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Chapitre 4 : Analyse des manuels

4.6 Analyse du manuel « Dazibao » des Éditions Modulo (Péladeau (dir) 2007) : 3 e secondaire

4.6.1 Analyse de la séquence « le roman historique »

Cette séquence a pour objectif principal la réalisation d’un album encyclopédique. Pour ce faire, les élèves travaillent sur le roman historique dont la lecture doit leur permettre de découvrir des réalités qui sont en lien avec l’époque décrite. Il s’agit pour eux de découvrir les éléments de continuité et de rupture entre différentes époques. Le parcours qui leur est proposé dans cette séquence comprend quatre phases : exploration, réalisation, bilan et prolongement. Comme dans tous les manuels de cette maison d’édition, on retrouve à travers ces phases des activités de lecture, de langue et d’écriture.

4.6.1.1 La lecture

L’approche privilégiée est le cercle de lecture. L’activité de lecture pourrait être scindée en trois phases : exploration, réalisation et bilan. La phase d’exploration a pour objectif d’amener les élèves à dresser leur propre profil de lecteur avant de choisir le roman qu’ils devront lire et analyser. Ils doivent donc lire une série de courts extraits de romans et préciser ce qu’ils en retiennent. Ces extraits qui varient d’une ligne à un paragraphe sont tirés d’œuvres dont les auteurs sont reconnus pour la qualité de leur écriture. On retrouve des extraits de La littérature et la vie au collégial de Louis Caron, de Comme un roman de Daniel Pennac, d’Études philosophiques d’Honoré de Balzac ou encore d’Écrire de Marguerite Duras. Dans ces extraits, ces auteurs expliquent surtout leur rapport à la lecture et à l’écriture. Les élèves doivent ensuite, à leur tour, exprimer leur rapport à la lecture et à l’écriture et choisir parmi ces extraits ceux qu’ils trouvent intéressants. Cette phase d’exploration comporte une deuxième composante à travers laquelle les élèves travaillent le concept « d’époque ». Puisqu’ils liront un roman historique dans le cadre de cette séquence, les concepteurs du manuel considèrent qu’ils doivent connaitre les différentes façons d’indiquer l’époque ou le moment où l’action se déroule dans un roman. Ici encore, ils doivent lire quatre courts extraits de différents auteurs pour dégager l’époque au cours de laquelle se déroule chacune des histoires de ces extraits. Ils doivent aussi préciser les indices textuels qui leur permettent d’inférer l’époque à laquelle se déroule chaque histoire. Au terme de cette phase d’exploration, ils doivent être capables de définir le mot « époque ».

Durant la seconde phase dite de réalisation, les élèves doivent choisir un roman historique et l’étudier dans le cadre d’un cercle de lecture. Cette phase doit les conduire à la réalisation de l’album encyclopédique qui est le fil conducteur de la séquence.

Avant l’étape du cercle de lecture, ils doivent encore dans cette phase lire de courts extraits dont un tiré de Notre-Dame de Paris de Victor Hugo et dégager les différents éléments qui permettent d’affirmer que ces textes sont historiques (personnages, époques, lieux…) :

 Relevez les personnages fictifs et les personnages réels dans cet extrait (p. 45)  À quelle époque historique ce roman se situe-t-il? Qu’est-ce qui l’indique? (p. 45)  Pourquoi Notre-Dame de Paris est-il considéré comme un roman historique? (p. 45)

Cette activité constitue une amorce pour des notions théoriques sur le roman historique. Dans un encadré d’une demi-page, le manuel dresse les différents éléments qui caractérisent le roman historique.

À cette étape succède la phase du cercle de lecture proprement dite. Pendant la lecture individuelle qu’ils font du roman choisi, les élèves doivent relever certains éléments dont ils discuteront dans le cadre du cercle : époques, personnages, atmosphère, évènements marquants et style de l’auteur. Si, durant la phase d’exploration, certaines de ces notions (époques, personnages, atmosphère) sont travaillées, le manuel reste toutefois muet sur le style de l’auteur. Aucune indication n’est donnée aux élèves. On ne sait donc pas sur quelles bases ceux-ci discutent du style des auteurs des textes qu’ils lisent.

