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Présentation des analogues du bleu de Prusse III

4. Analogues du bleu de Prusse cobalt-fer

Les ABP AxCoFe présentent une bistabilité électronique reposant sur les états CoII(HS)-NC-FeIII(BS) et CoIII(BS)-NC-FeII(BS)[60] (par la suite, nous utiliserons les notations « CoIIFeIII » et « CoIIIFeII » pour désigner ces états). D’un point de vue structural, cette transition s’accompagne d’une importante contraction/dilatation de la maille élémentaire de l’ABP, le paramètre de maille valant 10,30 Å dans l’état CoII

FeIII[61] contre 9,96 Å dans l’état CoIIIFeII.[61] Cette variation du paramètres de maille est essentiellement due à la variation de la distance cobalt-ligand lors de la transition électronique (d(CoII-N) = 2,08 Å ; d(CoIII-N) = 1,91 Å).[60-61] Cette transition électronique peut être activée thermiquement,[31] par irradiation dans le visible[30] ou dans certaines gammes de rayonnement X, ou encore par application d’une pression hydrostatique.[42, 62] Les différents états présentés par les composés de cette famille sont présentés de manière simplifiée Figure 13.

Expérimentalement, l’impact du nombre de cations alcalins insérés dans la structure[63]

et de leur nature[58] a été mis en évidence ; par exemple, le composé Cs0,7CoFe se trouve dans l’état CoII

FeIII dans les CNTP[63] tandis que le composé Cs2,0CoFe se trouve dans l’état CoIIIFeII dans les mêmes conditions.[63] La nature du cation alcalin inséré dans la structure peut également modifier la stabilité relative des états électroniques des ABP : le composé Rb1,8CoFe se trouve dans l’état CoIIIFeII dans les CNTP[56] tandis que le composé Na2,0CoFe se trouve dans l’état CoIIFeIII dans les mêmes conditions.[31, 64] Ces données expérimentales mettent en avant le rôle majeur de la nature du cation alcalin dans ces composés, ainsi que celui des lacunes (les nombres de lacunes et de cations alcalins étant liés dans les ABP).

Plusieurs travaux dits de « dilution de métaux » ont étés réalisés sur la famille AxCoFe.[65-66] Dans ces travaux de dilution de métaux, le réactif initial [Co(OH2)6]2+ (resp. [Fe(CN)6]3-) est remplacé en partie par un autre cation métallique [M(OH2)6]2+ (resp. [M’(CN)6]3-), ce qui a pour conséquence de remplacer une partie des enchaînements commutables CoII/III-NC-FeIII/II par des enchaînements MII-NC-FeIII (resp. CoII-NC-M’III) ne présentant pas de commutation électronique (par exemple : MII = NiII ou ZnII ;

Ce composé présentant une boucle d’hystérèse thermique, les températures de transition ascendante et descendante diffèrent.

Ces valeurs peuvent varier légèrement en fonction de la formule de l’ABP AxCoFe.

Les composés Na2,0CoFe, K1,8CoFe, Rb1,8CoFe et Cs2,0CoFe reviendront régulièrement dans ce manuscrit. Par souci de simplicité, ils seront notés sous la forme générale A2CoFe dans la suite de ce mémoire. Cette approximation est par ailleurs justifiée au vu de la précision de la mesure de la valeur de x par analyse élémentaire (incertitude d’environ ± 0,1 pour les ABP AxCoFe).

M’III

= CoIII). Pour de forts taux de dilution, les enchaînements CoII/III-NC-FeIII/II, actifs lors de la transition électronique, sont statistiquement isolés dans une matrice ne présentant pas de commutation. Expérimentalement, la transition CoIIFeIII CoIIFeIII est cependant toujours possible dans ces composés à forte dilution, ce qui révèle une transition électronique fortement localisée à l’échelle de la paire cationique Co/Fe.

Figure 13 – Représentation schématique des différents états électroniques rencontrés dans les

composés de type AxCoFe (a) à température variable ; (b) à pression hydrostatique variable.

De nombreuses études ont proposé une explication à ces propriétés de bistabilité électronique des ABP AxCoFe en termes de variation de paramètre de champ cristallin.[56-57, 67-68] Par exemple, l’impact du nombre de cations alcalins par maille sur les propriétés électroniques des ABP AxCoFe peut être justifié de cette manière (l’insertion de cations alcalins s’accompagnant d’une modification de la sphère de coordination des cations cobalt en jouant sur le nombre de lacunes en entités {Fe(CN)6} ; voir la Figure 11). La transition induite sous pression entre les états CoIIFeIII et CoIIIFeII peut également s’expliquer par une variation du paramètre de champ cristallin autour du cation cobalt accompagnant le renforcement de l’interaction entre le cation cobalt et le pont cyanure.

Cependant, certaines des observations expérimentales présentées ci-avant ne peuvent pas être expliquées dans le cadre du modèle du champ cristallin. Par exemple, les ABP Na2CoFe et Rb2CoFe présentent le même nombre de cations alcalins et donc le même nombre de lacunes en entités {Fe(CN)6}. En conséquence, ces deux ABP possèdent un même réseau bimétallique et une même sphère de coordination associée aussi bien aux cations cobalt que fer. Comme le modèle du champ cristallin repose sur une

description de cette sphère de coordination, celui-ci ne rend pas compte du rôle de la nature du cation alcalin dans la modulation des propriétés électroniques des ABP AxCoFe.

De la même manière, les études de dilution de métaux dans les ABP AxCoFe montrent une conservation des propriétés de commutation à l’échelle de la paire Co/Fe pour des matrices très différentes. En effet, le paramètre de maille du réseau peut varier très fortement lors de la dilution (entre 9,90 Å et 10,40 Å pour la série de dilution au zinc par exemple).[65] Dans le modèle du champ cristallin, cette très forte variation du paramètre de maille devrait s’accompagner d’un bouleversement des propriétés électroniques des ABP AxCoFe, ce qui n’est pas observé expérimentalement.

Enfin, plusieurs études expérimentales montrent que la variation du paramètre de champ cristallin reste très limitée sur une large gamme d’ABP AxCoFe,[57-58] remettant en cause le rôle de ce paramètre dans les propriétés de commutation de ces systèmes. Afin de rendre compte de ces différentes propriétés électroniques, d’autres explications (notamment en termes de redistribution de charge à l’origine de la modification du potentiel rédox des couples CoIII/CoII et FeIII/FeII) ont été avancées.[58]

Ces résultats démontrent le caractère particulier des ABP, faisant intervenir en même temps des notions de champ cristallin, de redistribution électronique, de modifications structurales, etc. Dans le cadre de ce travail de thèse, nous nous sommes intéressés à ces questions et nous nous sommes efforcés de rationaliser les phénomènes de commutation présents dans les ABP AxCoFe à partir d’observations et de modélisations effectuées (principalement) sur cette famille de composés.

Présentation de la problématique