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Quelles conceptions de l’articulation se dégagent des manuels analysés?

Chapitre 5 : Synthèse et interprétations des résultats

5.3 Quelles conceptions de l’articulation se dégagent des manuels analysés?

Ces analyses nous conduisent à trois constats : les manuels de Grand Duc, malgré une volonté de créer des liens entre les différentes composantes, présentent des activités de lecture et de langue non articulées; les manuels de CEC accordent une primauté au repérage lexical et à la littérarité des textes; ceux de Modulo élaborent des séquences avec de nombreuses activités qui nous semblent manquer de cohésion. Alors, quelles conceptions de l’articulation dégageons-nous des manuels analysés?

57 Par exemple, dans le cadre de l’étude des contes, il aurait été pertinent d’étudier les figures de styles

Conquêtes et Épisodes des Éditions Grand Duc

Pour Conquêtes et Épisodes de Grand Duc, nous avons surtout observé que les apprentissages visés en lecture (à savoir connaissance du schéma narratif, travail sur les caractéristiques des personnages et connaissance des caractéristiques du conte) sont mis à profit dans des projets d’écriture qui viennent clore les activités des séquences. On note ainsi que les connaissances acquises en lecture sont mises à profit pour développer les compétences en écriture des élèves. Nous faisons donc le constat qu’il y a de la part des rédacteurs de ces manuels une volonté de créer des interactions entre la lecture et l’écriture. Cette volonté se matérialise par les liens, même discutables, faits entre ces différentes composantes. Toutefois, il est impossible de dire que le travail proposé en lecture ou en écriture peut permettre aux élèves d’acquérir ou d’approfondir des connaissances langagières, car celui-ci semble peu approfondi. Aussi, les rédacteurs des manuels n’invitent pas les élèves à s’appuyer sur leurs apprentissages langagiers pour mieux écrire. En effet, comme Boivin et Chartrand (2005, p. 5), nous pensons que la maitrise de la langue peut aider les élèves à mieux penser et à mieux apprendre puisque celle-ci comprend une dimension communicationnelle.

Bref, l’analyse de ces deux manuels permet de considérer l’articulation comme un processus qui vise uniquement à créer un lien unidirectionnel entre les activités propres à la grammaire et celles propres à la lecture et à la production textuelle, car très souvent le travail grammatical qui suit la lecture ne permet pas une étude plus approfondie du texte. L’essentiel du travail consiste donc à passer progressivement de la lecture aux activités grammaticales dans un premier temps, puis des activités de grammaire à celles d’écriture. Il y a donc une linéarité qui fonde la logique de la progression des activités. Cette linéarité se caractérise par l’organisation de la séquence qui rend difficile le retour de la grammaire au texte une fois que l’étude de celui-ci est terminée. Aussi, l’activité d’écriture intervient comme une sorte de conclusion de la séquence. Or, elle devrait permettre de convoquer l’ensemble des notions vues à la fois en grammaire et lors de l’étude du texte.

Portail et Zones de CEC Éditions

Le constat auquel nous avons abouti pour Conquêtes et Épisodes de Grand Duc est sensiblement différent de celui que nous avons fait des analyses de Portail et Zones de CEC. Nos observations dans ces deux manuels montrent en effet une volonté claire des rédacteurs d’établir des ponts entre les différentes activités que contient chaque séquence. Toutes les séquences analysées présentent des liens entre les différents apprentissages à réaliser. Les activités de lecture, qui offrent une grande place à l’étude de la littérarité des textes, comportent des pistes de lecture qui sont, selon nous, de nature à prédisposer les élèves à une meilleure réception et à une meilleure compréhension du texte. Elles comportent aussi des capsules lexicales qui pourraient permettre à l’élève d’approfondir sa compréhension globale, car celles-ci portent sur la compréhension de petites unités dont la connaissance est importante pour la compréhension de l’ensemble du texte. C’est le cas dans les quatre séquences analysées dans ces deux manuels. Toutes les autres que nous ne présentons pas dans le cadre de ce mémoire sont construites sous ce même angle. En somme, dans ces manuels, on part des activités de lecture vers le travail langagier d’une part, et ce travail langagier permet de revenir dans les textes à l’étude puisque ceux-ci servent de corpus. On observe également que le travail langagier est beaucoup plus approfondi qu’il ne l’est dans les autres manuels, car les notions sont travaillées finement avec des activités suffisamment élaborées. Une telle approche didactique correspond à ce que Coirault et David (2011) appellent une démarche ascendante et descendante. En effet, on observe une démarche d’étude qui se caractérise par des va-et-vient entre l’identification et la compréhension des procédés lexicaux et linguistiques vers une compréhension-interprétation du texte. Cette démarche est de nature, selon nous, à favoriser l’articulation des différentes composantes de la classe de français, car elle permet d’établir des liens clairs entre les différents contenus d’apprentissage.

