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Un examen plus approfondi de la bande de vibration ν{CoII-N} révèle cependant des différences entre les états CoIIFeIII et (CoIIFeIII)* de Na2CoFe. En effet, la différence d’énergie Δν{CoII

-N} entre les deux contributions de cette bande de vibration dépend de l’état électronique du système : dans l’état CoII

FeIII, la différence Δν{CoII

-N}@CoIIFeIII est de 26 cm-1 ; dans l’état (CoII

FeIII)*, la différence Δν{CoII

-N}@(CoIIFeIII)* est de 23 cm-1. Ces variations de Δν sont significatives au regard de la précision de mesure et de la détermination de la position des bandes IR de Na2CoFe (± 0,5 cm-1).

Le déplacement global vers les hautes énergies des deux contributions de la bande ν{CoII

-N} lors du passage de l’état CoII

FeIII (T = 300 K) à l’état (CoIIFeIII)* (T = 50 K), visible sur la Figure 48a, peut être qualitativement expliqué en termes de contraction thermique de la maille de l’ABP Na2CoFe, ce qui provoque un renforcement de la liaison CoII-N (perturbée ou non par l’interaction Na+---CN-). Cependant, les deux contributions ν{CoII-N}@{Co-N≡C---Na+} et ν{CoII-N}@{Co-N≡C---Ø} associées à la liaison CoII-N pour des ponts cyanure en interaction ou non avec le cation sodium sont très similaires ; les comportements thermiques de ces deux contributions devraient donc être (quasiment) identiques. En conséquence, les différences observées pour Δν ne peuvent pas être expliquées uniquement par des effets thermiques. En conclusion, cette différence d’énergie Δν, plus marquée dans l’état CoII

FeIII, suggère une interaction Na+---CN- plus forte dans l’état CoIIFeIII que dans l’état (CoIIFeIII)*.

Outre ces dédoublements inéquivalents de la bande de vibration ν{CoII-N}, les spectres IR obtenus pour les états CoIIFeIII et (CoIIFeIII)* de Na2CoFe diffèrent également sur la gamme spectrale associée aux liaisons O-H (Figure 49). Les trois bandes de vibration ν{O-H}@{(H2O)2}, ν{O-H}@{CoII-OH2} et ν{O-H}@{Na+

---OH2} (attribuées dans le Chapitre III) sont présentes sur le spectre MIR de Na2CoFe aussi bien dans l’état CoII

FeIII que dans l’état (CoIIFeIII)*, en accord avec l’état électronique du système. La position en énergie de ces trois bandes varie très peu entre les deux états CoIIFeIII et (CoIIFeIII)*. Cependant, l’intensité de la bande ν{O-H}@{Na+

---OH2} est très différente entre les deux états. Cette augmentation de l’intensité de la bande ν{O-H}@{Na+

---OH2} dans l’état (CoII

FeIII)* peut être due soit à une modification du moment de transition associé à ce vibrateur, soit à une variation du nombre de liaisons ν{O-H}@{Na+---OH2} dans le système en fonction de l’état électronique de celui-ci. Le moment de transition associé à ce vibrateur étant a priori sensiblement le même quel que soit l’état électronique de l’ABP Na2CoFe, cette modulation d’intensité est attribuable à un nombre variable d’entités {Na+

---OH2} dans le système. Le nombre de cations sodium étant constant, cette variation du nombre d’entité {Na+

---OH2} est donc due à une variation du nombre de molécules d’eau dans la sphère de coordination des cations sodium, les molécules d’eau zéolitiques jouant le rôle de réservoir pour ces molécules d’eau coordinées au cation sodium.

En conclusion, l’étude LIR du composé Na2CoFe dans les états CoIIFeII et (CoIIFeIII)* suggère une interaction plus marquée entre le cation sodium et le réseau bimétallique dans l’état CoII

nombre de molécules d’eau dans la sphère de coordination du cation sodium est plus important dans l’état (CoIIFeIII)*.

Figure 49 – Spectres MIR du composé Na2CoFe dans les états CoIIFeIII (T = 300 K ; trait plein) et

(CoIIFeIII)* (T = 50 K ; trait pointillé) dans la gamme spectrale associée à la vibration ν{O-H} des molécules d’eau n’étant pas impliquées dans un réseau de liaisons hydrogène. La position de la bande

de vibration ν{O-H}@{Na+---OH2} est indiquée par un trait vertical.

