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On ne connaît pas encore de façon précise la cause de l’apparition des lésions. Il est pourtant certain que l’âge joue un rôle essentiel. A cela, deux conditions non modifiables de facteurs de risque s’ajoutent : le sexe et la prédisposition génétique. Les femmes sont le plus souvent atteintes car elles vivent plus longtemps et sont donc naturellement plus exposées à exprimer la MA. A cela s’ajoute un déficit œstrogénique observé à la ménopause qui serait responsable d’une augmentation des dépôts amyloïdes. (Scheyer et al., 2018). De plus durant la première partie du XXème siècle, en raison d’un niveau d’éducation plus faible que celui des hommes, les femmes étaient considérées plus vulnérables face à la MA. La MA est divisée en deux catégories : les formes familiales ou génétiques, qui sont extrêmement rares (moins de 1 % des cas) et les formes sporadiques représentant environ 99 % des cas (figure 10).

Figure 10 : Causes et facteurs de risque des deux formes de la MA

La première, familiale, est due à des mutations de gènes codant pour des protéines ayant la particularité d’intervenir à différents niveaux de la cascade amyloïde. Ces mutations, dont la pénétrance est dite « complète », sont causales car dans les familles concernées, la présence de la mutation transmise par un des parents entraine immanquablement le développement de la maladie chez l’enfant qui en est porteur. Les formes sporadiques, quant à elles, peuvent être favorisées ou au contraire partiellement prévenues par de nombreux autres facteurs notamment environnementaux (figure 10).

31 1.4.1 Les formes familiales ou génétiques

Les formes familiales de la MA résultent de mutations de plusieurs gènes (figure 10).

Rappelons que c’est le docteur Alois Alzheimer qui identifia en premier la forme génétique de la maladie au début du XXème siècle. En effet, sa patiente Auguste Deter, était touchée par une forme familiale de la maladie, caractérisée par une mutation du gène PSEN1 (Müller et al., 2013), localisé sur le chromosome 14 et codant pour la protéine préséniline 1 (PS1). Les mutations associées à ce gène sont les plus fréquentes dans les formes précoces de la MA (Ringman et al., 2014). La PS1 forme le noyau catalytique du complexe enzymatique de la γ-sécrétase, constitué d’au moins 3 autres protéines (Farmery et al., 2003) : Aph-1 (Anterior pharynx defective 1 homolog), Pen-2 (Presenilin enhancer 2) et la nicastrine (NCT) (figure 11).

Figure 11 : La préséniline dans le complexe de la γ-sécrétase

D’après (Walter, 2015)

Cette enzyme, associée notamment à la cascade amyloïde est un élément clé dans la production du peptide amyloïde. Les mutations du gène PSEN1 augmentent ainsi l’activité catalytique du complexe et donc la quantité d’Aβ générée (Jiang et al., 2018 ; Scheuner et al., 1996). Plus d’une centaine de mutations ont été décrites sur le gène PSEN1, elles sont dominantes et représentent près de 80 % de tous les cas de formes familiales de la MA.

Un autre gène codant pour une protéine ayant la particularité d’intervenir au niveau de la cascade amyloïde présente également des mutations génétiques. Il s’agit du gène PSEN2 localisé sur le chromosome 1 et codant pour la préséniline 2 (PS2). La protéine PS2 possède 67 % d’homologie avec la PS1 et est aussi impliquée dans la production du peptide amyloïde (Jiang et al., 2018 ; Steiner et al., 1999). Cependant, la PS2, exprimée plus tardivement que la PS1 au cours du développement embryonnaire murin (Lee et al., 1996) est peu exprimée dans le cerveau mais l’est surtout dans les tissus périphériques. Actuellement 13 mutations sur le gène PSEN2 ont été recensées et elles représentent seulement 6 % des cas de MA d’origine génétique. Près de 70 %

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d’entre elles ont une pathogénicité avérée alors que pour les autres, des données complémentaires sont encore nécessaires pour garantir leur caractère pathogène.

