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La connaissance de la mémoire s’est forgée depuis l’antiquité, une époque qui nous propose les premières abstractions du concept de mémoire. Mnémosyne, déesse vénérée par les grecs, pour le poète Hésiode (VIIIème siècle avant J-C), la mémoire est élevée au rang des Dieux, Mnémosyne, fille d’Uranus possédait un tel charme que Zeus, lui-même, naitre de l’Olympe s’unit à elle durant neufs nuits1 et aima ses beaux cheveux, cette divinité montre à quel point on attribuait une importance à la mémoire qui restera liée principalement au domaine de la philosophie jusqu’à la fin du XIVème siècle.

Au début de son étude scientifique (Ebbinghaus, 1885) [Herman Ebbinghaus : la mémoire, recherche de psychologie expérimentale, Ed : L’Harmattan, 2011]. Le concept de mémoire était même abordé avant Ebbinghaus, par Francis Bacon (1561-1626) qui proposait un arbre de connaissances qui organise la savoir2 et sera repris vers 1732 par Diderot et d’Alembert pour indexer l’encyclopédie.

Depuis l’antiquité jusqu’à nos jours, la mémoire occupe une place importante dans les réflexions philosophiques et scientifiques exercées sur l’être humain et son étude a pu montrer qu’elle ne forme pas un bloc homogène (mais elle fonctionne selon trois niveaux bien ordonnés), les travaux émergés de la psychologie cognitive s’intéressent particulièrement à l’importance de la mémoire dans la réalisation des tâches de compréhension et de production écrite afin d’éclaircir la progression de la pensée du rédacteur pendant qu’il rédige son texte, une activité qui ne peut se concrétiser sans faire appel aux connaissances stockées dans la mémoire, qui fonctionne selon trois niveaux bien ordonnés, tout en distinguant entre la mémoire sensorielle, la mémoire à court terme ou mémoire de travail et la mémoire à long terme.

La mémoire à long terme possède une capacité illimitée pour le stockage des informations, elle fonctionne comme une banque de données dans laquelle on peut trier

7. mnémosyne restait près de Zeus et lui racontait les victoires des dieux contre les titans. De l’union entre Zeus et Mnémosyne déroulent les neufs muses. Chacune des muses présidait à un domaine de la connaissance.

8. Bacon subdivise la science selon 3 facultés :1/l’histoire à la mémoire, 2/la poésie à l’imagination, 3/la connaissance à la raison

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l’information voulue pour la traiter par la suite. Malgré cette grande capacité d’enregistrer les informations, la MLT ne les enregistre pas de la même façon. Certaines données sont retenues plus que d’autres, ceci est dû à certains facteurs définis par Cornaire& Raymond :

« La mémoire à long terme, qui contient tout ce que nous savons, les événements qui se sont produits il y a dix minutes comme ceux qui nous ont marqué durant notre enfance, ni limitée ni en capacité ni en temps. Toutefois, les données qui y

sont inscrites dépendent en grande partie de la qualité du traitement de

l’information dans la mémoire à court terme, de l’intérêt des données, de la charge émotive qu’elles véhiculent, des techniques mises en œuvre pour s’en souvenir. Par exemple, si nous lisons une série d’articles en préparation d’un test à venir, le stockage efficace de cette information importante exigera beaucoup d’attention et de réflexion. Suivant le cas, il faudra même utiliser des aide-mémoire : souligner certains mots clés, préparer plusieurs résumés écrits, dresser un tableau des éléments importants, etc. toutes ces opérations portent le nom de stratégies d’encodage ou de traitement de l’information. En diversifiant ces stratégies, en essayant d’en créer de nouvelles, selon nos besoins et les situations qui représentent, on devient habile à mémoriser davantage d’information, plus facilement et plus rapidement

». (Cornaire & Raymond, 1999 : 19)

Entre autres, Les recherches dans le domaine du fonctionnement de la mémoire, mettent en évidence trois phases dans l’acte de mémoire : l’encodage (volontaire ou involontaire), le maintien (consolidation et transformation), la restitution (directe et explicite ou indirecte et implicite).

Ainsi, la non efficacité mnésique peut provenir d’un déficit d’encodage, d’une carence dans les mécanismes assurant le maintien et la transformation des informations, et enfin de difficultés dans les procédures impliquées dans la récupération ou la restitution de l’information.

