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De la professionnalisation journalistique à la professionnalisation politique au prisme du genre

B. Du rôle des journalistes dans le processus de catégorisation

Si Jacques Gerstlé, membre de mon jury de thèse et dont j’avais suivi les cours de politiques publiques durant ma maîtrise, participait à l’époque à l’invention d’une sous-discipline en science politique – la communication politique56

– et s’il avait déjà fait œuvre de passeur de la littérature anglophone sur la question de la construction journalistique du politique, il a été très difficile pour moi de me reconnaître dans cette littérature (pour l’essentiel anglophone). Certes elle insistait sur le rôle des médias dans la construction des problèmes publics (autour notamment de la notion de framing que j’ai discuté, d’ailleurs très maladroitement, à un séminaire organisé par Jacques Gerstlé à Paris 1 après ma soutenance de thèse), mais elle présupposait surtout que les médias ont des effets sur l’opinion publique. Il s’agissait alors dans une perspective d’analyse de l’agenda setting et d’agenda building de comprendre qui des médias, du personnel politique entendu au sens large, et de « l’opinion publique » influençait l’autre. Politiste, je me rappelais avec joie mes cours de première année avec Jean-Pierre Mounier sur Lazarsfeld et les effets limités des

56 La première édition du Que sais-je de Jacques Gerstlé – La communication politique – paraît en 1992. Le manuel est sorti quelques années plus tard, en 2004, chez Armand Colin.

campagnes électorales. Marquée par la lecture de Roger Chartier sur les origines culturelles de la Révolution57

, j’étais tout à fait convaincue que les idées ne faisaient pas les révolutions. Et si la micro-histoire de Ginzburg58

m’avait ouvert l’esprit sur les usages que Menocchio pouvait faire des textes qu’il lisait, les mécanismes des effets ou des usages me paraissaient dans tous les cas beaucoup trop complexes et importants pour n’être étudiés que de manière « accessoire ».

J’étais convaincue qu’il aurait fallu mettre en place un dispositif de recherche trop lourd et coûteux pour mener à bien une sociologie de la réception et des usages. J’avais été sensibilisée à cette question par les travaux inspirés des cultural studies en participant, comme petite main en 199659

à l’enquête Téléthon coordonnée par Dominique Cardon, Jean Philippe Heurtin et l’équipe du CNET. Les dispositifs engagés par cette enquête étaient si coûteux, qu’il me semblait impossible si l’on souhaitait mener une enquête sérieuse, de travailler tout à la fois sur la production des discours médiatiques et sur la réception de ces mêmes discours60

. Du même coup, je reprenais à mon propre compte Lasswell pour exclure cette question des effets du champ de ma recherche. Celui-ci définissait l’action de communication autour de cinq questions : qui ? Dit quoi ? Par quel canal ? À qui ? Et avec quels effets ? Ces cinq questions structurent encore très largement les études en communication et créent désormais des frontières « disciplinaires » et intellectuelles quasi infranchissables entre ceux qui, faisant la sociologie du journaliste et plus largement des producteurs d’information, étudient « le qui », ceux qui analysent le contenu du discours et se chargent du « dit quoi ? », ceux qui, tenant du paradigme technologique retrouvent une forme de légitimité en étudiant le canal et ceux qui travaillent, en étude d’audience, sur le « à qui » et en étude de réception sur le « avec quels effets ? ».

En délaissant l’analyse des discours, je me situais dans une posture plus résolument sociologique, centrée sur l’analyse de leur production et de leur producteurs et productrices. Mon travail de thèse s’inscrivait donc dans le cadre d’une « sociologie du qui » pour reprendre les catégories de

57 Roger Chartier, Les origines culturelles de la Révolution française, Paris, Le Seuil, 1991.

58 Carlos Ginzburg, Le fromage et les vers. L’univers d’un meunier du XVIè siècle, Paris, Aubier 1980. Je suis ici encore une fois redevable à Bernard Pudal de m’avoir fait découvrir cet ouvrage.

