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PARTIE 2 RETOUR D’EXPERIENCE DE NANTES METROPOLE

2.7. D ES POINTS COMMUNS AUX DIFFERENTS SERVICES URBAINS

Comme nous avons pu le constater dans les différents chapitres de cette partie, les exigences réglementaires et les pouvoirs polices du Maire structurent la plupart des services urbains. Il en est de même pour ce qui concerne les notions de propriété et les conséquences en termes de gestion et financement. Nous allons voir, dans les paragraphes suivants, que bien que ces différentes notions soient souvent considérées comme clés, elles n’en restent pas moins floues.

2.7.1.

Les exigences réglementaires et le pouvoir de police du Maire

Les services urbains sont régis par des normes comme le code des collectivités territoriales, le code de la santé publique, le code de l’environnement… et ces normes ont bien souvent mis le Maire (ou le préfet suivant les cas) en charge d’assumer les responsabilités relatives à ces exigences normatives : il s’agit par exemple de la salubrité publique, de la santé publique, de la sécurité.

Le pouvoir de police du Maire est notamment décrit dans le code des collectivités territoriales ainsi que le code de la santé publique.

On entend par pouvoir de police du Maire le pouvoir de réglementer et le pouvoir de contraindre. Dans la cadre du pouvoir de réglementer, on peut distinguer :

- le pouvoir de fixer des règles d'organisation du service dans un règlement (eau, assainissement, déchets)

- les prescriptions particulières fixées par arrêté qui s'imposent aux tiers Cependant cette distinction n’est pas toujours facile.

Concernant le pouvoir de contraindre, le processus à enclencher en cas de non respect de la réglementation est le suivant :

-

constatation de l'infraction par des agents assermentés

-

exécution d'office si une loi le permet ou saisine du juge qui pourra décider de la suite à donner, et notamment de l'exécution d'office ou de la condamnation à des sanctions financières ou pénales

L’étendue et la mise en œuvre des pouvoirs de police du Maire restent assez floues et changeantes. Ces imprécisions sont d’ailleurs pointées du doigt par les EPCI dans le cadre des modalités de transfert du pouvoir de police du Maire à l’intercommunalité. NM a consulté dans ce cadre un cabinet d’avocats qui introduit sa note par ce paragraphe : « Il en va notamment ainsi en ce qui concerne les

modalités de la mise en œuvre des pouvoirs de police, étant observé que les textes de référence sont éclatés entre différentes sources réglementaires et législatives, parfois ambigus et contradictoires. » 28

Dans ce cadre, il semble pour l’instant que :

- en matière d’assainissement, « le pouvoir de police spéciale transféré se limite aux mesure de nature réglementaire, c’est çà dire l’édiction des règlements d’assainissement collectif et non collectif »

- en matière de déchets, l’étendue du pouvoir de police spéciale transféré consiste à réglementer les conditions de présentation et de remise des déchets en fonction de leurs caractéristiques, les modalités de collectes sélectives avec la séparation de certaines catégories de déchets 29

28 Note du cabinet d’avocats Saudray Jacq-Moreau, Le transfert des pouvoirs de police en matière de déchets et d’assainissement, 2012

On comprend par exemple que les problèmes d’encombrement de la voie publique par des bacs laissés sur la rue par les riverains doivent être traités par le Maire dans le cadre de ces pouvoirs de police et non par le service en charge de la collecte des déchets.

Le pouvoir de contraindre reste donc globalement au Maire, ce qui ne facilitera pas forcément la tâche des intercommunalités.

2.7.2.

Espace public, propriété privée

Comme détaillé dans le paragraphe 1.1.1.2, la propriété privée est considérée comme un droit inviolable et sacré. L’article 544 du code civil de 1804 énonce que « la propriété est le droit de jouir et

disposer des choses de la manière la plus absolu pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les règlements».

Bien qu’encadrée, la propriété privée peut donc être synonyme d’une certaine liberté : « Acquérir du

sol, […] c’est conquérir le droit d’être ’chez soi’ contre tout empiétement du voisin, du passant ou de l’Etat »

(Bergel, 2004). En contre partie, l’entretien de la propriété privée est à la charge du propriétaire. Les pouvoirs publics se sont globalement appliqués à ne pas trop s’ingérer hors du domaine public. Ainsi on peut souvent lire dans les publications que l’accès aux parcelles privées est un des points de blocage principal des collectivités.

Un bien appartient au domaine public s’il appartient à une personne publique et il est soit affecté directement au public (voirie, espace vert ouvert à tous), soit dépendant d’un service public (canalisation). Les espaces communs peuvent ainsi être privés ou publics. En ville l’espace est globalement découpé entre les voies de circulation et lieux de rassemblement à l’usage de tous et parcelles et voies privées.

