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PARTIE 1 ANALYSE DU DEVELOPPEMENT DES SERVICES URBAINS

1.4. D ES PREMIERES ETUDES SUR LES TECHNIQUES DECENTRALISEES A LA CONSTRUCTION D ’ UNE

1.4.1.

Eléments ressortant des premières études sur les techniques décentralisées

Plusieurs critiques à l’encontre des réseaux conduisent à remettre en cause cette solution technique de fourniture de services urbains :

- ils s’inscrivent dans une logique de l’offre

- ils conduisent à rechercher préférentiellement des sources d’approvisionnement concentrées et présentes en grandes quantité

- ils ont participé à l’invention des déchets à extraire de la ville

- l’extension non réfléchie du réseau conduit à des aberrations économiques et environnementales

D’autre part, des études mettent en exergue une apparente opposition entre le vocabulaire illustrant la logique du réseau lié à un métabolisme linéaire et celui du développement urbain durable se référant à un métabolisme circulaire qui se définit comme durable (Coutard, 2010).

Figure 11 : Illustration de l’opposition existante entre le vocabulaire lié au réseau et celui lié au techno-écocycle urbain durable (Source : Coutard & Rutherford, 2013)

Bien qu’attrayantes, les techniques décentralisées ne sont néanmoins pas exemptes de défauts ne serait-ce pour les seuls critères environnementaux : la multiplication des ouvrages à réaliser pour produire et stocker les ressources constitue un premier bémol de taille vis-à-vis des performances environnementales des techniques décentralisées (Souami, 2009). Inversement, l’analyse historique a montré que le processus d’équipement des villes en réseau est en partie lié à des considérations environnementales comme l’amélioration des conditions sanitaires des villes.

Les techniques décentralisées conduisent d’ailleurs généralement à ne pas rejeter le réseau et bel et bien plutôt à l’utiliser (réseau en secours, intégration d’une structure locale dans une structure plus large, émergence de doubles réseaux..) et suivent bien souvent les mêmes logiques que celles ayant contribuées à l’essor des réseaux (économies d’échelle..).

On se dirigerait alors plus vers une diversification des systèmes techniques de services urbains et non vers une remise en cause générale de la solution réseau en faveur des techniques décentralisées (Coutard, 2010).

L’analyse effectuée dans les pays en voie de développement conduit, pour des raisons de difficultés d’universalisation des réseaux à la même conclusion : « la construction de systèmes de fourniture

différenciés voire composites pourrait ainsi, sous réserve d’une régulation d’ensemble, substituer une diversité «ordonnée» de branchés à une pluralité incontrôlée de malservis » (Jaglin, 2004).

Concernant les critiques formulées à l’encontre des réseaux, il semble exister une marge de manœuvre à explorer pour y répondre. Par exemple, structure en réseau et surconsommation ne vont pas forcément de pair comme le montre les disparités de pratiques dans divers pays équipés de réseaux. Les instruments normatifs, économiques et politiques peuvent semble-t-il conduire à limiter les « effets

pervers d’incitation à une consommation excessive » permise par la technique en réseau (Coutard, 2010).

Une recherche de complémentarité et d’intégration avec les techniques décentralisées peut constituer une autre piste étant donné leur pertinence dans certains contextes. Quelques travaux de recherches s’intéressent à ce sujet et conduisent bien souvent à de nombreux questionnements qui ne se limitent pas à interroger les aspects environnementaux (et économiques) des techniques décentralisées. L’étude des modalités d’une construction d’un système de services urbains composite ouvre un champ de recherche à saisir :

« La question de savoir comment penser, et le cas échéant concevoir et faire advenir, des changements radicaux dans ces grands systèmes techniques reste largement ouverte » (Coutard, 2010)

« Même si elle est perçue comme un effet quasi définitif de la remise en cause des modèles traditionnels de prestation de service de base, la ‘ville post-réseau’ constitue un processus émergent, systémique, ouvert au dialogue et à la critique et qui reste donc à inventer » (Coutard & Rutherford, 2013)

…Et porteur de plusieurs interrogations concrètes renvoyant à divers aspects :

« Comment les tarifs sont-ils fixés, révisés et approuvés ? » « Comment les systèmes décentralisés peuvent-ils formés des réseaux cohérents ? » (Leflaive, 2009)