Toutefois, dans ces manuels, en plus d’être très peu élaborées, les activités d’écriture ne comportent pas de consigne claire qui inviterait expressément les élèves à exploiter

l’ensemble des ressources langagières vues. Le seul lien perceptible avec l’écriture est relatif au fait qu’elle implique le transfert des caractéristiques génériques du texte étudié.

En somme, ces manuels conçoivent l’articulation comme des démarches interactives entre lecture-grammaire et lecture-écriture. Toutefois, le lien gagerait à être plus explicite entre les activités langagières et celles d’écriture pour aboutir à une articulation lecture-grammaire- écriture.

Dazibao des Éditions Modulo

Finalement, pour Dazibao (4e et 3e secondaires), nos analyses nous permettent de

faire le constat que les rédacteurs accordent peu de place à des activités articulées. L’ensemble des séquences sont bâties autour d’un projet précis. Les activités de lecture se déroulent sous forme de cercle de lecture et sont suivies d’activités grammaticales portant sur des notions dont on peut discuter les choix. De plus, celles-ci sont très souvent décontextualisées, car elles s’appuient sur un corpus qui n’est pas tiré des textes lus. De toute façon, il ne pouvait en être autrement puisque les élèves lisent différents romans. Les activités de lecture, d’écriture et de langue proposées servent donc, dans la plupart des cas, de prétexte à la réalisation du projet.

Par ailleurs, nous comprenons que le recours au cercle de lecture comme méthode de lecture rend sans doute difficile une quelconque articulation lecture-grammaire. En effet, puisque les élèves choisissent et lisent des livres différents, il devient difficile pour le manuel de proposer des activités grammaticales qui tiennent compte des particularités langagières de ces corpus.

En résumé, ces manuels conçoivent l’articulation davantage comme une superposition d’activités de lecture, de grammaire et d’écriture, sans lien apparent, visant uniquement la réalisation d’un projet pédagogique. Il y a donc clairement une tendance à privilégier l’acquisition de caractéristiques génériques, au détriment d’une cohésion entre l’ensemble des composantes des séquences analysées. Cela découle sans nul doute de l’approche des projets pédagogiques, puisque les apprentissages y sont organisés en fonction de la tâche visée. Tout ce que les élèves font dans le cadre d’un projet pédagogique tend donc à les ramener vers celui-ci qui devient l’alpha et l’oméga, minimisant ainsi l’importance des savoirs et savoir-faire qui peuvent résulter des différents apprentissages réalisés dans le cadre plus global du projet. En effet, dans un projet, le produit final du projet eut être perçu à tort comme l’élément le plus important de la séquence. Cette tendance pourrait dans une certaine mesure

renforcer chez les élèves une propension à minimiser les différents apprentissages au détriment du produit final. Toutefois, ce propos est à nuancer, car dans certaines séquences de ces manuels les connaissances langagières étudiées sont de nature à favoriser la compréhension du texte. C’est le cas dans la séquence qui porte sur la poésie engagée. Nous sommes d’avis qu’il était pertinent d’étudier les types et formes de phrase pour amener les élèves à analyser la portée du discours du poète. Nous avons cependant regretté que cette étude ne soit pas menée de façon approfondie.

5.4 Quelles sont les implications des difficultés liées à l’articulation sur la formation