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Le réarrangement d’Ireland-Claisen en série propargylique

Développement d’une voie d’accès à des δ-lactones α-hydroxylées

2. Rappels bibliographiques

2.1.2 Le réarrangement d’Ireland-Claisen en série propargylique

Appliqué aux esters dérivés d’alcools propargyliques L9, le réarrangement d’Ireland-Claisen permet de synthétiser, via les acétals de cétène intermédiaires L10 des acides homoalléniques L11. 85 Aucune étude systématique n’a été menée sur la réactivité d’esters de propargyle diversement substitués, ni sur la diastéréosélectivité de ce réarrangement qui peut créer, selon les substituants, jusqu’à deux centres stéréogènes : un carbone asymétrique en α du groupement carbonyle (R3≠ H) et un allène chiral (chiralité axiale) (R2 ≠ H) (Schéma III.7).

Schéma III.7

Seules deux études ont été réalisées sur ce type de substrats dans les années 1980. Quelques applications du réarrangement d’Ireland-Claisen d’esters propargyliques ont été décrites mais nous ne les évoquerons pas ici.

Baldwin et al. ont montré que le réarrangement d’Ireland-Claisen d’esters propargyliques pouvait être réalisé dans des conditions similaires à celles utilisées pour les esters d’allyle, par énolisation (LiHMDS ou LDA, THF, -78 °C) suivie d’une silylation (TMSCl) et d’un chauffage à 40 °C.86 Ainsi, l’acétate L12a, le propionate L12b et le propionate L12c dérivés d’un alcool propargylique tertiaire, ont pu être transformés en acides β-alléniques L13a (50%), L13b (54%) et L13c (86%). Cependant, l’énolisation peut entrer en compétition avec une déprotonation en position propargylique pour certains substrats, bien que le proton en α du carbonyle soit plus acide. Pour réaliser le réarrangement de l’acétate L14a et du propionate L14b, possédant un proton acide en position propargylique et benzylique, l’utilisation d’un excès de base (3 équiv) s’est révélée nécessaire pour favoriser cinétiquement l’énolisation et les acides carboxyliques L15a (80%) et L15b (60%) ont été isolés. En revanche, il n’a pas été possible de réaliser le réarrangement d’Ireland-Claisen de l’isobutyrate L14c (Schéma III.8)

85 Pour des exemples d’utilisation, voir : a) A. L. Castelhano, S. Horne, G. J. Taylor, R. Billedeau, A. Krantz,

Tetrahedron 1988, 44, 5451-5466; b) Y. Aoki, I. Kuwajima, Tetrahedron Lett. 1990, 31, 7457–7460; c) K. M.

Brummond, H. Chen, P. Sill, L. You, J. Am. Chem. Soc. 2002, 124, 15186–15187; d) Y. Yang, J. L. Petersen, K. K. Wang, J. Org. Chem. 2003, 68, 3545–3549; e) Y.-X. Li, Y.-L. Sheng, B.-S. Zhang, Chin. Chem. Lett. 2013, 137-139.

Schéma III.8

Fujisawa et al. ont étudié le réarrangement d’Ireland-Claisen de glycolates propargyliques L16. Cette transformation est initiée par une double déprotonation (fonction alcool et hydrogène en α du groupement carbonyle) par traitement avec un excès de LiHMDS (3 équiv). Les espèces dilithiées engendrées L17 dont la configuration est contrôlée par chélation d’un ion lithium par les deux atomes d’oxygène ont ensuite été traitées par le chlorure de triméthylsilyle (3 équiv), pour obtenir les acétals de cétène silylés L18 de configuration (Z). Après retour à température ambiante, le réarrangement [3,3] des composés L18 a mené aux esters silylés homoalléniques L19 dont l’hydrolyse en milieu acide permet d’accéder aux acides α-hydroxy β-alléniques L20 avec des diastéréosélectivités élevées (rd = 92:8 à 95:5) (Schéma III.9).87

