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Détermination stéréochimique de la sous-unité C36-C42

La détermination stéréochimique de la sous-unité C36-C42 de l’hémicalide a été réalisée par le Dr. Simon Specklin au cours de son stage post-doctoral (2010-2012) au Laboratoire de Chimie Organique de l’ESPCI Paris. L’observation d’effets Overhauser nucléaires entre les protons H37 et H40 d’une part, et entre H37 et les protons du groupement méthyle en C42 d’autre part, permettait d’attribuer la configuration relative des trois centres stéréogènes (C37, C39 et C40) du second cycle δ-lactone de l’hémicalide. Ainsi, la chaîne latérale en C37 est en trans de celle en C39 et en cis du groupement hydroxyle en C40. Pour attribuer la configuration relative des centres stéréogènes adjacents C36 et C42 et éventuellement celle du centre éloigné en C45 par rapport à ceux inclus dans le cycle lactonique, la synthèse de composés modèles de formule générale M80 a été entreprise pour comparer leurs spectres RMN avec ceux de l’hémicalide.42

Leur structure correspond à celle du fragment C32-C46 de l’hémicalide en remplaçant la chaîne substituant la double liaison en C34 par un groupement éthyle. Les trois centres stéréogènes exocycliques C36, C42 et C45 étant indéterminés, huit diastéréomères étaient a priori envisageables : - les diastéréomères M80a et M80b, épimères en C42 possédant une orientation relative syn des substituants en C36-C37, ainsi que leurs épimères respectifs en C45, M80a’ et M80b’.

- les diastéréomères M80c et M80d, épimères en C42 et possédant une orientation relative anti des substituants en C36-C37, ainsi que leurs épimères respectifs en C45 M80c’ et M80d’ (Schéma I.29).

Schéma I.29

42 S. Specklin, G. Boissonnat, C. Lecourt, G. Sorin, M.-I. Lannou, J. Ardisson, F. Sautel, G. Massiot, C. Meyer, J. Cossy, Org. Lett. 2015, 17, 2446-2449.

En réalité, la synthèse de seulement cinq diastéréomères a permis de conclure sur l’attribution de la stéréochimie de la sous-unité C36-C42 de l’hémicalide.

La double liaison α,β-disubstituée dans les composés de formule générale M80 a été formée grâce à une oléfination de Julia-Kocienski entre les aldéhydes diastéréomères de type M81 et la n-propylsulfone hétéroaromatique M82 (Schéma I.30).

Schéma I.30

La synthèse des diastéréomères M80 ne sera pas détaillée dans cette section car la stratégie utilisée correspond à celle que nous avons adoptée pour la synthèse du fragment C28-C46 de l’hémicalide au cours de nos travaux (voir Chapitre II).

Les lactones modèles M80a, M80b, M80a’ et M80b’ ont été préparées en premier lieu. Les spectres RMN 1H et 13C des épimères en C45 (M80a/M80a’ d’une part, et M80b/M80b’ d’autre part) étant indiscernables, il n’a pas été possible d’attribuer la configuration relative du carbone asymétrique éloigné en C45 par rapport aux autres centres stéréogènes. Des différences significatives ont été observées au niveau des déplacements chimiques des carbones dans la région C43-C39 (jusqu’à 4.6 ppm) entre les épimères en C42, M80a et M80b (ou M80a’ et M80b’). En revanche, aucune différence significative n’a été relevée dans la région C36-C37, ce qui est probablement dû à l’orientation relative trans des deux chaînes latérales carbonées sur le cycle δ-lactone. C’est pour le diastéréoisomère M80a qu’un parfait accord avec le spectre 13C de l’hémicalide a été mis en évidence (|Δδmax| < 0.5 ppm).

La synthèse de la lactone modèle M80c a ensuite été réalisée. Les spectres RMN 13C de M80a et M80c, épimères en C36, se sont révélés quasiment identiques dans la région C39-C42 montrant qu’une modification de stéréochimie relative sur une chaîne latérale affecte peu les déplacements chimiques des carbones sur la chaîne située en trans. Par conséquent, il n’a pas été nécessaire de synthétiser les trois autres lactones M80c’, M80d et M80d’ pour conclure. Une déviation importante de -1.5 ppm a été observée pour C36 dans le spectre RMN 13C de M80c par rapport à l’hémicalide.

