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Chez l’humain, la protéine APP est codée par un gène situé sur le chromosome 21, identifié pour la première fois en 1987 par plusieurs laboratoires indépendants (Thinakaran and Koo, 2008). Cette protéine existe au moins sous trois isoformes, APP 695, APP 751 et APP 770, résultant d'un épissage alternatif de l'exon 7 et de l'exon 8 (figure 12). L’APP 695 est la forme la plus abondante dans le cerveau et est principalement présente dans les neurones (Belyaev et al., 2010), tandis que les deux autres isoformes de l’APP sont principalement présentes dans les cellules gliales, telles que les astrocytes. L'isoforme APP 770 existe également dans les cellules endothéliales vasculaires cérébrales et peut être à l’origine de la libération du peptide Aβ et par conséquent, conduire à un dépôt d'Aβ sur les parois vasculaires cérébrales. Ce phénomène est à l'origine de l'angiopathie amyloïde cérébrale retrouvée chez plus de 80 % des patients atteints de la MA (Kitazume et al., 2010). L’APP est composée d'un grand domaine extracellulaire (N-terminal) qui fonctionne comme un motif d'adhérence cellulaire régulant l'interaction et la migration des cellules. Ce domaine constitue environ 88 % de la masse protéique totale. Ces interactions intercellulaires sont importantes dans les premières phases de développement pour la genèse de jonctions synaptiques (Nalivaeva and Turner, 2013 ; Soba et al., 2005).

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Figure 12 : Structure de l’ARNm et des trois principales isoformes protéiques de l’APP

(Laumet, 2010)

Dans le cerveau, la protéine APP est impliquée dans la migration cellulaire, la synaptogenèse et la plasticité synaptique. Elle joue donc un rôle crucial dans le développement, la maturation du cerveau et le fonctionnement du réseau cérébral (Korte et al., 2012). L’APP peut subir un traitement protéolytique via deux voies majeures : la voie non-amyloïdogène, considérée comme la voie physiologique du métabolisme de l’APP ne libérant pas de métabolites toxiques et la voie amyloïdogène, dérégulée dans la MA et qui conduit à la production massive d’Aβ (figure 13).

Figure 13 : Représentation schématique des deux voies de catabolisme de la protéine APP

35 1.5.1 La voie non amyloïdogène

Dans cette voie physiologique, la protéine APP est clivée successivement par 2 enzymes protéolytiques, l'α-sécrétase et la γ-sécrétase. La première fait partie de la famille des métalloendopeptidases également appelées ADAM (A Disintegrin And Metalloprotease Domain) (Haass et al., 2012). Parmi ces protéases, ADAM10 est considérée comme une protéase clé dans le catabolisme de l’APP car elle permet d’initier le clivage non-amyloïdogène de l’APP (Prox et al., 2013). Ce clivage donne naissance à un large fragment soluble, sAPPα, relargué dans le milieu extracellulaire et un autre fragment membranaire, le peptide C83 ou α-CTF (C-Terminal Fragment). Ce dernier fragment est dans un second temps clivé par la γ-sécrétase, qui mène à la production du peptide P3 dans le milieu extracellulaire et le domaine intracellulaire AICD (APP Intra Cellular Domain) rapidement dégradé dans le milieu intracellulaire. Parmi les substrats de la γ-sécrétase, le récepteur NOTCH est particulièrement important. En effet, cette protéine est essentielle au développement embryonnaire et sa déplétion conduit à des désordres importants qui sont létaux au cours de l’embryogenèse (Conlon et al., 1995). Chez les personnes ne souffrant pas de la MA, la voie non-amyloïdogène clive près de 90 % de l’APP mature, les 10 % restants étant catabolisés par la voie amyloïdogène (Ahmed et al., 2010). La proportion relative de ces deux voies cataboliques est inversée dans la MA.

1.5.2 La voie amyloïdogène

Dans cette voie physiologique, l’APP va dans un premier temps être clivé par la β-sécrétase (BACE1 (Beta-site APP cleaving enzyme 1)) donnant naissance à un fragment soluble sAPPβ et un autre fragment membranaire β-CTF ou aussi appelé C99. Le site de clivage de l’APP par la β-sécrétase a été identifié en 1999 et actuellement, aucune mutation directement impliquée dans le développement de la MA n’a pu être identifiée sur le gène codant pour cette enzyme (Moussa, 2017). Bien que dans des conditions non pathologiques, BACE1 soit présent presque exclusivement dans les neurones, une augmentation des taux de BACE1 a été rapportée dans les astrocytes de patients souffrant de la MA (Hartlage-Rübsamen et al., 2003 ; Rossner et al., 2005). Par ailleurs, dans le cerveau des patients atteints de la MA, les taux de BACE1 sont nettement plus élevés dans 50 % des cas. Une augmentation des taux de BACE1 a également été démontrée dans des modèles murins de la maladie (Haass et al., 1995 ; Luo et al., 2016). Une augmentation anormale de la concentration de BACE1 dans le LCR pourrait donc être un biomarqueur précoce de la MA (Evin et al., 2010 ; Fukumoto et al., 2002). C’est dans un deuxième temps que ce fragment membranaire C99 est à son tour clivé par la γ-sécrétase qui libère le domaine