« Les systèmes décentralisés participent-ils alors d’une remise en cause ou d’un renforcement des services publics ? » (Isnard, 2014)

« Quelle mutualisation des coûts ? » « Quelles solidarité et système de redistribution ? »

« Qui fixe les normes et contrôle leur application ? » « Qui planifie et assure la cohérence ? » « Quelle échelle de gouvernance ? » « Qui inclure dans la gestion et la discussion stratégique ? » « A qui profite le changement? »

(Treyer, nov 2013) (Treyer & Isnard, juin 2013)

On se rend compte que les points soulevés sont directement liées au cadre complexe qui s’est construit autour de la technique en réseau et qui n’est pas forcément adapté à l’intégration des techniques décentralisées : on parle de critères économiques et environnementaux mais aussi des modalités de financement et de gestion, de construction de solidarités socio-spatiales, de préconisations sanitaires, d’interactions entre acteurs, du rôle des pouvoirs publics… La compréhension des modalités du fonctionnement global des réseaux et des services publics paraît bien constituée un pré requis nécessaire à l’étude des techniques décentralisées.

1.4.2.

Construction d’une problématique

Les techniques décentralisées des services urbains renvoient à plusieurs terrains d’analyse :

- En tant que techniques, elles rentrent en concurrence et/ou complètent les techniques centralisées et réseaux associés existants dans un contexte économique, environnemental, social, institutionnel particulier.

- En tant qu’instrument de fourniture de services urbains, elles relèvent des services publics et du cadre s’y rattachant notamment en ce qui concerne les interactions usager – puissance publique

L’analyse historique des services publics et des services urbains a permis de comprendre la manière dont ils se sont construits en intégrant les différents volets techniques, organisationnels et institutionnels.

Les recherches bibliographiques sur les réseaux et les différents cadres conceptuels associés qui ont été étudiés conduisent d’autre part à mieux appréhender la portée générale d’une décentralisation des techniques.

L’analyse a notamment montré que « système en réseau et forte participation des pouvoirs publics » vont souvent de pair. On peut donc supposer que le développement des techniques décentralisées et leur

articulation avec les réseaux auront un impact sur les modalités de gouvernance urbaine et formuler l’hypothèse suivante : en tant qu’acteurs centraux dans le choix des modes de gestion et de financements des services urbains, la puissance publique d’un côté et l’organe politique de l’autre doivent s’approprier le sujet de décentralisation des services urbains.

La problématique consiste alors à essayer de comprendre quel est l’impact d’un changement

d’échelle des techniques sur les modalités de gestion et de financement des services urbains et de définir les différentes alternatives possibles.

D’autre part, à travers l’étude bibliographique précédente, nous avons pu voir que ce changement d’échelle suppose de bien poser les nuances existantes entre bien commun, service public etc... Les notions de communauté, collectivité et société qui renvoient à différentes échelles et à différentes modalités de mise en place de règles communes se retrouvent interrogées. Si l’on suppose que l’on veut défendre la notion de service public (Barraqué, 2013), il peut être intéressant de mieux

comprendre en quoi un changement d’échelle des techniques fragilise sa mise en œuvre opérationnelle et de cibler les éventuels leviers permettant de rendre compatible service public et techniques décentralisées. Dans le cadre de l’étude de l’apparition de nouvelles techniques pouvant

prendre la place de celle du réseau, que deviennent le rôle et le poids de l’autorité gouvernante organisatrice sans les réseaux ?

Enfin, on peut s’interroger sur l’impact du changement des échelles des techniques sur les

mécanismes de prises de décision.

Afin d’apporter des éléments de réponses à cette problématique, qui peut être synthétisée par la question « Quels impacts d’une décentralisation des techniques sur la mise en œuvre des services publics en

termes de gestion, suivi et prise de décision? », nous avons interrogé plusieurs personnes de différents

services techniques de Nantes Métropole qui sont d’ores et déjà confrontées à des situations concrètes de décentralisation des techniques de fourniture de services urbains.

Eclairés par l’étude bibliographique réalisée, l’objet du mémoire est de croiser les différents témoignages pour en extraire les points communs, de les ordonner et de les organiser dans le cadre de la problématique explicitée.