4. Positionnement du cation sodium dans les états Co

II

Fe

III

et (Co

II

Fe

III

)

*

Ces différents environnements pour le cation sodium (interactions Na+---CN- de nature différente, nombre variable de molécules d’eau dans la sphère de coordination du cation sodium) suggèrent différentes positions pour le cation sodium au sein de l’ABP Na2CoFe en fonction du stimulus (température ou lumière) utilisé pour peupler l’état électronique CoIIFeIII. Ces observations sont en parfaite adéquation avec les conclusions du Chapitre III révélant deux positions possibles pour le cation sodium dans l’analogue Na2CoFe. Les deux positionnements proposés à la Figure 43b (cation sodium positionné au centre des faces {Co2Fe2}) et à la Figure 44a (cation sodium positionné selon l’axe C3, proche du cation cobalt) peuvent être complétés de manière à tenir compte des propriétés chimiques du cation sodium.

Le cation sodium présente habituellement une sphère de coordination tétraédrique ou octaédrique.[112] Au vu du nombre important de molécules d’eau zéolitiques dans les ABP, la sphère de coordination du cation sodium est a priori composée des ponts cyanure avec lesquels il interagit puis complétée par des molécules d’eau. Deux sphères de coordination, inspirées des positionnements retenus au Chapitre III pour le cation sodium, peuvent ainsi être proposées (Figure 50).

Figure 50 – Différentes sphères de coordination pour le cation sodium au sein de l’ABP Na2CoFe. (a) Cation sodium en géométrie tétraédrique, positionné sur l’axe C3 (en bleu) ; (b) cation sodium en géométrie octaédrique, placé au centre d’une face {Co2Fe2}. Les interactions Na+---L sont représentées

par des pointillés rouges. La présence de lacunes en entités {Fe(CN)6} n’est pas représentée dans un souci de clarté.

Ces deux sphères de coordination du cation sodium sont compatibles avec les signatures IR observées pour l’ABP Na2CoFe dans les états CoIIFeIII et (CoIIFeIII)* :

- Sphère de coordination tétraédrique (Figure 50a). Le cation alcalin interagit avec trois ponts cyanure adjacents. Le cation sodium peut se positionner librement le long de l’axe C3 : la distance d(Na+---CN-) est donc la distance d’équilibre de l’interaction Na+---CN-. En conséquence, l’interaction Na+

---CN- devrait être relativement forte dans ce cas de figure. La sphère de coordination du cation sodium est complétée par une molécule d’eau, d’où la présence d’une bande de vibration ν{O-H}@{Na+---OH2} relativement faible en intensité. Toutes ces propriétés concordent avec les signatures spectrales de l’état CoII

FeIII.

- Sphère de coordination octaédrique (Figure 50b). Le cation sodium est positionné au milieu d’une face {Co2Fe2} et interagit avec les quatre ponts cyanure adjacents. La distance d(Na+---CN-) est imposée par la géométrie du système et cette distance (environ 2,58 Å) est légèrement supérieure aux distances d(Na-L) habituellement rencontrées dans la littérature.[112, 172] En conséquence, le cation sodium interagit plus faiblement avec les ponts cyanure que dans le cas tétraédrique. La sphère de coordination du cation sodium est complétée par deux molécules d’eau placées en positions axiales, d’où la présence d’une bande de vibration ν{O-H}@{Na+

---OH2} plus intense que dans le cas tétraédrique. Toutes ces propriétés concordent avec les signatures spectrales de l’état (CoII

FeIII)*.

En conclusion, la comparaison des spectres IR de l’ABP Na2CoFe dans les états CoIIFeIII et (CoIIFeIII)* suggère deux positions pour le cation sodium, associées à deux géométries locales et deux sphères de coordination distinctes pour celui-ci en fonction du stimulus mis en œuvre pour peupler l’état électronique CoIIFeIII.

Une distorsion de cette géométrie présentant un cation sodium plus proche d’un des sommets du carré {Co2Fe2} paraît peu probable, celle-ci provoquant une brisure de symétrie et une diminution du nombre de voisins dans la sphère de coordination du cation sodium. De plus, la gêne stérique ressentie par les molécules d’eau coordinées au cation sodium, situées de part et d’autre du carré {Co2Fe2}, serait très nettement amplifiée.

Cette étude de l’ABP Na2CoFe suggère l’existence de multistabilités au sein des ABP AxCoFe. L’existence des trois états CoII

FeIII, (CoIIFeIII)* et CoIIIFeII au sein de l’ABP Na2CoFe, issus de la combinaison de propriétés électroniques (liées au réseau bimétallique) et structurales (liées à la position du cation sodium), remet ainsi en cause le modèle classique à deux états utilisé pour décrire ces systèmes. Ce travail montre la pertinence de la question de l’(in)équivalence des états thermo- et photo-induits dans les systèmes commutables.

Déplacement thermiquement activé du cation sodium