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Le rôle protecteur des polyphénols dans les maladies neurodégénératives

Depuis quelques années, du fait du caractère multifactoriel de la MA rendant difficile la mise en place de thérapies efficaces, les antioxydants d’origine alimentaire sont devenus une piste de recherche dans la communauté scientifique car ils pourraient vraisemblablement participer à la défense de l’organisme contre le stress oxydant et ses conséquences, mais également car ce sont des molécules ayant par ailleurs plusieurs autres actions bénéfiques.

Les recherches se concentrent sur l’effet des polyphénols et leurs effets bénéfiques sur la « neuroprotection » dans le cas de la MA. Ainsi de nombreux polyphénols connus pour leurs propriétés antioxydantes et anti-inflammatoires ont été étudiés pour leurs effets sur l’agrégation et la désagrégation du peptide Aβ. De nombreuses études cliniques utilisant le resvératrol dans le cadre de plusieurs pathologies ont été menées, dont une en 2014 dans le but d’évaluer l’intérêt thérapeutique du resvératrol sur la MA. Il s’agissait d’une étude clinique de phase II conduite aux Etats-Unis par le National Institute of Aging sous le titre « Resveratrol for Alzheimer’s disease » et qui a donné lieu à 2 publications (Sawda et al., 2017 ; Turner et al., 2015). Cette étude randomisée, réalisée chez des personnes atteintes de la MA légère à modérée, a duré 52 semaines et a comporté 119 participants recevant soit le placebo soit le resvératrol à la dose initiale hebdomadaire de 500 mg par voie orale, avec une augmentation de la dose par paliers de 500 mg toutes les 13 semaines, jusqu’à la dose de 1 g 2 fois par jour. Une IRM cérébrale et la collecte du LCR et du plasma ont été réalisées à l’inclusion et après la fin du traitement. Les résultats de cette étude ont montré que le resvératrol stabilisait de manière significative la baisse progressive des taux d'Aβ1-40 dans le plasma et le LCR chez les patients traités par le resvératrol par rapport aux patients non traités. Des résultats similaires mais non significatifs ont été décrits pour l’Aβ1-42 (Turner et al., 2015). De même, les niveaux plasmatiques de marqueurs pro-inflammatoires, tels que l’IL-1r4, l’IL-12P40, l’IL-12P70 et TNF-α, ont été réduits dans le groupe traité avec le resvératrol. Cependant, il a été décrit chez les patients traités par le resvératrol une perte du volume cérébral plus importante que les patients traités par le placebo mais cette observation qui semble défavorable n’a pas pu être expliquée (Turner et al., 2015). De plus, aucun effet n’a été observé concernant la protéine TAU phosphorylée dans le LCR. Ainsi, bien que le resvératrol semble avoir des effets sur le SNC, cette étude qui manque de résultats significatifs n'indique pas nécessairement un bénéfice clinique.

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Durant la première année de ma thèse, nous avons réalisé une revue bibliographique sur le rôle des polyphénols dans l’agrégation des protéines impliquées dans la MA mais également dans la MP (α synucléine), ces deux maladies ayant pour point commun de présenter des dépôts protéiques toxiques au niveau du cerveau des personnes atteintes. Cette recherche bibliographique a conduit à la publication de la revue invitée « Natural polyphenols effects on protein aggregates in

Alzheimer’s and Parkinson’s prion-like diseases » (Freyssin et al., 2018). Nous avons notamment

répertorié les effets décrits dans la littérature des différents polyphénols sur la formation des fibrilles d’Aβ et la mise en place des plaques amyloïdes (figure 21).

Figure 21 : Effets des polyphénols sur l'agrégation du peptide amyloïde dans la maladie d’Alzheimer

D’après (Freyssin et al., 2018)

Ainsi, de nombreux polyphénols comme le resvératrol, la curcumine ou l’EGCG sont décrits comme inhibant in vitro l’agrégation du peptide amyloïde. Ces propriétés inhibitrices passent par l’intermédiaire d’une interaction directe des polyphénols avec le peptide amyloïde. In vivo, des polyphénols comme la curcumine, la myricétine ou l’acide rosmarinique ont montré des propriétés neuroprotectrices en réduisant les niveaux d’Aβ et la formation des plaques notamment dans des modèles de souris Alzheimer. Ces polyphénols, lorsqu’ils sont injectés par voie intrapéritonéale

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(i.p), atteignent le parenchyme cérébral (Caillaud et al., 2019). Ils peuvent ainsi se lier aux plaques amyloïdes et réduire leur formation. De plus, certains polyphénols auraient la capacité de réduire l’hyperphosphorylation de la protéine TAU dans la MA. C’est notamment le cas de l’EGCG, décrit pour sa capacité in vitro à se lier à la protéine TAU sur son site de phosphorylation avec une affinité élevée et pouvant ainsi modifier la structure tridimensionnelle de cette protéine, conduisant à l'inhibition de son agrégation.

Bien que le resvératrol et ses dérivés aient été décrits comme ayant de nombreuses propriétés bénéfiques in vitro, une approche in vivo prenant en compte le métabolisme et la biodisponibilité des polyphénols au sein de l’organisme reste primordiale scientifiquement.

Dans ce cadre, nous avons réalisé une deuxième revue bibliographique ciblant les effets bénéfiques des stilbènes d’origine naturelle dans des modèles animaux de la MA. Cette recherche bibliographique a conduit à la publication de la revue « Natural stilbenes effects in animal models

of Alzheimer’s disease » (Freyssin et al., 2020).

Ainsi, cette revue de la littérature a permis de répertorier les effets bénéfiques du resvératrol et de ses dérivés naturels (figure 22). Nous avons constaté que les modèles animaux étaient principalement des souris ou des rats mais demeuraient multiples. En effet, certaines études utilisaient des souris transgéniques exprimant l’APP et / ou PS1 avec des mutations familiales de la MA. D'autres modèles de souris décrits dans cette revue présentaient des symptômes de la MA induits par injection intracérébroventriculaire d’Aβ25–35 ou par injection de lipopolysaccharide (LPS) directement dans l'hippocampe (injection bilatérale) ou par injection i.p. Des modèles de la MA sporadique, qui sont des souris à vieillissement accéléré ont également été décrits. Enfin, les études qui ont utilisé des rats induisaient la MA par une injection d'Aβ25-35 dans le ventricule latéral de ces animaux ou par une ovariectomie combinée à un traitement avec du D-galactose. Les effets étudiés portaient également sur des paramètres très variables, tels que la charge et les dépôts amyloïdes, la neuroinflammation, la mort neuronale, la phosphorylation de TAU, les marqueurs du stress oxydant et l’intégrité de la BHE. Quelques études s’intéressaient à l’effet de ces stilbènes sur les troubles mnésiques ou le déclin cognitif. Mais nous avons pu constater que les effets in vivo de certains stilbènes n’avaient jamais été étudiés ou publiés.

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Figure 22 : Effets bénéfiques des stilbènes naturels dans des modèles animaux de la MA

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