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Les résultats présentés au quatrième chapitre ont permis de décrire l'effet de facteurs du milieu familial sur le risque de décrochage scolaire en plus de comprendre, à partir de processus interactionnels du milieu familial, l'expérience d'élèves du secondaire à risque de décrochage scolaire adaptés positivement. L’encadrement et l’engagement parental ainsi que les interactions parents-adolescent axées sur le quotidien scolaire permettent de prédire le risque de décrochage scolaire de l’élève. La discussion porte d'abord sur l'effet du style parental sur le risque de décrochage scolaire et, ensuite, sur l'effet de la participation des parents au suivi scolaire sur le risque de décrochage scolaire.

1.1 Le rôle du style parental face à l’adaptation positive d’élèves à risque de décrochage scolaire

En premier lieu, concernant la relation entre le style parental et le risque de décrochage scolaire, nos résultats suggèrent que l'engagement et l'encadrement des parents permettent de prédire significativement le risque de décrochage scolaire d'élèves du secondaire. Ainsi, les élèves rapportant plus d'engagement et d'encadrement de la part de leurs parents seraient moins à risque de décrochage scolaire. Cette relation

négative entre l'engagement et l'encadrement des parents et le risque de décrochage scolaire corrobore les résultats obtenus par Blondal et Adalbjarnardottir (2009) et partiellement ceux obtenus par Blondal et Adalbjarnardottir (2014). Pour cette dernière étude, le style démocratique global est considéré, incluant l’encouragement à l’autonomie, une dimension non considérée dans le cadre de notre étude.

D'après l'étude menée par Blondal et Adalbjarnardottir (2009), la sensibilité et le contrôle des parents permettent de prédire le décrochage scolaire. Du côté des dimensions de l'outil que nous avons utilisé, rappelons que l'engagement parental renvoie à la perception qu'a l'élève de ses parents quant à leur chaleur, leur sensibilité et leur implication (Deslandes, 1996; Deslandes et al., 1997) ainsi qu'à l'intérêt, au temps et aux ressources qu'ils consacrent à leur enfant (Potvin et al., 2004). L'encadrement réfère à la perception qu'a l'élève de la supervision et des limites établies par ses parents (Deslandes, 1996; Deslandes et al., 1997) ainsi qu'aux mesures prises pour connaitre ses allées et venues et ses amis ainsi que pour lui permettre de développer de bonnes habitudes de travail et d’autodiscipline (Potvin et al., 2004).

D'après les styles parentaux mis de l'avant par Baumrind (1968, 1978), un niveau élevé d'engagement et d'encadrement parental renvoie au style démocratique. Selon Deslandes et Royer (1994), ce style, caractérisé par un équilibre entre la sensibilité et l’encadrement parental, favoriserait l'éducation dans le milieu familial. Dans le même sens, Blondal et Adalbjarnardottir (2009) rapportent que les élèves qui perçoivent leurs parents comme étant démocratiques ont une plus grande probabilité d'obtenir leur diplôme d'études secondaires que les élèves percevant leurs parents comme ayant un style permissif, indulgent ou autoritaire ou que les élèves percevant leurs parents comme ayant un style moins démocratique (Ibid., 2014). Il est à noter que ces études ont également été réalisées auprès d’échantillons d’élèves du secondaire.

Baumrind (1968, 1978) décrit les parents démocratiques comme étant des adultes qui encouragent les discussions et les échanges avec leur enfant afin que leurs

propres intérêts ainsi que ceux de l'enfant soient pris en compte. Ainsi, bien que l'élève soit écouté et considéré, il fait tout de même face à certaines restrictions. En ce sens, bien que l'engagement parental permette de prédire significativement le risque de décrochage scolaire, l'encadrement parental ne doit pas être négligé (Beekhoven et Dekkers, 2005; Esterle-Hedibel, 2006; Fortin et al., 2004; Meeker et al., 2009; Potvin

et al., 1999; Rumberger, 1995). En effet, parmi les autres styles parentaux, le style

permissif est celui qui permettrait de prédire plus fortement le décrochage scolaire (Rumberger, Ghatak, Poulos, Ritter et Dornbusch, 1990).

Certaines études ont effectivement souligné que des décrocheurs rapportaient que leurs parents supervisent moins leurs allées-venues et leurs activités (Alexander, Entwisle et Horsey, 1997; Fortin et al., 2004, 2010) et qu’ils connaissent moins leurs amis (Alexander et al., 1997; Fortin et al., 2010). D'après leurs propos, ceux-ci prennent moins de décisions communes avec leurs parents et une plus grande proportion de décisions sont prises par eux-mêmes (Rumberger et al., 1990). Certains racontent avoir rencontré peu de résistance de la part de leurs parents lorsqu'ils ont décroché (Dekkers et Claassen, 2001). Ainsi, ces résultats concordent avec ceux que nous avons obtenus : l’engagement et l’encadrement de la part des parents permettent de prédire le risque de décrochage scolaire d'élèves du secondaire.

1.2 Le rôle de la participation des parents au suivi scolaire face à l’adaptation positive d’élèves à risque de décrochage scolaire

En second lieu, pour ce qui est de la relation entre la participation parentale au suivi scolaire et le risque de décrochage scolaire, les résultats obtenus suggèrent que les élèves rapportant plus d'interactions avec leurs parents axées sur leur quotidien scolaire seraient moins à risque de décrochage scolaire. En ce qui concerne la communication parents-école, elle est corrélée significativement au risque de décrochage scolaire tout comme la communication avec l’enseignant et l’adolescent. Les élèves percevant plus de communications entre, d'une part, leurs parents et, d’autre part, leur enseignant, l'école et eux-mêmes seraient moins à risque de décrochage

scolaire. Cependant, lorsque nous tenons compte de la communication entre les parents et l’école aux côtés des interactions parents-adolescent axées sur le quotidien scolaire et du style parental, la contribution de la communication avec l’école devient non significative pour expliquer la variance du risque de décrochage scolaire.