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intracellulaire AICD et le peptide Aβ. Deux formes majoritaires du peptide Aβ de 37 à 43 acides aminés sont produites par ce clivage de la γ-sécrétase : l’Aβ1-40 (comportant 40 acides aminés) dont la production est majoritaire (environ 80 %) et l’Aβ1-42 (comportant 42 acides aminés), qui s’agrège plus facilement (Takahashi et al., 2017). C’est l’agrégation de ces peptides Aβ dans le milieu extracellulaire qui est à l’origine de la formation des plaques amyloïdes (O’Brien and Wong, 2011).

1.5.3 La cascade amyloïde

C’est en 1992 que John Hardy et Gerald Higgins ont proposé l’hypothèse de la cascade amyloïde comme origine de la MA (Hardy and Higgins, 1992). Cette hypothèse met en son centre le peptide Aβ comme initiateur de la cascade pathologique survenant dans la MA (Hardy and Allsop, 1991). Dans cette étude, John Hardy et son équipe ont découvert que certains cas de formes familiales de MA sont provoqués par des mutations présentes sur le gène APP et conduisent à une production accrue de l’Aβ1-42. Par ailleurs, les individus porteurs d’une trisomie 21 et ayant donc une copie supplémentaire partielle ou non du gène APP, ont une probabilité plus élevée de développer une MA autour de 50 / 60 ans. Une production trop importante du peptide Aβ serait donc à l’origine du développement de la pathologie chez ces patients (Reiss et al., 2018 ; Selkoe, 1991). Dans les formes sporadiques de la MA, ce ne sont pas des mutations qui déclenchent la survenue de la pathologie, mais là aussi, l’augmentation d’Aβ1-42. Cet élément unifie donc les deux formes possibles de la maladie, conduisant à l’hypothèse du peptide Aβ toxique qui, sous forme de fibrilles, cause des défauts synaptiques et homéostasiques dans les cellules. L’agrégation de l’Aβ en plaques amyloïdes va ensuite causer l’activation des cellules gliales ainsi qu’une réponse inflammatoire délétère dans le cerveau. Cette cascade mène in fine à la formation de DNFs dans les neurones suite à la dérégulation synaptique observée dans le phénomène d’excitotoxité glutamatergique lié à la MA (figure 14).

En effet, il a été mis en évidence que des mutations du gène TAU pouvaient être à l’origine de démences, mais il s’agit alors de démences fronto-temporales, avec la présence d’agrégats de cette protéine mais une absence de plaques amyloïdes. Les DNFs apparaîtraient donc suite aux lésions amyloïdes (Bloom, 2014 ; Hardy et al., 1998).

Cependant cette hypothèse amyloïde, longtemps considérée comme le paradigme dominant de la recherche sur la MA, a montré au fil des années quelques limites et est encore à ce jour débattue au sein de la communauté scientifique (Ricciarelli and Fedele, 2017). Dans une étude de 1991, des DNFs ont été observées dans le cerveau au cours du vieillissement normal dans la partie interne

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du lobe temporal (Hauw et al., 1991). A 50 ans, près de la moitié des sujets normaux avaient déjà des DNFs au sein du cortex temporal. Ces sujets n’avaient pas de troubles cognitifs quand ils sont décédés et rien ne permet de savoir s’ils auraient développé la MA plus tard. La MA débute-t-elle donc par une généralisation des modifications de la protéine TAU au sein des neurones ou par l’apparition des plaques amyloïdes au sein du cortex cérébral ? L’hypothèse aujourd’hui retenue serait une interaction entre les deux phénomènes. L’apparition des plaques amyloïdes dans le cortex cérébral serait l’élément déclencheur qui aurait pour effet d’activer la pathologie TAU et d’entrainer son explosion en dehors des régions temporales internes et donc à l’origine de l’apparition des symptômes de la MA.

Figure 14 : Version actuelle de la cascade amyloïde

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