La règle générale est : le caractère privé ou public d’une voie ou d’une parcelle définit le caractère public ou privé du dessus et du dessous et détermine le mode de gestion de l’ensemble des ouvrages s’y rattachant. Déjà le code civil prévoit la possibilité de nuancer ce principe dans le cas où la propriété privée se voit dans l’obligation d’accepter une sujétion d’utilité publique comme un droit de passage. L’article 552 du code civil illustre ce point : « le propriétaire peut faire au-dessus toutes les plantations et

constructions qu’il juge à propos, sauf les exceptions établies au titre des servitudes de services fonciers ». Ainsi

il peut y avoir par exemple des canalisations publiques sous terrains privés ou encore un droit de passage pour les piétons sur voies privées.

Inversement, les initiatives privées collectives peuvent conduire à des adaptations dans l’autre sens : des canalisations privées, des passages souterrains se retrouvent ainsi sous domaine public donnant lieu à des autorisations d’occupation du domaine public, au paiement de redevances…

La caractérisation du domaine public en opposition au domaine privé est centrale dans tout ce qui a trait à la gestion des services urbains en France.

NM ne déroge pas à ce principe et le critère de domanialité constitue à l’heure actuelle une composante non négligeable du processus décisionnaire. Il existe d’ailleurs une direction de l’espace public.

2.7.3.

Gestion dans l’existant et le neuf : qui paye quoi ?

Une conséquence directe de la distinction propriété privée et domaine public conduit bien souvent à distinguer suivant ces frontières les modalités de gestion et donc de financement.

L’existant

NM s’est, dès sa création, préoccupée de cette question du fait de la présence d’un grand nombre de voies privées sur son territoire et du mode de gestion particulier d’un grand nombre de ces voies par l’intermédiaire d’associations syndicales autorisées (ASA). D’autre part, de nombreuses voies normalement privées, créées dans le cadre de projet d’aménagement avaient un caractère ambigu faute de rétrocession par l’aménageur à une structure adéquate types ASL en fin de projet. La question de leur entretien se pose alors.

Suite à la création de NM, les communes ont transféré à NM un grand nombre de demandes de classement de voies privées vers le domaine public à traiter.

Des critères de classement ont alors du être définis : par exemple, les impasses resteront voies privées ; les voies privées permettant d’assurer un certain maillage urbain pourront être classées sous réserve que les infrastructures associées répondent aux exigences de NM (bon état de la voie, éclairage et assainissement, accessibilité par les engins de NM..)

Ainsi environ 55 km de voies ont ainsi été classées entre 2001 et 2009 soit environ 2% de la voirie totale publique. Ce sujet renvoie au problème d’agrandissement des territoires à gérer par la collectivité avec en parallèle une diminution des moyens financiers publics et repose la question du niveau de service public que l’on veut fournir.

Figure 28 : Photo de rues privées à Nantes – (Source : Vuaillat, 2012)

Il reste cependant encore de nombreuses voies privées.

On compte environ 550 km de voies privées dont 20% environ sont gérées par des ASA30 (environ

170 ASA sur NM pour gérer des voies privées).

Dans les années 30, suite à de nombreuses malfaçons, l’Etat a pris en main les lotissements défectueux par les habitants en organisant la création d’associations syndicales autorisées et l’octroi de subvention leur permettant d’effectuer les travaux nécessaires à la remise en état des lotissements. 31 Structure administrative d’origine agricole, les associations syndicales autorisées ont alors été utilisées pour regrouper les propriétaires des dits lotissements. Après les travaux de réhabilitation, la structure est restée dans certaines rues privées nantaises.

Contrairement aux associations syndicales libres (ASL), les associations syndicales autorisées sont des établissements publics. Leurs actes (délibérations) sont soumis au contrôle du préfet et autre particularité, elles ont un comptable public soumis au contrôle des juridictions financières, chambre régionale des comptes et cour des comptes.

30 Voir rapport Master 2, Ville et territoire, Atelier Voies Privées, mai 2010

Ce point rend la gestion comptable de ces structures complexe et lourde mais permet aux propriétaires de se décharger sur les pouvoirs publics des éventuelles questions de « non paiement des cotisations par leur voisin ». Afin de réaliser cette gestion et de décharger les services de l’Etat, il a été décidé que le secrétariat des ASA soit assuré par NM qui sert alors d’intermédiaire entre les propriétaires et les services de l’Etat.

Figure 29 : Repérage des associations syndicales autorisées sur la ville de Nantes – 2014 (Source : Géonantes)

L’entretien et les éventuels travaux restent donc à la charge des différents propriétaires mais le recouvrement des cotisations est assuré par les autorités publiques, ce qui participe à la création de liens entre les différents habitants sans qu’ils ne soient parasités par des conflits d’ordre financier. Suivant l’état des voies et des réseaux associés, le montant des cotisations peut être tout à fait variable. Ainsi en 2013, les ASA ont dépensé environ 500 000€ soit 2 900€ en moyenne par ASA (de 20€ à 43 000€). Ce montant peut être comparé à celui consacré pour le secrétariat des ASA qui est d’environ 140 000€/an. D’autre part, certaines ASA ont un emprunt dont les montants peuvent atteindre plus de 300 000€ notamment lorsque des travaux liés l’assainissement sont nécessaires. Le vieillissement des voies et des installations va amener de plus en plus d'ASA à engager des travaux, ce qui aura une incidence budgétaire forte sur les propriétaires privés.

