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Le rôle de la structuration des manuels dans l’articulation des composantes

Chapitre 5 : Synthèse et interprétations des résultats

5.2 Le rôle de la structuration des manuels dans l’articulation des composantes

Nous avons décidé de consacrer une section à la structuration des activités parce que celle-ci a, à coup sûr, une incidence sur les apprentissages, plus précisément sur les liens entre les différentes activités. La structuration d’un manuel peut aussi avoir un impact sur l’utilisation et l’adaptabilité de celui-ci (Spallanzani et coll., 2001).

Les analyses que nous avons faites ont permis de dégager des organisations différentes selon les maisons d’édition. Dans Dazibao, le fil conducteur est très souvent difficile, voire impossible, à suivre dans les séquences des deux ouvrages analysés en raison de la multiplicité des activités proposées. Le propre d’une séquence, c’est de mettre ensemble des activités cohérentes autour d’objectifs didactiques clairs et précis. Comme dans tous les manuels analysés, nous avons observé que les deux manuels Dazibao56 présentent des

activités de lecture, de grammaire et d’écriture. Ces activités sont en principe bâties autour d’un projet : élaboration d’un album encyclopédique, élaboration d’un carnet de poésie, description d’une réalité contemporaine, etc. Pourtant, lorsque nous analysons plus spécifiquement ce qui est fait en lecture, nous constatons que plusieurs activités sont superposées les unes aux autres comme si la quantité permettrait d’atteindre les objectifs poursuivis.

Cette multiplicité d’activités conduit inévitablement à un manque de lisibilité et à des confusions quant aux objectifs clairement poursuivis puisque la multiplication des activités conduit à une multiplication des objectifs spécifiques. Le manuel qui est conçu pour aider à la fois les apprenants et l’enseignant devient alors à notre avis source de confusions. Par exemple, dans le volume A, consacré à la troisième secondaire, nous avons répertorié dans une même séquence dix-sept activités de lecture en plus de l’œuvre intégrale que les élèves doivent lire. Même si ces activités concourent toutes à la réalisation de l’objectif de la séquence, il n’en demeure pas moins qu’il y a un équilibre à trouver entre ce qu’il est souhaitable de faire et ce qui est réellement faisable pour ne perdre ni l’enseignant ni les élèves. La multiplication des activités peut en effet poser problème, car avec trop de choix et les nombreuses contraintes liées aux tâches d’enseignement, les enseignants peuvent rencontrer beaucoup de difficultés pour choisir les activités les plus susceptibles de conduire aux apprentissages visés. Dans un tel contexte, les auteurs du manuel auraient dû proposer

un parcours plus circonscrit afin de faire du manuel un réel support aux apprentissages. Nous considérons donc que les activités de ces deux manuels, au sein d’un même volet, manquent de cohésion. S’il y en a une, elle n’est ni expliquée ni perceptible. Cette approche conduit à faire de certains apprentissages des prétextes pour l’enseignement d’autres notions, car ce qui est recherché, c’est d’amener les élèves par la multiplicité et la répétitivité à s’approprier les caractéristiques textuelles des textes à l’étude.

Notre constat est différent en ce qui concerne la structuration de Portail et de Zones de CEC. L’organisation des séquences dans ces deux manuels favorise une étude des faits de langue dont la maitrise peut permettre une meilleure compréhension des textes lus. Pendant les phases consacrées aux activités grammaticales, on note que les questions posées impliquent des retours dans le texte. Les réponses à celles-ci permettent par ailleurs de faire ressortir ce que les textes ont de singulier. On peut supposer que ces multiples retours dans le texte conduisent dans une certaine mesure les élèves à une meilleure compréhension de celui-ci. Ces retours, sans être l’articulation, peuvent permettre de répondre aux questions laissées en suspens et d’approfondir des aspects qui font la particularité des textes, surtout que dans ces deux manuels les corpus des activités grammaticales sont directement tirés des textes lus.

Conquêtes et Épisodes adoptent une approche sensiblement différente à celle de Dazibao. À chaque extrait sont associées une ou deux activités grammaticales et une activité

d’écriture. Certaines activités langagières paraissent toutefois moins pertinentes pour l’étude et la compréhension des textes. C’est le cas dans la séquence qui porte sur le conte dans

Épisodes. Dans une première activité, les élèves ne font qu’identifier, sans les travailler

finement, les types et formes de phrases. Dans le cadre de la seconde activité grammaticale, ils doivent classer dans un tableau des verbes selon leur mode et leur temps. Ces deux activités qui portent sur les mêmes textes n’ont aucun lien entre elles et ne sont pas de nature à aider les élèves à mieux comprendre les textes qu’ils lisent. On peut même douter qu’ils aient une meilleure compréhension des faits de langue étudiés puisque l’étude de ceux-ci est laconique. Nous pensons que c’est l’association systématique d’une notion de langue à un texte qui produit cette rupture. En effet, dans ces manuels les notions de langue sont abordées dans une progression qui conduit souvent à une incompatibilité entre ces notions prédéterminées et les ressources langagières qui émergent de l’analyse des textes. D’autres

approches peuvent être privilégiées. Par exemple, peut-être serait-il judicieux d’avoir un répertoire de textes et plusieurs notions langagières parmi lesquelles l’enseignant choisirait. L’étude des textes pourrait alors faire émerger les faits de langue qu’il importe d’étudier. Cela donnerait alors une marge suffisante à l’enseignant pour faciliter la médiation entre les apprentissages langagiers et les apprentissages littéraires57. Une telle approche s’inscrit dans

la conception de Lebrun et coll. (2007) qui soutiennent que le manuel est un outil dont l’enseignant peut moduler l’utilisation selon les finalités escomptées. De plus, l’organisation des séquences telle qu’elle est faite dans Conquêtes et Épisodes gagnerait en efficacité si des liens explicites étaient établis pour montrer aux élèves l’utilité de chacun des apprentissages qu’ils font en grammaire pour la compréhension et l’interprétation textuelles par exemple.

En définitive, nous retenons que l’organisation du manuel peut rendre l’articulation de composantes plus difficile à réaliser comme dans Dazibao. Même s’il n’existe pas de modèle idéal, nous pensons que l’approche utilisée par Portail et Zones de CEC pourrait servir de compromis entre les différents manuels analysés notamment en raison de la démarche de va- et-vient entre le texte et les activités langagières. Une telle démarche permettrait en effet de créer des interactions entre les différents apprentissages et d’amener les élèves à avoir une meilleure perception de l’utilité de chacun des apprentissages.