59 Je date très précisément la réunion pour présenter le dispositif méthodologique de la phase « réception » de l’enquête Téléthon au 3 décembre 1996, date de l’attentat du RER B à la station Port Royal. Nous sommes sortis de l’EHESS où avec Brigitte Le Grignou nous pouvions constaté le va-et-vient des voitures à girophares dont les sirènes avaient troublé notre réunion.

60 Cf. sur ce point Brigitte Le Grignou, Du côté du public, Usages et réception de la télévision, Paris, Economica, 2003.

Lasswell, c’est-à-dire d’une sociologie des producteurs d’information permettant de comprendre les logiques de production des catégories du débat public. Il convenait ainsi à l’époque de se démarquer d’une analyse de discours pour le discours, ou même d’une démarche sémiotique jugée trop proche de la tradition littéraire et dans tous les cas éloignée des sciences sociales. Même si Simone Bonnafous, venue présenter au séminaire du DEA son livre sur les mots de l’immigration61

, m’avait fait revoir avec plus de bienveillance l’analyse de discours, je souhaitais plus radicalement inscrire ma démarche dans une sociologie de l’écriture journalistique qui tiennent compte des conditions sociales de sa production. En science politique, féru de littérature et attentif à l’idéologie, Erik Neveu62 avait lui aussi, mais autrement, contribué à réévaluer l’analyse de contenu. Hostile à l’exégèse des textes telle que la pratiquait la théorie politique, la recherche sur les discours constituait une sorte de boîte noire que les travaux d’Erik Neveu incitait à ouvrir. J’ai dans ma thèse cherché à suivre ses préconisations et j’ai décidé de prendre les textes au sérieux, comme je le ferai dans le cadre du troisième tome de cette HDR (notamment dans la partie consacrée à ELLE Magazine)63

, non pas parce que je postulais que ces textes avaient des effets directs sur le public mais plutôt, dans la lignée d’Erving Goffman64

, parce qu’ils témoignaient des représentations dominantes d’une époque et surtout parce qu’ils permettaient de comprendre et de mettre au jour les visions du monde de ceux qui les produisaient.

Pour ma thèse j’ai ainsi constitué plusieurs corpus raisonnés de textes dont le principal était composé d’articles tirés de huit quotidiens (Le Figaro, L’Humanité, l’Intransigeant, Le Matin, la Petite République, le Petit Parisien, Le Populaire et Le Temps) à raison d’un mois tous les 5 ans pour l’ensemble des titres, sur une période allant de 1905 à 1935. Ce dépouillement – représentant plus de 1 250 exemplaires – s’est principalement opéré dans les collections conservées à la bibliothèque de la rue Saint-Guillaume où les bibliothécaires, lassé.es de me remonter des journaux ou micro-fiches, avaient gentiment décidé de m’installer un bureau au sous-sol. Cette entreprise s’est révélée particulièrement chronophage (comme le sera d’ailleurs le dépouillement de ELLE à la bibliothèque Forney durant mon CRCT au premier semestre 2014 sur lequel je reviendrai) et n’a pas eu les résultats attendus au regard du temps investi, même si aujourd’hui

61 Simone Bonnafous, L’immigration prise aux mots, Paris Kimé, 1991.

62 Erik Neveu, « Pages « Politique » », Mots, décembre 1993, N°37. Rhétoriques du journalisme politique. pp. 6-28.

63 On verra plus loin, que pour mon analyse de la presse féminine et féministe, j’ai aussi consulté les collections d’Histoires d’Elles et de F. Magazine.

64 Erving Goffman, « La ritualisation de la féminité », Actes de la recherche en sciences sociales. Vol. 14, avril 1977. Présentation et représentation du corps. pp. 34-50.