Parmi tous les modèles structurels et fonctionnels de la mémoire, le modèle emprunté à Atkinson et Shiffrin (1968) revu à la lumière des travaux de Baddely (1974, 1990) constitue une référence simple et accessible, résumant bien un certain nombre de constats effectués par différents auteurs.

Par ailleurs, les recherches en psychologie cognitive sur la mémoire à long terme ont permis d’en répertorier quatre types de mémoire à long terme : la mémoire épisodique, la mémoire sémantique, la mémoire implicite et la mémoire procédurale.

La mémoire épisodique renvoie à des événements impliquant des mécanismes cognitifs dans leur récupération. Afin de récupérer des informations stockées dans cette mémoire, il est indispensable de les associer à un souvenir ou à un objet pour réaliser une tâche sous forme de rappel où les participants sont confrontés à un ensemble de stimuli (mot, son, image etc.) et qu’ils sont obligés de se rappeler du maximum d’items après un délai de durée variable. De plus,

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il est à noter que plusieurs variables interviennent durant la phase d’un codage/ étude pour influencer les performances lors du rappel. La profondeur du traitement est liée à la procédure employée pendant la phase d’étude pour encoder certains matériel tel le texte et effectuer un jugement sur les mots, cet encodage conditionne la profondeur du traitement, et les performances lors de la tâche de rappel dépendent de la qualité de la profondeur de traitement en rapport avec la nature perceptive pour un jugement d’appartenance catégorielle cause/conséquence (Tulving, 1975)

a) L’effet de génération : pendant l’encodage, le participant peut générer un mot plutôt que de le lire, aussi doit-il fournir plus d’effort pour générer le mot et assurer une meilleure performance lors du rappel (Jacoby, 1978)

b) L’effet de répétition : un item répété sera mieux rappelé que celui vu une seule fois. En effet, il existe deux formes de répétitions : la répétition massée, qui consiste à présenter successivement la même stimulation (item) et la répétition espacée par un délai qui conduit à de meilleures performances dans la tâche de rappel. Un effet sur la mémorisation des items (les images sont mieux retenues que les mots, les mots renvoyant aux objets concrets sont mieux retenus que les mots abstraits).(Crowder, 1976 ; Paivio&Csapo, 1973)

Ces variables peuvent aussi altérer la récupération en mémoire épisodique. Ça nous arrive à tous d’oublier de temps en temps un objet ou une définition d’un concept, pour ne s’en souvenir que quelques temps plus tard, parfois l’information survient soudainement ou grâce à un indice: par exemple dans des tâches de rappel, les indices comme les notes de bas de page favorisent et activent la récupération d’informations stockées dans la mémoire qui résulte des interactions entre l’encodage et la récupération par le transfert approprié, ainsi les traitements réalisés pendant l’encodage sont retenus par le système, donc les participants, généralement aboutissent à la réalisation des rappels beaucoup plus faciles.(Moris, Bransfarol, et Franks, 1977)

La mémoire sémantique est un champ réservé aux connaissances générales que l’être humain possède sur le monde. Elle est définie comme :

« La mémoire nécessaire pour l’utilisation du langage. C’est un thésarus mental, le savoir organisé qu’un individu possède pour les mots, les autres symboles verbaux, leurs significations et leurs référents, leurs relations et les règles, formules, algorithmes pour la manipulation de ces symboles, concepts et relations. La mémoire sémantique n’enregistre pas les propriétés perceptives des stimuli mais plutôt les

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D’après cette définition, nous pouvons dire que la mémoire sémantique représente la mémoire du savoir et des connaissances qui, une fois libérés de leur contexte d’acquisition finiront par s’accumuler et s’organiser tout au long de la vie. Elle correspond, pour les mots et les concepts, à un large réseau dans lequel les items entretiennent des relations bien déterminées, si une fois un item est activé, ce dernier se propagera vers les significations des concepts qui lui sont associés, par conséquent, la mémoire sémantique renvoie à une fonction cognitive fondamentale pour la compréhension du langage et la production de texte.