On observe que ces indices sont les mêmes que ceux qu’ils devaient relever dans l’activité préparatoire et aussi dans la phase d’exploration. On peut donc supposer que cette reprise d’activités est voulue pour consolider les apprentissages. Toutefois, dans cette séquence, il se dégage une impression de superposition d’activités juste pour le principe. Cela constitue d’ailleurs une des remarques sur lesquelles nous reviendrons dans notre chapitre interprétatif.

Ainsi, puisque les élèves choisissent différents romans, les questions posées dans le cadre de ce cercle de lecture ne sont pas spécifiques à chaque roman. Elles sont générales ont pour but de faire ressortir les caractéristiques du roman historique :

 À quelle époque et dans quel lieu le roman historique se situe-t-il? (p. 50)  De quelle façon l’époque est-elle identifiée dans le récit? (p. 50)

 Quelles sont les caractéristiques des personnages principaux? (p. 50)  Les personnages sont-ils réels ou fictifs? (p. 50)

 Quels sont les évènements les plus marquants du récit? (p. 50)

Même si la plupart des questions posées ici visent à fournir aux élèves des éléments de compréhension du roman historique, uniquement dans la perspective de la conception de l’album encyclopédique, elles soulèvent des interrogations importantes qui peuvent aussi aider à comprendre l’œuvre elle-même. Il y a donc à la fois un travail sur la forme (caractéristiques génériques) et sur le fond (les faits marquants).

Pour aider les élèves à mieux comprendre le roman historique, certaines notions sont abordées à travers la séquence : les séquences descriptives, les procédés pour décrire, les procédés stylistiques (comparaison, métaphore et énumération), le point de vue dans la séquence descriptive, et les archaïsmes, les régionalismes et les québécismes. Ces notions sont abordées sous forme de capsules théoriques. À l’intérieur de chacune de ces capsules, on trouve de brèves explications sur la notion et un court extrait qui permettrait de voir la notion en contexte. Les élèves ne sont cependant pas invités à faire un quelconque travail pour intégrer ces notions. Nous avons décidé de ne pas les présenter afin de nous consacrer à l’analyse de ce que font les élèves uniquement en lecture.

4.6.1.2 Les connaissances langagières

Le travail langagier de cette séquence porte sur le groupe nominal, plus précisément sur les expansions, sur les cas particuliers de l’accord des déterminants et des adjectifs dans ce groupe. Des notions théoriques qui régissent ces différents accords sont données avec des exemples précis. Il est à noter que ces exemples ne sont pas tirés des différents extraits que les élèves doivent lire dans cette séquence.

Après avoir vu ces notions théoriques, les élèves font un travail grammatical dont l’essentiel se retrouve dans la figure suivante :

Figure 14: Activité grammaticale, Dazibao, manuel de l'élève 3e secondaire, volume A, Français

(Péladeau et coll., 2010, p. 82)

La moitié des questions porte sur des notions vues dans les capsules grammaticales : groupe nominal et groupe adjectival. Le second constat que nous faisons, c’est que l’exercice grammatical porte aussi sur des notions (subordonnée relative, groupe participial) dont il n’est pourtant pas question parmi celles que les élèves étudient dans cette séquence. Par ailleurs, on observe que l’activité est très brève et qu’elle n’est pas de nature à amener les élèves à approfondir ces notions. De plus, nous notons que cette tâche semble totalement décontextualisée, dans la mesure où les questions qui la composent ne permettent pas aux élèves de retourner dans les textes qu’ils lisent. L’extrait sur lequel elle porte semble donc servir de prétexte et non d’objet d’enseignement. Nous pensons en effet qu’un tel travail ne peut être efficient que dans le cadre d’une lecture qui porte sur un même roman pour tous les élèves d’une même classe. Il serait ainsi fort pertinent pour les élèves de mener le travail grammatical dans des extraits du roman lu, car ils effectueraient nécessairement des retours

dans le texte et ils auraient compris le fonctionnement de ces faits de langue dans ces textes qu’ils auraient déjà lus. Cette approche aurait permis ensuite d’aller vers une articulation grammaire-texte à travers une étude de la manière dont l’analyse des textes s’enrichit de ces faits de langue. Finalement, notre dernière remarque porte sur les notions. On observe en effet que celles-ci ne sont pas travaillées finement. Elles sont évoquées, au mieux le travail est superficiel. On peut donc se demander la pertinence d’une telle activité.