encore ce travail me semble indispensable à la bonne compréhension du travail journalistique. Deux types d’analyses ont été menées sur ce corpus : l’une visant à repérer le rubriquage dont faisait l’objet le « social » et une autre, plus thématique, destinée à identifier les objets associés à la rubrique et les angles choisis pour les traiter. L’analyse en terme de rubriquage m’a ainsi permis de montrer comment les questions sociales s’inscrivaient en tant que telles et durablement dans les colonnes des journaux. S’agissant de l’inscription durable de la rubrique dans l’espace rédactionnel des journaux, j’ai fait apparaître sur une longue période une forme d’institutionnalisation de la catégorie. Les changements d’intitulés de la rubrique révèlent aussi ceux des représentations du social que donnent à voir les titres. Comme dans d’autres espaces – politique ou académique – où il est utilisé pour qualifier certains objets ou secteurs d’activité (la prévoyance, les assurances, un ministère etc.), le social est régulièrement associé dans les journaux à d’autres items relativement stables : « la vie », « les questions », « le mouvement » servent ainsi de référence aux rubriques des journaux étudiés, au même titre que « la vie parlementaire », « le théâtre », « le sport », « la chronique judiciaire » ou « les faits-divers ». Cette première analyse m’a permis ensuite d’identifier les principales « informations » qui s’y rattachent, à savoir des « faits » ou des questions touchant pour le dire vite, les classes populaires en général et la population ouvrière en particulier. En me recentrant sur les textes produits dans cette rubrique et en menant sur ces textes une analyse thématique et qualitative, j’ai pu affiner ce constat. Les rubriques traitant du « social » parlaient certes des populations ouvrières, mais elles en parlaient en empruntant deux registres particuliers déjà repérés par Claude Grignon et Jean Claude Passeron65

dont la lecture de l’ouvrage m’avait particulièrement « bousculée ». Ces deux « registres » sont, on le sait, celui du misérabilisme, qui décrit les formes de la misère humaine sur un mode à la fois empathique et distant, et du populisme qui exaltent les luttes ouvrières, l’action syndicale, en faisant des compte-rendu « enthousiastes » des grèves et des premières conquêtes du droit du travail.

Ces résultats me semblaient à l’époque décevants, après un tel investissement empirique. Ils m’ont conduit à me poser la question d’une exploitation plus systématique des textes par le biais

notamment des logiciels d’analyse sémantique et textuelle, à laquelle j’ai finalement renoncée66

. L’essentiel n’était à mes yeux pas là. Cette représentation du monde ouvrier dévoilée par l’analyse de contenu devait en effet être rapportée à la position des journalistes spécialisés dans le social. En réalisant les biographies de ceux dont la signature apparait au bas des articles, j’ai pu montrer le rapport ambivalent de ces intellectuels au monde ouvrier. Sans pouvoir utiliser une méthode statistique fiable sur un échantillon trop limité (et sur lesquels je ne disposais que de peu de sources, j’y reviendrai), l’analyse qualitative des biographies fît apparaître deux types de trajectoires déjà identifiées par Bernard Pudal à propos des dirigeants communistes des débuts du PCF67

: celles de journalistes d’origine populaire, pour lesquels ce métier constituait une forme d’ascension sociale, et celles de journalistes d’origine plutôt bourgeoise pour lesquels ce métier était un moyen d’échapper au déclassement.

Cependant, l’analyse des productions journalistiques n’épuise en rien les mécanismes de compréhension des logiques du travail journalistique. Si je voyais mieux ce qu’était le social dans la presse du début du XXe siècle, si ses contours pouvaient s’expliquer par la position des journalistes qui les produisaient, ces résultats ainsi obtenus ouvraient de nouvelles perspectives. L’analyse thématique a été complétée par une prosopographie des journalistes sociaux. A partir de la liste d’une centaine de membres du Syndicat général des journalistes professionnels (créé en 1905), j’ai constitué une base de données comportant des renseignements biographiques ainsi que des éléments relatifs à leurs engagements et à leur parcours professionnel. Parmi cette centaine de journalistes, j’ai pu repérer deux femmes : Marthe Pichorel et Marguerite de Rochebrune qu’Internet permet désormais de situer clairement comme des militantes de la cause des femmes, ce qui à l’époque m’avait en partie échappé. Cette démarche visait à déterminer les contours sociologiques du groupe et à comparer ses membres aux profils sociologiques d’autres rubricards, comme les critiques « littéraires » et de théâtre ou les chroniqueurs politiques afin de mieux comprendre le processus de professionnalisation journalistique dans sa complexité c’est-à-dire comme le produit de luttes entre différents segments professionnels.

