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Le rôle de l’accueillant

Faire du LAEP un « lieu de « possible » » exige de la part des accueillants un certain renoncement à l’idée qu’on saurait ce qui est bon pour l’autre, et un renoncement à une place de savoir et à la fonction qu’ils occupent par ailleurs (beaucoup sont psychologues ou éducateurs de jeunes enfants) :

« C’est une position de non-savoir, c’est une position qui n’est ni dans la pédagogie ni dans la psychologie, qui s’abstient des conseils, qui s’abstient en position de miroir, en mimant des choses où « je sais que », c’est l’idée qu’il y a des parcours tout à fait uniques de chaque humain, que c’est le parcours unique de parents, que les parents font avec leur histoire, c’est comme ça qu’ils deviennent parents et que là, nous, on n’est que dans une place de témoin, dans une place de passage, on est témoin, pour que des choses qui ne se savent pas se disent, on ne sait pas comment les dire, permettre que ça circule, que ça se dise, mais nous, on n’apporte pas une interprétation, on n’apporte pas un savoir sur, on est dans une position de soutenir l’arrivée d’un petit dans une famille et l’histoire de chacun ; c’est une place très modeste ».

La présence de l’accueillant se veut légère, c’est « un travail tout en dentelle », basée sur le non-jugement et le respect de l’autre. Chacun est accueilli :

« Accueillir l’autre dans sa différence, sa complexité, son originalité, voire sa petite ou grande folie (…) savoir que rien n’est arrêté à un moment donné ».

Par rapport aux conseils l’attitude ne semble a priori pas très différente (sauf exception) d’un lieu à l’autre : on ne se précipite pas pour en donner, mais on ne se l’interdit pas non plus :

« Alors souvent on demande : « qu'est-ce que vous pensez ? Peut-être que vous, vous avez une idée, peut-être que vous, vous savez, peut-être que vous, vous sentez ? » »

« Ca peut arriver de donner des conseils, si si, que des parents nous interpellent, nous disent : « mais qu'est-ce que vous pensez ? », mais les donner délicatement, et quand les parents nous sollicitent, parce que des fois on peut être tenté d'aller un peu vite, et je pense qu'il ne faut pas aller trop vite. Mais il y a des parents qui demandent assez directement, on ne peut pas rester dans le silence, donc c'est des échanges, c'est plutôt : « vous, qu'est-ce que vous en pensez ? » ou s'il y a une autre maman, faire circuler quelque chose, pas seulement avec nous, pas comme dans un lieu de consultation ».

Quelque soit le lieu, la même attention est portée à l’enfant :

« Le fait d'être attentif à l'enfant, à ce qu'il fait, il le ressent ; j'ai pris un jeu, il est venu jouer au même jeu, par l'imitation on s'apprivoise. De ce point de vue, on est un modèle quelque part. Ils nous sollicitent, on a une relation de confiance, ils trouvent une réponse positive quand ils nous demandent de jouer ».

Les relations entre accueillants et accompagnants ne sont pas décrites de manière très différente dans la grande majorité des lieux. Pour les lieux à référence psychanalytique la question ne se pose pas vraiment, et le « copinage » n’est pas de mise, mais cela n’empêche pas une accueillante d’évoquer des échanges de recettes de cuisine. Cette attitude qu’on retrouve donc le plus souvent, avec des nuances d’un lieu ou d’un accueillant à l’autre, est à la fois décrite comme accueillante, disponible, neutre, bienveillante, de confiance, et cependant avec une distance professionnelle :

« Il y a quelque chose d’amical mais on n’est pas des amis ».

Ailleurs, les accueillantes doivent faire avec la proximité géographique :

« On est dans la convivialité mais on ne fait pas n'importe quoi avec la convivialité, on n'est pas des copines même si on habite dans la même ville. Combien de fois des mamans : « ça serait bien si on se fait un petit resto », stop, « on a une vie après le boulot, nous c'est notre travail, pourquoi vous ne vous organisez pas entre vous, aller au restaurant et tout ». Où est notre rôle ? Ca on est très très conscientes surtout dans une ville comme ici où les gens se connaissent bien, où il y a plein de choses, il y a des mamans qui viennent ici je les connais depuis très longtemps, mais ici c'est ici.

