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PARTIE 2 RETOUR D’EXPERIENCE DE NANTES METROPOLE

3.3. U N CHANGEMENT D ’ ECHELLE QUI INTERROGE LE ROLE DES ACTEURS DES SERVICES URBAINS

3.3.1. Le rôle du politique

3.3.1.1. Quelles responsabilités, quels pouvoirs ?

Au niveau de la puissance publique, nous avons vu que les élus ont la responsabilité de garantir les exigences en terme de salubrité publique, de santé publique, de protection de l’environnement… Afin d’assurer ses fonctions, ils disposent de certains outils : prescription, contrôle et sanction.

Comme détaillé dans les schémas ci-dessus, le politique peut aussi choisir soit de définir un gestionnaire général, soit d’accompagner les différents gestionnaires. Le choix de l’une ou l’autre de ces options aura des impacts en termes des modes de financement. Dans les deux cas, le politique peut faire varier la manière dont est répartie l’argent public, soit par l’intermédiaire des subventions, soit en jouant sur le curseur impôt-redevance. On peut citer l’exemple des transports publics.

D’autre part, en tant membre d’une entité organisatrice ou en tant que maîtrise d’ouvrage, le politique peut mener des actions de politiques publiques : on peut par exemple citer les projets de ZAC ou de réseaux de chaleur gérés par la collectivité. Par son emprise sur le territoire et en tant que représentant d’un grand nombre de personnes, le politique peut lancer des aménagements de taille suffisamment conséquente pour que cela soit clairement visible. A travers ces projets, il envoie un message à la population : augmentation du nombre de logements sociaux, valeurs écologiques (réseau de chaleur biomasse), diversification de l’offre jusque là en situation de monopole (fibre optique)…

Il se positionne alors sur le choix de l’opérateur et la définition du contrat avec ce dernier. On peut supposer que plus l’entité organisatrice est centralisatrice plus les impacts des choix des politiques touchent un grand nombre d’usagers et ont donc un effet important du point de vue de la communication. Une entité organisatrice publique peut ainsi constituer le support privilégié d’une politique publique : l’annonce d’une tarification sociale de l’eau est un message politique qui ne peut être mis en place facilement que si la gestion est centralisée. Le choix de l’opérateur peut aussi renvoyer à une certaine idéologie politique : le choix d’un opérateur privé ou public n’est pas neutre. L’entité organisatrice devient alors un instrument, un outil de politique publique non négligeable. Si le développement des techniques décentralisées se poursuit, il faudra alors réfléchir à inventer des outils permettant de réaliser des politiques publiques que la technique utilisée soit centralisée ou non. Le choix de la gestion centralisée générale quelque soit la technique paraît répondre à cette difficulté mais certains inconvénients ne peuvent être ignorés. Une trop grosse structure comme une organisation publique peut conduire à des déséconomies d’échelles du fait notamment de la lourdeur des obligations annexes qui ont un impact négatif sur l’efficacité du service. Le témoignage des gérants des AFUL des réseaux de chaleur en est le reflet. Il est en de même à l’échelle du particulier qui sera potentiellement plus réactif en cas de dysfonctionnement de son système.

Une gestion centralisée conduit à limiter le nombre d’opérateurs pour éviter de multiplier le nombre de contrat à gérer et peut donc conduire à la fermeture de petites entreprises.

Le politique doit définir dans quels cas une plus grande marge de liberté peut être laissée à l’initiative privée. Par exemple, on peut se demander s’il est nécessaire d’avoir une organisation collective pour l’élimination des déchets verts.

La gestion publique peut aussi amener le politique à devoir statuer sur des points techniques précis annexes qui ne sont pas forcément de sa compétence (comme parfois dans le cas d’opérateurs publics). Cette forme d’organisation peut alors être moins propice à inciter le politique à avoir une approche plus globale.