66 Si la volonté initiale de s’inscrire dans une discipline – la science politique – durant le travail de thèse explique certainement pourquoi j’ai renoncé à l’époque à l’analyse sémiologique (que rejetait alors la science politique), il aurait été possible d’envisager, une analyse lexicométrique qui aurait sans aucun doute permis de dévoiler des logiques plus subtiles de description de la réalité sociale même si l’analyse thématique reste plus attentive aux conditions de production du discours qui m’intéressaient alors.

Je n’avais trouvé au moment de ma thèse que peu de renseignements biographiques sur ces femmes journalistes, comme d’ailleurs sur beaucoup d’autres membres du syndicat général des journalistes professionnels. La méthode prosopographique me conduisait à passer des heures à dépouiller les fichiers « biographies » de la magnifique bibliothèque administrative de la ville de Paris. Je me souvenais alors du cours que Christophe Charle nous avait dispensé au DEA de sciences sociales sur cette méthode et sur son caractère « besogneux » lorsqu’il l’avait notamment appliquée aux professeurs du Collège de France68

. Aujourd’hui, en tapant les noms de certains « enquêté.es » sur Internet, la démarche semble désormais beaucoup plus facile. On dispose si ce n’est d’une biographie sommaire des individus, du moins de pistes susceptibles d’orienter les recherches en bibliothèque toujours irremplaçables lorsqu’il s’agit de trouver des documents originaux ou inédits sur nos enquêté.es69

.

Cette sociologie des producteurs devait cependant tenir compte d’une contrainte supplémentaire que tout jeune chercheur.e travaillant sur les médias au début des années 90, s’imposait alors. Philipe Schlesinger70 dans un article traduit par la revue Réseaux, invitait dans un programme que nombre d’entre nous trouvèrent séduisant : à éviter désormais le médiacentrisme, c’est-à-dire de travailler uniquement sur les journalistes (comme avaient tendance à le faire les sociologues des newsrooms) pour se tourner vers l’analyse des sources d’information, en particulier les sources professionnalisées. C’est ainsi que Jean-Baptiste Legavre a consacré sa thèse aux communicants en 199371

. Cette attention particulière portée aux sources d’information m’a conduite à ne jamais perdre de vue, celles et ceux qui étaient les « sources » privilégiées des journalistes sociaux tels que les membres des organisations syndicales que j’avais commencé à étudier dans le cadre de mon DEA à l’ISST et les sources gouvernementales spécialisées sur les questions sociales, en l’occurrence les agents du ministère des Affaires sociales où j’avais fait un stage (juste avant la défaite de la gauche) en mars 1993. J’en ai tiré mes premiers articles publiés dans des revues

68 Christophe Charle, Les Professeurs du Collège de France, dictionnaire biographique (1901-1939), Paris, Editions du CNRS-INRP, 1988 (en collaboration avec Eva Telkes), 248 pages.

69 Durant ma thèse, j’ai ainsi beaucoup fréquenté la bibliothèque administrative de la ville de Paris qui dispose d’un fichier par entrée biographique recensant des nécrologies ou des notices de dictionnaires qui ne sont pas accessibles en numérique. Je suis retournée visiter ces fichiers et j’ai ainsi pu mettre la main sur une interview biographique d’Hélène Gordon-Lazareff, parue dans la Revue des deux mondes, qui est certes disponible en ligne mais non référencée, en dehors du fichier de la BAVP.

70 Philip Schlesinger, « Repenser la sociologie du journalisme. Les stratégies de la source d'information et les limites du média-centrisme », Réseaux, 1992, volume 10 n°51. pp. 75-98.

71 Jean-Baptiste Legavre, Conseiller en communication politique. L’institutionnalisation d’un rôle, Thèse de science politique, Université Paris 1, 1993.

scientifiques : celui dans Politix en 1992 sur la conférence de presse des organisations syndicales72

, et en 1993, sur l’invention de la communication au ministère des Affaires sociales dans la Revue française des affaires sociales73

. Cette démarche attentive à éviter le média-centrisme montrait que la production journalistique, loin d’être une production autonome, est une co-production née des interactions et des rapports de force entre journalistes et sources d’information.