La gestion et le financement des infrastructures du domaine privée (voirie, canalisations…) sont bien souvent sujets à discussion entre les propriétaires et les pouvoirs publics. L’enjeu est alors d’établir un consensus entre les différents propriétaires et les pouvoirs publics. Le droit d’être chez soi doit apporter suffisamment d’avantages (calme, gain d’espace) au regard du devoir d’entretien ; le droit d’être chez soi pouvant de plus être nuancé par un droit d’accès piéton aux personnes non propriétaires de la voie.

Le neuf

Pour les différents projets neufs, que cela soit sous forme de projets d’aménagement type ZAC ou dans le diffus, se posent bien souvent la question du financement des réseaux et des règles nationales sur le sujet sont floues voire contradictoires. Quand est-ce que les réseaux doivent être financés par l’intercommunalité ou la commune et quand est-ce qu’ils sont financés par le propriétaire (participation pour voirie et réseaux, prix du foncier...) ? La distinction est alors faite entre équipements propres et équipements publics. Mais les exceptions sont monnaie courante dans un sens comme dans l’autre. De nombreuses voies à vocation publique traversant des lotissements pour

desservir d’autres quartiers sont financées dans le cadre du budget du lotissement. Inversement, des réseaux peuvent être financés par le budget de l’intercommunalité alors qu’ils correspondent à la définition d’équipements propres : cela peut être le cas dans des projets de rénovation de quartiers urbains par exemple.

Si le financement est effectué par l’intercommunalité, se pose alors la question de savoir si les frais engendrés sont à prendre sur le budget de l’eau ou autre ou sur le budget général. Là aussi les avis divergent : par exemple, la circulaire du ministère de l’équipement du 5 février 2004 prévoit que les coûts des extensions de réseaux soient supportés par le budget général de la commune car ils résultent des choix effectués par la commune dans le cadre de la compétence urbanisme. A contrario, le ministère de l’intérieur préconise un financement par le budget annexe concerné.

Concernant les modalités de gestion future, les critères de domanialités font foi. Il est donc essentiel de bien les définir, ainsi un ouvrage dans un espace privé sera entretenu par le ou les propriétaires. A Nantes Métropole, sur une ZAC, il est apparu que les seules voies qui peuvent rester privées sont celles qui sont réalisées directement par des promoteurs. En effet, les voies réalisées directement par l'aménageur font partie des équipements publics. Cela nécessite donc de prévoir les choses en amont, de façon à ce que les lots promoteurs soient découpés en cohérence. Cependant la pertinence de cette règle, semble-t-il particulière à Nantes Métropole, peut être discutée.

Depuis la loi SRU, l’aménageur est obligé de mettre en place la structure ASL ou autres pour ne pas se retrouver dans les mêmes situations qu’auparavant avec des voies dont l’entretien n’incombait à personne. On peut néanmoins s’interroger sur la taille et le fonctionnement effectif de ces structures. Certains acteurs commencent en effet à alerter les pouvoirs publics sur la généralisation des macro- lots. Sur certaines grandes opérations, la fabrique de la ville à l’îlot et non plus à la parcelle est, parfois préférée pour favoriser l’atteinte des objectifs de mixité par la juxtaposition de plusieurs programmes et pour permettre une certaine mutualisation entre ces différents programmes pour les questions de récupération des eaux, ou mise en place de panneaux solaires… Certains craignent alors de voir apparaître des grands îlots autarciques conduisant à la fabrique d’« isolats » que l’on ne peut traverser et dont la gestion interne pose certaines questions étant données le nombre de personnes impliquées dans ces « méga-copropriétés » (Lucan, 2012).

A Nantes, l’exemple du quartier du Tripode est souvent pris en exemple qui comprend des bureaux, des logements, des parkings en rez-de-chaussée et des jardins/terrasses. Une AFUL a été mise en place pour la gestion des différents espaces communs. La taille des complexes envisagés et le nombre de personnes impliquées dans l’AFUL peuvent poser question.

PARTIE 3

IMPACTS DU CHANGEMENT D’ECHELLE

DES TECHNIQUES DES SERVICES URBAINS

Les différents témoignages ont bien montré que, outre les besoins de cadrage pour l’évaluation de la pertinence technico-économique et environnementale des techniques décentralisées vis-à vis des techniques centralisées, le développement des techniques décentralisées interrogent bel et bien d’autres aspects relatifs à la mise en œuvre opérationnelle de ces techniques en tant que partie intégrante du service public. Le croisement des différents témoignages permet de mettre en exergue quelques points clés et d’esquisser quelques éléments de réponse à la problématique présentée au paragraphe 1.4.2.

3.1.

Q

UELLES CONSEQUENCES DU CHANGEMENT D

ECHELLE DES TECHNIQUES SUR LES