4.6.1.3 L’activité d’écriture de cette séquence

Au terme du cercle de lecture, les élèves doivent utiliser les informations qu’ils ont acquises sur les réalités passées pour rédiger un texte visant à présenter la réalité d’une autre époque. Dans la consigne d’écriture, il leur est demandé de se référer au modèle de texte descriptif présenté aux pages 54 et 55 du manuel et de recourir à des groupes nominaux étendus pour décrire avec précision l’époque qu’ils ont choisie. Le manuel donne des consignes pour chacune des trois phases classiques de la démarche d’écriture : planification, rédaction et révision. Ainsi, avant la rédaction, les élèves doivent choisir la réalité historique qu’ils veulent décrire. Ils doivent ensuite relire l’ensemble de leurs notes et rédiger un plan qu’ils soumettent à leurs pairs. Pendant la rédaction, ils doivent entre autres adopter un point de vue objectif, recourir à différents procédés descriptifs pour situer dans le temps et dans l’espace la réalité qu’ils décrivent. Après la rédaction, ils doivent vérifier la pertinence des idées de leur texte en le comparant à leur plan initial et réviser la langue.

4.6.1.4 Ces volets (lecture-langue-écriture) font-ils l’objet d’une articulation à travers les activités qu’ils contiennent?

Dans leur ensemble, les trois activités proposées dans le cadre de cette séquence nous semblent manquer d’articulation. Les notions vues en grammaire ne sont véritablement pas travaillées. Par exemple, dans l’extrait que nous avons présenté plus haut, les élèves doivent repérer des subordonnées relatives et des groupes participiaux. Pourtant, ces notions semblent sortir de nulle part, car elles ne sont préalablement pas abordées dans la partie consacrée aux notions de grammaire. Les rédacteurs du manuel n’expliquent pas non plus en quoi ces notions seraient importantes à ce moment précis. Quant au travail sur les groupes

nominal et adjectival, il est lacunaire et expéditif. Ce que les élèves font réellement, c’est de l’identification. Cette activité n’est ni de nature à favoriser une meilleure maitrise des faits de langue étudiés ni de nature à aider à une meilleure compréhension d’un texte quelconque. Surtout que dans cette séquence, l’élève choisit lui-même le roman qu’il veut lire.

Dans ces circonstances, il devient difficile de prévoir une activité grammaticale qui traite de faits de langue qu’on peut approfondir dans ces romans. Cet écueil aurait pu être évité si les rédacteurs avaient eux-mêmes rendu disponible une liste de romans parmi lesquels les élèves devaient choisir ou si le roman à lire était commun. Les rédacteurs auraient également pu exploiter les extraits de textes que les élèves lisent pendant les phases exploratoires. Cela aurait donné plus d’attrait à ces activités grammaticales, qui nous semblent en définitive décontextualisées. En effet, s’il est vrai que les notions théoriques sont bien expliquées, on note toutefois que l’exercice de réinvestissement est parfois peu élaboré. Il n’est pas de nature à amener les élèves à consolider leurs acquis, encore qu’il traite de notions non abordées, parce que les activités sont très peu élaborées et dans tous les cas décontextualisées.

Toutefois, nous observons que le travail effectué en lecture peut permettre aux élèves de saisir les caractéristiques du roman historique. Le travail sur l’époque, les personnages et les évènements permet aux élèves de saisir différentes réalités en lien avec les époques décrites. En ce sens, nous pensons que la lecture permet de dégager les caractéristiques47

génériques du roman historique, et que l’écriture permet l’appropriation de ces caractéristiques, car les élèves les réinvestissent. Il y a donc de fait une volonté d’articuler l’activité de lecture à l’activité d’écriture.

L’analyse de ces manuels de niveaux différents et de maisons d’édition différentes nous a permis de voir la manière dont les activités proposées sont organisées et de dégager des points communs entre les mêmes maisons, quel que soit le niveau d’études, et de grandes différences selon les éditeurs. Dans le prochain chapitre, notre réflexion portera sur ces ressemblances et dissemblances. À terme, nous essaierons de dégager les conceptions de l’articulation telles que nous les percevons à travers cette analyse.