Les spectres RMN 1H des lactones M80a, M80b, et M80c ont ensuite été comparés avec ceux de l’hémicalide. Le meilleur accord a été observé une nouvelle fois dans le cas de M80a (|Δδmax|< 0.2 ppm). Les épimères M80b (en C42) et M80c (en C37) présentent respectivement une

déviation maximale de déplacement chimique pour les protons du groupe méthyle en C42 (+ 0.06 ppm) et H37 (+ 0.12 ppm). En outre, la multiplicité du signal correspondant à H37 (ddd) est en accord avec celle reportée pour l’hémicalide uniquement pour les diastéréoisomères dans lesquels l’orientation relative des substituants en C36 et C37 est syn (Tableau I.8).

δ (ppm) Hémicalide C43 32.1 32.0 27.5 32.0 C42 33.7 33.7 34.9 33.8 Me(42) 13.4 13.4 17.8 13.4 C39 41.4 41.3 43.1 41.4 C37 80.9 81.0 81.0 80.7 C36 43.6 43.1 43.2 42.1 Me(36) 17.2 16.9 16.9 17.0 CH3(42) 0.91 (d, J = 7 Hz) 0.91 (d, J = 6.8 Hz) 0.97 (d, J = 6.8 Hz) 0,93 (d, J = 6.8 Hz) H37 4.11 (ddd, J = 11.1, 7.7, 3.5 Hz) 4.11 (ddd, J = 11.0, 7.5, 3.9 Hz) 4.13 (ddd, J = 10.0, 7.5, 4.4 Hz) 4.23 (dt, J = 11.1, 4.3 Hz) Tableau I.8

La configuration relative de la sous-unité C36-C42 de l’hémicalide correspondrait donc à celle du diastéréomère modèle M80a. Ce résultat a été confirmé récemment par Paterson et al. qui ont attribué la configuration relative de la sous-unité C34-C46 de l’hémicalide comme correspondant à celle du diastéréomère M82a (avec 99% de probabilité) par simulation des spectres de RMN (DP4F GIAO-NMR).40 Signalons cependant que l’attribution de la stéréochimie relative du centre éloigné en C45 n’a pas été considérée comme totalement fiable (Schéma I.31).

5. Bilan

Les travaux antérieurs réalisés pour la détermination stéréochimique de l’hémicalide ont permis d’attribuer la configuration relative de 16 centres stéréogènes sur 21 inclus dans les sous-unités C8-C13 (motif « hexade » de type tripropionate), C18-C24 (δ-lactone α,β-dihydroxylée) et C36-C42 (δ-lactone α-hydroxylée). Signalons cependant que la stéréochimie relative de chacune de ces trois sous-unités par rapport à l’autre demeure inconnue, tout comme celles du fragment C27-C32 et du centre éloigné en C45, ce qui peut donc conduire à 256 stéréoisomères potentiels pour l’hémicalide !

L’approche synthétique développée pour le fragment C1-C25 a mis en évidence la possibilité de former la double liaison C6-C7 grâce à une oléfination de Horner-Wadsworth-Emmons et de construire le diène C14-C16 par couplage de Suzuki à un stade avancé de la synthèse, notamment en présence du motif triénoate conjugué en C1-C7 et de la δ-lactone α,β-dihydroxylée (protégée) (C19-C23). En outre, l’approche développée pour le fragment C32-C46 a montré que la double liaison α,β-disubstituée en C34-C35 pouvait être formée par oléfination de Julia-Kocienski et que cette dernière transformation était compatible avec la δ-lactone α-hydroxylée (protégée) (C37-C41) (Schéma I.32).

Schéma I.32

L’objectif prioritaire du projet AMICAL dans lequel notre laboratoire est impliqué (« l’aventure de l’hémicalide : Synthèse, conception d’analogues et évaluation biologique »), financé

par l’ANR en 2013, est la synthèse totale de l’hémicalide (ou un/plusieurs de ses stéréoisomères). Forts des résultats antérieurs obtenus par notre consortium sur la détermination stéréochimique de l’hémicalide ainsi que le développement d’approches synthétiques des sous-unités de l’hémicalide, une analyse rétrosynthétique de l’hémicalide a pu être proposée. L’objectif de la thèse était la synthèse du fragment C28-C46 ainsi que le développement de méthodes pour accéder au motif original de type α-hydroxy δ-lactone β,δ-trisubstituée, rencontré dans cette sous-unité de l’hémicalide. Les résultats obtenus sur ces deux axes de recherche seront présentés respectivement dans le chapitre II et le chapitre III de ce manuscrit.

Chapitre II

Synthèse du Fragment C28-C46