraints (indisponibilité de nourriture). Ces périodes de jeûne vont engendrer un déséquilibre de la balance énergétique qui sera rétabli par l’induction d’un comportement alimentaire par le SNC.

Les signaux périphériques décrits dans le paragraphe précédent vont informer le SNC de ce statut énergétique (Figure 2). Ainsi, lors d’un jeûne aigu ou intermittent, les niveaux de leptine, d’insuline et de glucose diminuent. A l’inverse, la ghréline et les AGL augmentent (Becskei et al., 2010; Bi et al., 2003; Johansson et al., 2008; Savontaus et al., 2002). Le jeûne est aussi associé à une augmentation des niveaux de corticostérone (Johansson et al., 2008). Ces

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modifications s’accompagnent d’une perte de poids et de la fonte des tissus adipeux (Becskei et al., 2010; Bi et al., 2003).

Le jeûne modifie également l’expression des récepteurs aux signaux périphériques au niveau central afin de moduler leur action. Ainsi, le jeûne induit une augmentation de l’expression du récepteur à la ghréline dans le NA (Kim et al., 2003; Nogueiras et al., 2004). Quant au récepteur à la leptine, les études sont plus contradictoires : certaines recensent une augmentation d’expression (Adam et al., 2002; Lin and Huang, 1997; Mitchell et al., 2009) ; d’autres non (Bi et al., 2003; Tinoco et al., 2012).

Les variations des niveaux d’hormones et de nutriments, et les modifications d’expression de leur récepteur dans l’hypothalamus, notamment dans le NA, vont engendrer des modifications d’activité neuronale dans ce dernier. En effet, une activation neuronale, observée grâce au marqueur d’activation c-Fos, se produit dans le NA suite au jeûne (Becskei et al., 2008a, 2009a) et peut être inhibée par l’injection de signaux anorexigènes tels que le peptide YY (Riediger et al., 2004) ou le glucose (Becskei et al., 2008b). En particulier, l’augmentation de la ghréline lors du jeûne active les neurones du NA. Cependant, un bloqueur de la ghréline n’inhibe pas totalement l’activation c-Fos induite par le jeûne, suggérant l’intervention d’autres hormones ou nutriments (Becskei et al., 2008a). En effet, la diminution du glucose est aussi ressentie par les neurones GI et participe à l’activation du NA (Hahn et al., 1998; Murphy et al., 2009b). Les populations neuronales du NA touchées par le jeûne sont majoritairement les neurones à NPY/AgRP (Becskei et al., 2008b) et les neurones à POMC/CART (Liu et al., 2012b). Plus précisément, le jeûne et/ou la diminution des niveaux de glucose active les neurones à NPY/AgRP et augmente l’expression de leurs neuropeptides (Bi et al., 2003)(Figure 2). A l’inverse, il inhibe l’activité des neurones à POMC/AgRP et diminue l’expression de POMC (Savontaus et al., 2002). En complément à l’augmentation d’expression de NPY, la diminution du glucose lors du jeûne stimule également sa neurosécrétion (Murphy et al., 2009b). Enfin, le jeûne induit également une plasticité synaptique afin d’augmenter l’activation des neurones à NPY/AgRP et diminuer celle des neurones à POMC (Zeltser et al., 2012).

L’activation du NA a pour but final d’induire un comportement hyperphagique afin de rétablir la balance énergétique. Bloquer cette activation par le peptide YY (Riediger et al., 2004), ou en détruisant la ghréline (Mayorov et al., 2008) par exemple, empêche ce comportement hyperphagique.

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1.3.2 La prise alimentaire : une dérive vers l’obésité

La réalimentation suite au jeûne conduit au rétablissement des niveaux d’hormones, de nutriments et de graisses dans l’organisme. L’augmentation des signaux anorexigènes induite par cette réalimentation va donc engendrer l’inhibition des neurones à NPY du NA : en effet, renourrir un animal avec des régimes contenant des carbohydrates, des protéines ou des graisses stoppent l’activation de ces neurones, tandis qu’une alimentation non calorique n’a aucun effet (Becskei et al., 2009b). En parallèle, ces signaux anorexigènes vont engendrer une activation des neurones à POMC/CART du NA, pour induire par la suite l’arrêt de la prise alimentaire. Ainsi, la leptine bloque la dépolarisation des neurones à NPY en réponse à l’hypoglycémie sur des explants hypothalamiques (Murphy et al., 2009b). De plus, l’injection icv de leptine diminue l’expression de NPY/ AgRP et du récepteur à la ghréline (Nogueiras et al., 2004), et augmente celle de POMC/CART (Fekete et al., 2005). En parallèle, la leptine inhibe également l’action de la ghréline sur les neurones à NPY du NA (Kohno et al., 2008). D’autres signaux anorexigènes agissent sur le NA : l’insuline augmente l’expression de POMC et réduit celle de NPY, tandis que le glucose réduit l’expression de NPY (Fekete et al., 2012). Cependant, Becksei et coll. ont aussi montré que des injections d’hormones anorexigènes en sous cutanée comme la leptine, l’amyline, la CCK, l’insuline ne suffisent pas à stopper l’activation du NA engendrée par le jeûne, suggérant l’implication, en parallèle, des signaux dépendants de l’ingestion (via les influx du nerf vague par exemple) pour inhiber les neurones du NA durant la réalimentation.