3.3.1.2. Le politique doit définir le but de l’action publique dans un cadre plus global

L’action publique dans la fourniture de service conduit bien souvent le politique à interagir avec des échelles d’espace et de temps décorrelées de celles de son champ d’action. Certains enjeux plus globaux peuvent impacter les modalités de l’action publique locale.

Le politique doit notamment comprendre les intérêts de chacun des acteurs comme les entreprises/opérateurs dont l’action ne se limite pas à l’échelle du territoire politique et, doit essayer de les mettre en adéquation avec les exigences de l’intérêt général. On peut notamment citer le cas du cadre réglementaire environnemental qui crée de nouvelles opportunités pour les entreprises privées (Coutard & Le Bris, 2008) (Bing, oct 2009). Le renforcement des attentes en termes de qualité, de protection de l’environnement, la duplication des infrastructures associées aux techniques décentralisées conduisent à augmenter le coût global de la fourniture des services et encouragent la mobilisation de financements privés. Les exigences normatives et les solutions techniques associées permettraient alors de concilier protection de l’environnement et croissance économique (Coutard & Rutherford, 2013). La prise en compte des exigences environnementales dans le modèle économique est de plus en plus souvent mentionnée. Le modèle basé sur la rémunération à la quantité distribuée étant mis en péril par la baisse des consommations, certains encouragent la mise au point d’un nouveau modèle économique basé sur le concept de pollueur-payeur inversé, c'est-à-dire la rémunération des ressources sauvegardées et de la préservation des milieux. C’est ainsi que dans l’approche carbone et gaz à effets de serre, on parle d’émission évitée. Il s’ensuit aussi des propositions de modèles économique basés sur l’usage et non plus la quantité vendues (eau, énergie) ou traitées (déchets) (Coutard & Le Bris, 2008) (Bing, oct 2009) : on n’achète plus une voiture mais un bon pour se déplacer.

Le politique doit s’intéresser à ces considérations nouvelles car elles peuvent potentiellement avoir des conséquences indirectes sur l’atteinte des objectifs de la puissance publique. Dans ce contexte, les opérateurs d’eau par exemple expliquent la facturation de l’eau au m3 n’est pas adaptée à l’intégration paramètres environnementaux et sociaux dans le prix. Or dans la juridiction française, le paiement d’une redevance par m3 d’eau consommé est lié au principe de « L’eau paye l’eau » : « Ce dispositif

constitue un instrument de transparence et de saine gestion budgétaire : il évite de fixer les tarifs à un niveau supérieur à celui qui aurait permis d’équilibrer le budget du service, dans le but d’alimenter le budget général de la commune par le reversement d’excédents et, inversement, empêche de financer le budget du service par le budget général de la commune. Ce principe “l’eau paie l’eau” a été confirmé par le principe de récupération des coûts de la directive-cadre européenne sur l’eau du 23 octobre 2000 » (Ministère du développement durable,

2009). Dans l’intérêt général, ce principe paraît approprié et évite des dérives comme par exemple l’utilisation de l’argent public pour des travaux de modernisation d’une usine de production hors proportion au regard des exigences de qualité. Il pourrait être dans l’intérêt des opérateurs de supprimer le principe de « l’eau paye l’eau ».

D’un autre côté, il est inutile de stigmatiser les opérateurs et entreprises privées qui participent activement à l’économie du pays et garder à l’esprit que « […] ces groupes quasiment inconnus il y a

trentre ans, sont aujourd’hui devenus des leaders mondiaux dans leur secteur. On devrait s’en réjouir, or la réalité est toute autre ». (Lorrain, 2000)

Les décisions politiques ne se limitent donc pas au territoire et doivent intégrer les logiques des différents acteurs.

De même, les décisions politiques engagent la collectivité sur un temps souvent très long généralement largement supérieur à la durée du mandat des élus qui est de 6 ans.

Les services techniques et l’usager doivent pouvoir trouver leur place dans le processus de décision, le seul droit de vote étant insuffisant pour s’assurer que les politiques intègrent les impacts sur le long terme des actions publiques.