Schéma III.9

Afin d’attribuer la configuration relative du diastéréoisomère majoritaire des α-hydroxyacides β-alléniques L20, Fujisawa et al. ont réalisé une corrélation chimique à partir de l’acide β-allénique L20a résultant du réarrangement d’Ireland-Claisen du glycolate L16a (88%, rd = 95:5). L’ester méthylique dérivé de L20a a été transformé en dihydrofurane L21a par traitement avec une quantité stoechiométrique de AgBF4 (CHCl3, ta, 72h). Quelques rappels bibliographiques sur ces cyclisations seront effectués dans la prochaine section du manuscrit. Le dihydrofurane L21, issu de cette cyclisation mettant en jeu un processus stéréospécifique, a été réduit par LiAlH4 pour fournir le dihydrofuraneméthanol L22 (35%, trois étapes à partir de L20a). Les auteurs ont attribué une configuration relative 2,5-trans au dihydrofurane L22 par spectroscopie RMN 1H grâce à l’analyse de spectres enregistrés en présence du complexe d’europium Eu(fod)3 (réactif de déplacement chimique). Cependant, aucun détail sur la façon dont la stéréochimie a été attribuée n’a été fourni dans l’article correspondant (dépourvu de partie expérimentale) (Schéma III.10).

Schéma III.10

Fujisawa et al. ont expliqué la diastéréosélectivité observée lors du réarrangement d’Ireland-Claisen des glycolates L16 en considérant deux états de transition : l’un de conformation pseudo-bateau (ET1), l’autre de conformation pseudo-chaise (ET2) dans lequel le substituant en position propargylique occuperait une position pseudo-équatoriale. Selon les auteurs, l’état de transition de conformation pseudo-chaise ET2 serait plus haut en énergie que le conformère pseudo-bateau ET1 en raison de l’interaction 1,3-diaxiale existant entre le groupement silyloxy et le proton propargylique. C’est cet argument qui a été utilisé pour justifier la formation majoritaire des α-hydroxy acides β-alléniques L20 (Schéma III.11).

Kazmaier et al. ont montré que le réarrangement de Claisen des glycinates propargyliques L23 dont l’atome d’azote est substitué par un groupe électroattracteur pouvaient être réalisé via la formation des énolates de zinc chélatés L24. Des dérivés d’α-aminoacides β-alléniques L25 ont ainsi été synthétisés avec de bons rendements et des diastéréosélectivités élevées, expliquées par le passage par un état de transition de conformation pseudo-chaise dans lequel le substituant R’ occupe une position pseudo-équatoriale (Schéma III.12).88 Le champ d’application de cette transformation a été étendu aux esters propargyliques dérivés de l’alanine, la phénylalanine et l’isoleucine ainsi qu’aux α-amino esters dérivés d’alcools propargyliques α-silylés,89 ou d’ynamides possédant un alcool en position propargylique.90 Remarquons que le résultat stéréochimique de ce réarrangement de Claisen-énolate des glycinates L23 diffère de celui du réarrangement d’Ireland-Claisen des glycolates propargyliques.

Schéma III.12

L’analyse de la bibliographie validait donc l’utilisation du réarrangement d’Ireland-Claisen des glycolates propargyliques III.E pour accéder à des α-hydroxy acides β-alléniques III.C potentiellement précurseurs des δ-lactones insaturées III.B par cyclisation 6-endo-trig de la fonction acide sur l’allène (Schéma III.13).

Schéma III.13

Il nous a semblé à présent approprié d’effectuer quelques rappels bibliographiques sur la formation d’hétérocycles oxygénés par cyclisation de nucléophiles oxygénés sur des allènes, catalysée par des acides de Lewis.

88 U. Kazmaier, C. H. Görbitz, Synthesis 1996, 1489-1493.

89 T. Okada, N. Oda, H. Suzuki, K. Sakaguchi, Y. Ohfune, Tetrahedron Lett. 2010, 51, 3765-3768.

2.2. Formation d’hétérocycles à cinq ou six chaînons par cyclisation