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Révision de la diastéréosélectivité du réarrangement d’Ireland-Claisen

Développement d’une voie d’accès à des δ-lactones α-hydroxylées

3.2.2. Révision de la diastéréosélectivité du réarrangement d’Ireland-Claisen

L’α-hydroxy ester β-allénique III.19 a été traité par une quantité catalytique de AgNO3 (10 mol %) dans l’acétone ce qui a permis d’obtenir le dihydrofurane III.23 sous la forme d’un unique diastéréomère (70%). Ce résultat est en accord avec le transfert de chiralité axiale à centrée décrit dans la bibliographie pour les cyclisations d’alcools α-alléniques catalysées par l’argent.100 Cependant, aucune corrélation permettant d’établir sans ambiguïté la configuration relative des substituants n’a été relevée sur le spectre NOESY du dihydrofurane III.23. Il en a été de même pour le composé III.24, préparé à partir de III.23 par réduction de la fonction ester suivie de l’acétylation de l’alcool résultant (70%, deux étapes à partir de III.23) malgré la présence de signaux supplémentaires dus aux protons en α du groupement acétoxy (Schéma III.45).

L’α-hydroxy ester III.22 a également été converti en dihydrofurane III.25 (91%) avec un excellent transfert de chiralité (rd > 95:5) et la fonction ester a été réduite en alcool III.26 (68%). Il n’a pas non plus été possible d’attribuer la configuration relative des dihydrofuranes III.25 et III.26 par RMN (NOESY). Nous avons alors effectué l’hydrogénation de la double liaison du dihydrofurane III.26, dirigée par l’alcool primaire en position homoallylique, en présence du catalyseur de Crabtree [Ir]-I (10 mol %).58 Le tétrahydrofurane III.27 a été obtenu avec une excellente diastéréosélectivité (rd > 95:5) mais le seul effet Overhauser pertinent observé dans le spectre NOESY de ce dernier composé a servi à confirmer que l’addition du dihydrogène s’était effectuée en cis du groupement hydroxyméthyle (Schéma III.46).

Schéma III.46

Cependant, les valeurs des constantes de couplage entre les protons en α de l’atome d’oxygène des 2,5-dihydrofuranes 2,5-disubstitués peuvent être utilisées pour attribuer leur configuration relative. En effet, la constante de couplage entre H2 et H5 est plus faible dans le cas du diastéréomère cis que dans celui du diastéréomère trans.117,118 Toutefois, il était nécessaire de disposer de l’épimère du dihydrofurane III.25 pour établir sans ambiguïté la stéréochimie relative. Conformément aux travaux de Marshall et al.,100 la configuration de l’alcool α-allénique a pu être inversée grâce à une réaction de Mitsunobu, en utilisant l’acide para-nitrobenzoïque comme

117 a) C. Barbier, D. Gagnaire, P. Vottero, Bull. Soc. Chim. Fr. 1968, 6, 2330-2338; b) H. Günther, G. Jikeli, Chem.

Rev. 1977, 77, 599-637.

118 a) J. De Pascal, S. Vicente, M. S. Gonzalez, I.S. Bellido, Phytochemistry 1983, 22, 2235-2238 ; b) M. Honel, H. S. Mosher, J. Org. Chem. 1985, 50, 4386-4388; c) H. Yamakoshi, Y. Sawayama, Y. Akahori, M. Kato, S. Nakamura,

Org. Lett. 2016, 18, 3430. H O OMe HO BnO Ph AgNO3 (10 mol %) Acétone, ta, 18h 91% O Ph BnO MeO O H H III.22 (rd > 95:5) III.25 (rd > 95:5) O Ph BnO HO O Ph BnO HO H [Ir]-I (10 mol %) H2 (1 atm) CH2Cl2, ta 66% DIBAL-H CH2Cl2, -10 °C 68% III.26 III.27 (rd > 95:5) H H H H Ir N PCy3 PF6 [Ir]-I : H H nOe