Quant à la mémoire implicite/explicite, cette forme de mémoire est définie par Grafet et Schacter (1985 : 501) comme :

« la mémoire implicite transparait lorsque la performance à une tache est facilitée en l’absence de souvenir

conscient de l’influence d’un évènement antérieur instigateur, alors que la mémoire explicite apparait quand la

performance à une tache exige le souvenir conscient des évènements préalables. »

(Schacter 1985 :353) ajoute :

« que contrairement à la mémoire explicite, la mémoire implicite se manifeste lors d’épreuves qui ne font pas

référence à un épisode préalablement vécu »

A partir de ces définitions, nous remarquons la distinction faite entre la mémoire implicite et la mémoire explicite dont l’une est utilisée pour les tâches faisant appel à des souvenirs comme le rappel libre, le rappel indicé réalisés après une séance de lecture de texte (texte source/texte avec notes explicatives), ainsi que des épreuves de jugement sur des notions ou des concepts impliqués dans la rétention de ce qui a été lu, il s’agit dans ce cas là de la mémoire explicite ou la mémoire épisodique, par contre l’autre apparaît dans des tâches où le participant n’a pas recours au souvenir en utilisant explicitement le matériel vu pendant la phase de lecture, par exemple, la mémoire implicite est impliquée dans diverses tâches, surtout celles de nature lexicale ou conceptuelle par l’association libre des différents liens existant entre les systèmes résultant de l’effet d’amorçage déclenché par la lecture d’un mot qui va être associé librement à d’autres notions par inférence. Ainsi elle peut nous renseigner sur le degré de rétention d’expériences passées (Nicolas ; 1992)

La mémoire procédurale se rapporte aux compétences cognitives et motrices (lire, conduire, manipuler,…), ses connaissances exigent plus de temps et plus de pratique pour les acquérir et dans la plus part du temps, ses compétences ne peuvent être verbalisées, elle correspond à des automatismes qui ne demandent pas un apprentissage répétitif dont les processus sont effectués de manière inconsciente. Par exemple lors de la production de texte, les mots, selon le rédacteur, se suivent sans pouvoir de contrôle conscient, non pas au sens freuidien

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de souvenir refoulé, mais parce qu’elle est constituée d’automatismes sensorimoteurs bien intégrés, elle renvoie à la mémoire implicite (non déclarative) par contre la mémoire déclarative composée d’informations qui n’ont pas de rapport avec un objet. Par exemple d’une part, lors de la première lecture d’un texte, la mémoire déclarative renvoie à la mémoire sémantique composée d’informations génériques, d’autre part, elle est utilisée pour le rappel de souvenir et renvoie à la mémoire épisodique.

La mémoire sensorielle représente la première étape du traitement de l’information à mémoriser, elle est considérée comme la porte d’entrée de notre mémoire. L’information n’est retenue dans cette mémoire qu’environ une demi seconde juste le temps nécessaire pour que nous puissions trier les éléments importants parmi de milliers de données livrées par nos sens. Une fois le filtrage effectué, les informations pertinentes sont envoyés vers la mémoire à court terme qui va procéder par identification tout en se basant sur les informations stockées en mémoire à long terme. Par conséquent, elle induit à deux processus cognitifs bien élaborés la reconnaissance et la conservation. En effet, lorsque nous nous trouvons face à un mot, nous effectuons un procédé de reconnaissance en nous posant la question : ce mot est-il un verbe ou un adjectif ? , puis le cerveau met en place un système de conservation définitive d’informations jugées pertinentes en passant par la mémoire à court terme où elles peuvent être manipulées mentalement et emmagasinées en mémoire à long terme si nécessaire.

La mémoire sensorielle implique une interface entre le flot continu de stimuli externes et les informations déjà stockées en mémoire. C’est ainsi que la mémoire sensorielle joue un rôle important en interdisant l’accès aux informations non pertinentes.