Enfin, les mutations du gène APP, localisé sur le chromosome 21 et codant pour le précurseur APP, ont été mises en évidence pour la première fois en 1991 (Goate et al., 1991). Actuellement, 24 mutations considérées pathogènes sur le gène APP ont été répertoriées et concernent environ 9 % des familles touchées par une forme familiale de la MA.

1.4.2 Les formes sporadiques

Les formes sporadiques de la MA ne résultent pas d’une mutation génétique et apparaissent plus tardivement. La fréquence de la MA augmente en raison d’un allongement de l’espérance de vie et d’un vieillissement de la population générale (figure 10).

Il peut exister un facteur génétique de susceptibilité, le polymorphisme du gène codant pour l’apolipoprotéine ε (ApoE). Cette dernière est une protéine majoritairement synthétisée par les hépatocytes et de façon moindre par les astrocytes. Elle est impliquée dans le transport lipidique, le métabolisme du cholestérol et l’inflammation (Pitas et al., 1987). Cette protéine existe sous différentes isoformes nommées ε2, ε3, ε4. L’expression de la forme ε3 est la plus fréquente (environ 80 %), tandis que la forme ε4 s’accompagne d’un plus grand risque de développer la MA (Corder et al., 1993 ; Theendakara et al., 2018). En effet, la présence d’un allèle ε4 augmente de 3 à 4 fois la probabilité de développer la maladie alors que l’expression des deux allèles, ce qui concerne environ 1 % de la population générale, l’augmente de 12 fois. Le rôle physiologique de cette protéine dans la MA n’est pas clairement établi mais elle serait impliquée dans la régulation de la transcription du gène APP (Lee et al., 2017a). De plus, il a été démontré que les concentrations protéiques de TAU dans le LCR des patients porteurs de cet allèle sont plus élevées (Han et al., 2010). Un autre facteur génétique de susceptibilité concerne le gène TREM2 localisé sur le chromosome 6. Ce gène code pour une protéine libérée dans l’espace extracellulaire en tant que variant soluble (sTREM2) qui participe à l’activation de la réponse immunitaire dans la microglie. Dans un modèle de souris transgénique de la MA, une augmentation d’expression de TREM2 a été observée dans la microglie entourant les plaques amyloïdes et les neurones comparativement à des souris sauvages (Raha et al., 2017). Des mutations de ce gène ont été associées à un risque 5 fois plus élevé de développer une MA. En effet, l’analyse du gène TREM2 par séquençage a permis de montrer un excès de mutations du gène TREM2 chez des patients atteints de la MA par rapport à des patients témoins (Cheng et al., 2016). De plus, la présence du sTREM2 dans le LCR de patient Alzheimer a été démontrée (Henjum et al., 2016) et a permis

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d’envisager cette protéine comme biomarqueur potentiel de l’activation microgliale, retrouvée au cours de la MA, à un stade précoce (Suárez‐Calvet et al., 2016).

D’autres facteurs non génétiques sont aussi régulièrement associés à l’apparition de la MA sans qu’aucun lien de causalité n’ait été établi avec certitude (Hersi et al., 2017). Il s’agit des facteurs de risque cardio-vasculaire (hypertension artérielle, diabète, tabagisme, obésité), des facteurs d’expositions environnementales (métaux ou agents physiques et chimiques), des facteurs nutritionnels (excès d’acides gras polyinsaturés ω6, déficit en vitamine B12) et des accidents cérébraux (traumatismes crâniens répétés). Il est de plus en plus établi que le contrôle des facteurs de risque cardio-vasculaire influe efficacement sur la diminution du risque de développer une démence. En effet, en 2018 une équipe de chercheurs a établi que l’absence d’altérations cardio-vasculaires était associée à un faible risque de démence et à une diminution du déclin cognitif chez des sujets âgés (Samieri et al., 2018). Par ailleurs, le niveau de scolarisation et la nature de l’activité professionnelle sont déterminants dans le risque de développer la maladie. La stimulation cognitive permettra l’établissement et la persistance de connexions synaptiques abondantes qui garantira le retard du déclin cognitif observé dans la MA. Cette observation scientifique est tirée de l’étude mondialement connue « Nun Study » (Snowdon, 2003).