nucléophile, suivie d’une transestérification du para-nitrobenzoate résultant par le méthanol (K2CO3, MeOH, ta). L’α-hydroxy ester III.28 ainsi obtenu (62%, deux étapes à partir de III.25) a été transformé en dihydrofurane III.29 (91%) par traitement avec une quantité catalytique de AgNO3 dans l’acétone. Les spectres RMN 1H des dihydrofuranes épimères III.25 et III.29 ont alors été comparés et notamment le signal relatif au proton en α de la fonction ester. Dans le cas de III.25, ce dernier proton (H2) apparaît comme un singulet élargi avec une structure fine révélant de faibles couplages (< 1,5 Hz) avec le proton vinylique et les protons allyliques (dont H5). En revanche, dans le spectre de III.29, le proton H2 apparaît clairement sous forme d’un doublet de multiplets avec une constante de couplage H2-H5 dont la valeur peut être estimée à 5.6 Hz. Ces résultats permettent d’attribuer raisonnablement une configuration 2,5-cis et 2,5-trans, respectivement, aux dihydrofuranes III.25 et III.29 (Schéma III.47).119

Schéma III.47

Par conséquent, la diastéréosélectivité proposée pour le réarrangement d’Ireland-Claisen du glycolate propargylique III.13 était opposée à celle rapportée par Fujisawa et al. pour cette famille de substrats.87 Rappelons cependant que cette dernière attribution stéréochimique reposait sur une expérience de RMN, en présence du complexe d’Europium [Eu(fod)3)] comme agent de déplacement chimique, dont les détails expérimentaux n’avaient pas été fournis (Schéma III.48).

119 Ce résultat sera confirmé ultérieurement sans ambiguïté par l’obtention d’un cliché de diffraction des rayons X d’une δ-lactone α-hydroxylée issue de la cyclisation d‘un α-hydroxy acide β-allénique.

Schéma III.48

Afin de vérifier que cette différence de stéréosélectivité n’était pas due au choix du substrat III.13 comportant une fonction éther de benzyle, la réactivité du glycolate III.31 comportant des substituants méthyle et n-hexyle, plus proches de ceux utilisés par Fujisawa et al., a été examinée. Sa synthèse a été réalisée par addition du propynyllithium (engendré in situ par traitement du 1-bromo-1-propène avec le n-butyllithium)50 sur l’heptanal suivie du couplage de l’alcool propargylique III.30 avec l’acide carboxylique III.9 et d’une désilylation de l’alcool primaire (68%, trois étapes à partir de l’heptanal). Le réarrangement d’Ireland-Claisen du glycolate III.31 a été réalisé en présence de LiHMDS et TMSCl (THF, -78 °C à ta). Après hydrolyse, l’α-hydroxy acide III.32 a été converti en ester méthylique III.33, isolé avec un rendement global de 55% sur la séquence à partir du glycoate III.31 avec une très bonne diastéréosélectivité (rd = 95:5). La comparaison des spectres de RMN de l’α-hydroxy ester III.33 avec ceux des deux diastéréomères décrits par Marshall et al.100 a permis d’attribuer la configuration relative et de remettre définitivement en cause les résultats précédemment décrits dans la bibliographie sur la diastéréosélectivité du réarrangement d’Ireland-Claisen des glycolates propargyliques (Schéma III.49).

Schéma III.49

La diastéréosélectivité observée pour le réarrangement d’Ireland-Claisen des glycolates III.E pourrait donc être expliquée par un modèle d’état de transition cyclique à six centres préférentiellement de conformation pseudo-chaise ET2 (et non pseudo-bateau comme suggéré initialement par Fujisawa et al.87) dans laquelle le substituant en position propargylique occuperait une position pseudo-équatoriale (Schéma III.50).

Le résultat stéréochimique du réarrangement d’Ireland-Claisen des glycolates propargyliques ne correspond donc pas à celui auquel nous nous attendions après notre examen initial de la bibliographie. Toutefois, nous avons poursuivi nos investigations sur le champ d’application du réarrangement d’Ireland-Claisen des glycolates III.E pour accéder aux α-acétoxy acides carboxyliques III.C’ diversement substitués, ainsi que sur la mise au point de la cyclisation de ces acides β-alléniques III.C’ en δ-lactones insaturées III.B’ (Schéma III.51). Cette séquence, indépendamment de la configuration relative des composés formés présenterait un intérêt général en termes de méthodes de synthèse stéréosélective étant donné le peu de travaux décrits sur les cyclisations 6-endo-trig d’acides β-alléniques fonctionnalisés.