La mémoire à court terme représente le premier point d’arrivée des informations provenant de la mémoire sensorielle, elle est d’une capacité limitée et maintient l’information dans notre cerveau pour un temps restreint et ne peut stocker qu’un nombre réduit d’informations comme le montre le schéma suivant :

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Fig. : 2.1- La mémoire à court terme ( kellogg,1996)

Alain lieury évoque cet aspect de la MCT en précisant,

« Un des phénomènes les plus étranges de la mémoire à court terme est sa capacité

limitée (en rappel immédiat). Si l'on présente à un sujet une séquence d'éléments à

mémoriser et qu'on lui demande un rappel immédiat, on observe qu'un nombre

moyen d'environ sept éléments pourront être rappelés. Le plus curieux est que le

nombre des éléments rappelés est à peu près constant, que ces derniers soient des

chiffres, des mots, des phrases significatives, ou toutes autres unités familières à la mémoire. L'analogie entre

celle-ci et l'ordinateur suggère l'hypothèse que la

mémoire à court terme fonctionne ici comme une mémoire fichier qui stocke non

pas des quantités d'informations mais des « étiquettes » de programmes, chaque

programme concernant des unités familières à la mémoire chiffres, mots ou

phrases» (Lieury, 2010).

L’organisation de la mémoire à court terme recouvre deux aspects : la mémoire immédiate et la mémoire de travail.

a) La mémoire immédiate : son rôle est de conserver pendant quelque secondes les informations le temps de rechercher dans d’autres mémoires. Elle est utilisée dans des tâches tel que restituer dans l’ordre une série de mots qui vient d’être énoncée ou lus .elle peut nous permettre de retenir entre cinq à sept temps dans un laps de temps en moins d’une minute.

b) La mémoire de travail : renferme un système de stockage temporaire qui permet d’entamer des traitements cognitifs plus élaborés sur les éléments stockés en mémoire immédiate comme le raisonnement, la prise de décision. Généralement, elle est sollicitée au moment de l’exécution d’une tâche comme la rédaction où le scripteur fait appel aux connaissances stockées dans la mémoire à long terme, elle intervient en tant que régulateur d’informations entre le cerveau où les informations sont à l’état brut qui vont être sélectionnées puis mises au service de la tâche à accomplir .

MCT

Centre de traitement

Capacité limitée

Durée Qualité

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« Une activité aussi complexe que la production d’écrit sollicite fortement la MDT qui joue un rôle essentiel dans la maîtrise de cette activité. La rédaction suppose en effet la gestion coordonnée de traitements dont le coût cognitif varie en fonction d’une multitude de facteurs. Ces traitements, très demandeurs en ressources attentionnelles, peuvent être économiques lorsqu’ils sont automatisés. La MDT permet de stocker temporairement des informations prélevées en MLT et de les rendre opérationnelles. Le rédacteur dispose de ressources attentionnelles et de capacités de traitement limitées, et variables en fonction de son niveau de connaissances, de sa motivation, de son état d’éveil et de sa concentration. Un sujet ne peut donc conduire en parallèle qu’un nombre d’opérations cognitives limité.

En effet, le coût des traitements ne peut dépasser les ressources attentionnelles disponibles » (Legros &

Marin, 2008 : 98, 99)

La mémoire de travail est tellement active qu’on peut la qualifier de pièce maitresse des activités cognitives complexes, son rôle est de sélectionner les informations qui lui arrivent, de les coordonner et de les synthétiser au fur et à mesure de la lecture, en reliant les informations nouvelles avec les connaissances déjà acquises, du fait qu’elle est le pont de passage obligatoire des informations emmagasinées dans la mémoire à long terme ou rappelées depuis celle-ci. Le lecteur la sollicite souvent lors de la rédaction. Cornaire& Raymond, ils conçoivent la mémoire de travail comme :

« La mémoire à court terme est sélective. C’est ainsi qu’un texte lu à titre de document pour la

préparation d’un article ne sera pas transférée dans son intégralité. De fait, la mémoire à long terme

n’en retiendra que le sens global, un genre de résumé que l’on appelle aussi la macrostructure du texte ».

(Cornaire & Raymond, 1999 : 18)

Cela dit, entre la mémoire à court terme (ou la mémoire de travail) et la mémoire à long terme, il existe une sorte d’un échange sous forme d’un va et vient permanent de sorte que ce qui est perçu par la première doit être transféré dans la seconde afin de ne pas être oublié. De même que les informations emmagasinées dans la mémoire à long terme doivent obligatoirement passer dans la mémoire de travail pour être traitées et utiliser dans des situations de résolution de problèmes. Cet échange entre les deux mémoires pourrait être schématisé comme suit :

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Fig.2.2- le fonctionnement de la mémoire