Plusieurs études rapportent qu'une faible participation parentale permet de prédire le décrochage scolaire (Blondal et Adalbjarnardottir, 2009; Bridgeland et al., 2006; Fortin et al., 2004; Jimerson et al., 2000). Cependant, ces études considèrent des types de participation parentale qui se distinguent partiellement des interactions parents-adolescent axées sur le quotidien, telles que suggéré par nos résultats. Jimerson

et al. (2000) se sont plutôt intéressés aux contacts avec l’école ainsi qu’à la présence

des parents aux rencontres. De leur côté, les résultats de Fortin et al. (2004) retiennent le manque de communication parents-adolescent en lien avec l’actualité et l’avenir ainsi que le manque d’encouragements et de félicitations des parents envers leur adolescent afin de prédire le risque de décrochage scolaire.

De leur côté, les résultats de Blondal et Adalbjarnardottir (2009) et Bridgeland

et al. (2006) se rapprochent partiellement des résultats obtenus dans le cadre de notre

étude. De leur côté, Blondal et Adalbjarnardottir (2009) soulignent l’influence significative de la perception qu’ont les élèves de l’assistance de leurs parents dans le cadre de leurs devoirs, de la communication parents-adolescent par rapport à l’école ainsi que des aspirations éducatives sur le risque de décrochage scolaire. Quant à leur étude, Bridgeland et al. (2006) soulignent que les interactions parents-adolescent axées sur le quotidien scolaire ainsi que la communication parents-adolescent sont liées au risque de décrochage scolaire. Nos résultats concordent donc partiellement avec ces derniers puisque, comme mentionné plus haut, selon l'analyse de régression menée dans le cadre de notre étude, seules des interactions parents-adolescent plus fréquentes axées sur le quotidien permettent de prédire un risque de décrochage scolaire plus faible.

Il est donc possible que la contribution de la communication parents-école pour expliquer la variance du risque de décrochage scolaire soit non significative lorsque les interactions parents-adolescent axées sur le quotidien scolaire sont prises en considération puisque ces interactions peuvent être influencées par la communication des parents avec l’école. Ainsi, ces communications peuvent n'influencer qu'indirectement le risque de décrochage scolaire en raison de leur effet, d'abord, sur les interactions parents-adolescent axées sur le quotidien scolaire.

Dans un autre ordre d'idées, selon le modèle révisé de la participation parentale (Hoover-Dempsey et Sandler, 2005), dès le départ, le parent qui choisit de participer au suivi scolaire de son enfant base sa décision sur la perception d'être invité à participer par les autres, dont l'élève lui-même (Deslandes et Bertrand, 2005). En ce sens, Deslandes (2005) rapporte que les élèves sont plus réceptifs à certains types de participation parentale tels que ceux renvoyant à une pratique privée plutôt qu'à une pratique impliquant les pairs et l'enseignant (Deslandes et Cloutier, 2002). Ainsi, il est probable que le parent choisisse de participer à la maison par différentes interactions axées sur le quotidien scolaire, s'y sentant davantage invité de la part de son enfant, que dans le cadre de communication avec l'école.

Également, toujours selon le modèle révisé d'Hoover-Dempsey et Sandler (2005), pour que la participation parentale au suivi scolaire puisse influencer les attributs liés à l'apprentissage, tels que le risque de décrochage scolaire, l'élève doit percevoir cette participation de son parent pour qu'elle ait l'influence attendue. En ce sens, si la participation parentale est plus discrète, comme la communication avec l’école, comparativement à des discussions plus concrètes quant aux résultats scolaires et aux devoirs, il est probable qu'elle soit moins perçue, ou ignorée, par l'élève et, ainsi, que sa contribution au risque de décrochage scolaire soit moindre, voire non significative.

Ces interactions parents-adolescent font sens également dans le discours des élèves à risque de décrochage scolaire adaptés positivement. C’est notamment le cas d'élèves ayant intégré le discours d’un ou de leurs parents. Dans ces cas, les élèves justifient leur désir d’obtenir leur diplôme d’études secondaires en rapportant le discours de leurs parents quant à l’importance de réussir plus tard, à ne pas avoir à retourner aux études, à ne pas avoir un « petit » emploi ou à pratiquer le métier qu’ils désirent. L’importance que revêt la valorisation de l’éducation par les parents est clairement mise de l’avant par Rosenthal (1998). À l’opposé, Fortin et al. (2004, 2006) expliquent également que des conversations plus limitées en lien avec le cheminement scolaire sont davantage relevées chez les décrocheurs. Ces études appuient donc que le discours des parents par rapport à la poursuite du cheminement scolaire puisse représenter un facteur pouvant favoriser l'adaptation positive de l'élève à risque de décrochage scolaire.

En somme, le rôle du milieu familial face à l'adaptation positive d'élèves à risque de décrochage scolaire apparait sous divers angles. Les élèves ayant des parents plus engagés, encadrants et ayant plus d’interactions axées sur le quotidien scolaire avec eux seraient moins à risque de décrochage scolaire que les autres élèves. Il est possible que ces interactions entre le parent et l’adolescent axées sur le quotidien scolaire soient une occasion, pour le parent, de se montrer engagés et d’encadrer leur adolescent.

2. LE RÔLE DU CLIMAT DE CLASSE FACE À L'ADAPTATION POSITIVE