Figure 2 : Variations des signaux métaboliques périphériques lors de déséquilibres énergétiques et effet sur les neurones du noyau arqué. Lors d’une mise à jeun ou d’une prise alimentaire, les taux d’hormones et de nutriments varient en périphérie, afin de refléter au mieux l’état énergétique de l’organisme. Ces variations sont principalement détectées par les neurones orexigènes à NPY/AgRP et anorexigènes à POMC/CART au niveau du noyau arqué hypothalamique, afin de réguler la prise alimentaire.

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Cet équilibre énergétique est cependant fragile et peut facilement dériver. En effet, un déséquilibre de la balance énergétique peut se produire en cas d’excès de prise alimentaire ou d’insuffisance de dépenses énergétiques et entrainer le développement d’une obésité. Selon l’organisation mondiale de la santé, l’obésité est définie comme « une accumulation anormale ou excessive de graisse qui présente un risque pour la santé ». Dans notre société occidentale, de plus en plus d’obèses sont recensés chaque année. Bien que des causes génétiques responsables de l’obésité existent (Farooqi and O’Rahilly, 2005), il est admis que l’hyperphagie et le manque de dépenses énergétiques sont les principales causes de cette « pandémie ». Ces personnes obèses présentent une incapacité à réguler leur balance énergétique. En effet, bien que les niveaux de leptine soient élevés du fait de l’augmentation du tissu adipeux, la leptine endogène ou même des injections de leptine exogène ne parviennent pas à engendrer une diminution de la prise alimentaire et une augmentation des dépenses énergétiques : les individus obèses ont développé une « résistance » à la leptine. Ce phénomène, qui se produit également pour d’autres hormones comme la ghréline (Briggs et al., 2010), auraient pour origine l’inaptitude des hormones périphériques à agir sur les neurones du NA, résultant dans un premier temps d’un problème de transport des hormones périphériques vers ce noyau hypothalamique puis d’un problème central lié à une perturbation des voies de signalisation des hormones en question (Lin et al., 2000b).

Afin d’informer le SNC de l’état physiologique de l’individu et des déséquilibres énergétiques qu’il rencontre, les signaux périphériques doivent atteindre les noyaux hypothalamiques, notamment le NA qui joue un rôle clé dans le contrôle de la prise alimentaire. Cet accès des molécules périphériques vers le SNC est une étape primordiale dans la régulation de l’équilibre énergétique étant donné que, dans les cas d’obésité, certains signaux ne semblent plus atteindre leur but. Afin de mieux comprendre comment les molécules périphériques atteignent le SNC, le prochain chapitre sera consacré à la description des interfaces sang/cerveau.

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Chapitre 2. Les interfaces sang-cerveau

Les signaux périphériques régulant la prise alimentaire doivent être intégrés au niveau central afin d’assurer le contrôle de la balance énergétique. Cette intégration va nécessiter un accès des molécules métaboliques périphériques vers le SNC. Cet accès se réalise au niveau de trois interfaces sang-cerveau : la barrière hémato-encéphalique (BHE), les plexus choroïdes (PC) et les organes circumventriculaires (OCVs). Ces interfaces sang/cerveau sont le siège de barrières physiques et métaboliques qui maintiennent une composition stable du liquide céphalorachidien (LCR) et du liquide interstitiel afin d’éviter tout problème de fonctionnement neuronal. Des systèmes de transports spécifiques existent donc au niveau de ces barrières sang/cerveau afin d’assurer l’accès sélectif des molécules périphériques vers le SNC. Ce deuxième chapitre sera consacré à l’étude des barrières sang-cerveau et des moyens d’accès des signaux métaboliques vers le SNC, pour finalement s’intéresser à leur plasticité structurale et fonctionnelle notamment au cours des déséquilibres énergétiques.

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