C’est aussi de cette manière que j’ai choisi d’aborder beaucoup plus tard à mon arrivée au CRPS en 2003, la production de l’altermondialisme par les médias. Ce travail s’est inscrit dans le cadre d’une enquête collective sur le Forum Social Européen de Paris de 2003, financée par une ACI et co-dirigée par Eric Agrikoliansky et Isabelle Sommier. Dans ce cadre, et heureuse de m’engager dans un projet collectif de laboratoire, j’ai d’abord participé comme « petite main » à la passation de questionnaires lors du forum lui-même (en particulier sur le site de La Villette, là où se tenait l’un des media centers de l’événement). Dans le même temps, j’ai mené une enquête plus personnelle sur le traitement médiatique de l’événement. Participer ainsi à une enquête collective avec des étudiant.es et des collègues, après mon passage « solitaire » à Évry a été pour moi une expérience très riche et très agréable qui m’a fait comprendre ce qu’était un collectif de recherche en sciences sociales. Par la suite, nous avons participé à différentes rencontres européennes, notamment à Florence (séminaire de travail), à Lausanne74

et même au congrès de l’AFSP à Lyon en 200575

. Je garde aujourd’hui une forme de nostalgie de ce travail d’enquête notamment parce qu’il permettait de faire vivre collectivement le laboratoire par l’organisation de séminaires avec les doctorant.es notamment pour l’élaboration des questionnaires que nous avions fait passer ensemble lors de la réunion du FSE à Saint Denis.

Mon idée était de prolonger les problématiques développées dans ma thèse (en étudiant comment

72 « La conférence de presse : les transactions entre syndicalistes et journalistes sociaux », Politix n°19 , Octobre 1992. [Texte n°1 Volume 2]

73 « L’invention de la communication : La mise en place d’un SICOM, au ministère de la Solidarité, de la Santé et de la Protection Sociale en 1990 », Revue française des Affaires Sociales, n°3, juillet/septembre 1993, 47è année [Texte n°2 Volume 2]

74 « What does sociology of journalistic profession teaches us about social movement coverage ? » journées d’études organisée dans le cadre de l’ACI Réseau européen : « Les mobilisations contre la mondialisation néo-libérale. Approches comparées » (octobre 2003 -2006), Université de Lausanne, Avril 2005.

75 « Pour une approche " interactionniste " des relations entre journalistes et acteurs des mouvements sociaux : les médias et le mouvement altermondialiste ». Communication au congrès de l’association française de science politique, Lyon, septembre 2005.

les « nouveaux » journalistes sociaux « s’en sortaient » désormais avec les nouveaux mouvements sociaux), mais aussi d’éviter le biais de la critique médiatique et de la dénonciation des pratiques journalistes qui constituaient depuis la sortie du livre de Bourdieu Sur la télévision en 199676

, une pratique très répandue dans les milieux académiques. J’avais moi-même cédé à cette tentation dans un article sur le mouvement de décembre 1995 publié par Michel Vakaloulis, dans la collection Actuel Marx77

. Une version de cet article a été par la suite re-publiée dans la revue Réseaux sans toutefois corriger complètement les défauts de l’article initial78

. Même si méthodologiquement ce travail se fondait sur l’analyse d’une revue de presse et sur des entretiens réalisés avec les journalistes ayant suivi cette actualité, il s’agissait d’abord et avant tout de montrer que les journalistes avaient finalement « mal traité » ce mouvement social, voire avait mal traité (maltraité ?) ses acteurs syndicalistes et ouvriers.

En renouant avec l’analyse du traitement médiatique des mouvements sociaux, je souhaitais éviter de retomber dans ce travers dénonciateur en prenant véritablement au sérieux l’idée que le traitement d’un mouvement social comme celui-ci était le résultat d’une co-production entre les acteurs de ce mouvement, les journalistes et leur environnement. Renoncer à cette posture a été en quelque sorte facilité par le fait que la critique médiatique est constitutive des mouvements altermondialistes79

et que les rapports entre les médias et les acteurs de ce mouvement font l’objet