« Tu pourrais venir boire un café » non. Autrement je ne m'en sors plus. Au tout début que je travaillais ici il y avait des mamans avec qui j'étais au lycée mais bon voilà ».

Cette position souvent un peu en retrait, faite d’attention et d’écoute, exige une grande capacité à se remettre en question, à réinterroger sa pratique, à réfléchir à chaque situation particulière, autrement dit des temps de réunions (réunions de tous les accueillants et/ou temps de reprise à la fin de chaque accueil) et de supervision.

Conclusion

Tous les LAEP parlent de l’évolution des enfants et des accompagnants, sans savoir toujours à quoi l’imputer, mais aucun ne doute que le lieu ait des effets :

« Je trouve que ce que nous renvoient les parents et les enfants par rapport à la mission qu’on s’était donnée, par rapport à nos objectifs, on est dans la direction qu’on s’était fixée, qu’on avance ».

« On voit des mamans qui ont vraiment changé, faire bien attention, ce sont souvent des mamans très jeunes, des femmes qui ont 20 ans, 21 ans, qui parlent crûment, des

"bordels" des choses comme ça... On dit toujours on est dans la bulle ici, c'est incroyable, c'est un lieu qui est un peu à part. Elles sont dans un espace particulier où elles se respectent elles-mêmes, elles respectent les autres, et c'est vraiment l'image de la bulle. On a des mamans voilées, on a des mamans couvertes de la tête aux pieds, à partir du moment où ce sont toutes des mamans ou des papas, on a des papas, et qu'elles respectent les règles, il n'y a pas de souci ».

D’autres rapportent des modifications d’attitude des parents qui leur disent : « avant je ne lui parlais pas », ou « je n’ai plus le même regard sur mon enfant », une accueillante parle d’une maman qui repart plus légère parce qu’elle a pu dire qu’elle n’en pouvait plus, une autre situe son action comme quelque chose qui sera utile à l’école… Ils parlent aussi de soulagement, d’apaisement, d’imitation (identification) et d’assimilation de manière de faire ou de s’adresser à l’enfant, d’évolution de la relation et de cheminement pour trouver sa propre solution.

Du côté des enfants aussi des changements sont rapportés, le plus souvent concernant l’agressivité ou une difficulté de séparation :

« Si je reprends l'exemple de l'enfant qui était dans l'agressivité, avec l'aide de la supervision, c'est un enfant qu'on a vu s'ouvrir ici mais ça va également au-delà du temps d'accueil, il en a tiré un bénéfice, je le sais par ailleurs ».

Les accueillants parlent de lieux de liberté, de lieux de possibles, de lieux où on n’impose pas un modèle éducatif, mais ils ont en même temps l’impression de transmettre des valeurs et une certaine qualité de relation : l’ouverture aux autres, la tolérance, la bientraitance (« ne pas taper »), que les enfants même tout petits sont des sujets, qu’on peut s’adresser à eux différemment :

« La vie, dans son côté essentiel, à savoir la parole qui circule, se bloque le moins possible, des ouvertures, en sachant que vraiment on est persuadé que pour plein de questions plein de problème, ce qui fait problème à un moment les mamans et même l’enfant sait y remédier, sait trouver des solutions. Bon, le respect d’autrui, je crois que ça c’est… la qualité d’entrer en relation avec l’autre, l’écoute, c’est tout ».

Une accueillante parle aussi de ce qui se transmet d’implicite, par le comportement et la personnalité de chacun.

Quant à savoir si ce qui est offert est en adéquation avec les attentes… sans doute puisque les gens reviennent, ce qui pose bien sûr la question, que plusieurs accueillants ont soulevée, de la raison pour laquelle certaines personnes ne reviennent pas. Mais globalement, les lieux pensent être en adéquation avec des attentes d’aide et d’écoute, des attentes de rencontres et d’échange entre adulte, des souhaits de

« socialisation » de leur enfant. Par contre ils déçoivent les parents en demande d’activités (sauf bien sûr pour les lieux qui en proposent) et de conseils d’experts.