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La réversibilité, les étapes de mise en oeuvre d'un stockage

2.2 Les fonctions d’un stockage réversible

2.2.2 La réversibilité, les étapes de mise en oeuvre d'un stockage

L'étude de la réversibilité du stockage est prévue par la loi du 30 décembre 1991. En juin 1998, la Commission nationale d’évaluation (CNE) a remis, à la demande du gouvernement, un rapport sur la réversibilité [14]. En décembre 1998, le gouvernement a rendu publique une déclaration qui soulignait que les recherches devaient s’inscrire dans une logique de réversibilité [15].

Diverses raisons plaident pour la réversibilité du stockage : leur analyse a permis d'éclairer la recherche de réponses techniques. Il en ressort le besoin d'élargir la définition de la réversibilité, au-delà de la capacité à retirer des colis stockés (la « récupérabilité ») : la réversibilité peut être définie comme la possibilité d’un pilotage progressif et « flexible » du processus de stockage, en laissant aux générations à venir une liberté de décision sur ce dernier.

L’Agence de l’énergie nucléaire (AEN) de l’Organisation pour la coopération et le développement économique (OCDE) a introduit clairement la distinction entre « récupérabilité » et réversibilité, en montrant en quoi la réversibilité a un champ d’action plus large que la « récupérabilité » [16]. Le groupe international d'experts qui a réalisé ce travail met en particulier en exergue le lien entre réversibilité et approche par étapes successives suivant un processus prudent et souple, qui fait partie des « bonnes pratiques ».

Dans cette optique, le processus de stockage peut être décomposé en une succession d’étapes à franchir. Il s'agit alors d'offrir une souplesse aussi grande que possible dans la gestion de chaque étape,

notamment en ménageant la possibilité d'un temps d'attente et d'observation, avant de décider de passer à l'étape suivante, ou encore celle de revenir en arrière.

La réversibilité pourra s'évaluer dans ce cadre par (i) la capacité de retirer des colis stockés, (ii) la capacité d'action sur le processus de stockage, (iii) la possibilité de faire évoluer la conception des ouvrages au cours du processus.

Au final, elle concourt à fournir un outil de pilotage du stockage en fonction des attentes des diverses générations concernées.

2.2.2.1 La prise en compte de la réversibilité

La demande de réversibilité apparaît liée à une recherche d’ouverture dans la prise de décision en matière de gestion à long terme des déchets radioactifs. Il s’agit alors de préférer des décisions mesurées, laissant les choix ouverts aux générations suivantes, où le décideur ne serait pas figé techniquement, sans qu’il y ait pour autant soupçon de « laisser-faire ». La réversibilité ouvre ainsi la possibilité d'une négociation entre options techniques et enjeux sociaux [17].

Cette approche de la réversibilité peut relever du principe de précaution ([18], [19]). La préservation de la réversibilité et le développement des moyens nécessaires renvoient à une conduite « prudente » pour l’action en contexte incertain, dû notamment à la longue période de temps de la gestion des déchets radioactifs considérés.

L'application du principe de précaution renvoie aussi à une attitude de modestie scientifique. Il s'agit de prendre acte des incertitudes et des limites des connaissances à un moment donné, en regard des échelles de temps impliquées. Dans le cadre de la mise en œuvre réversible d'un stockage, on peut ainsi envisager la possibilité d’observations sur de longues périodes, pour les confronter avec des modélisations, actualiser ainsi les connaissances, et amener des éléments supplémentaires en support aux décisions, contribuant ainsi à la confiance en le système d’ensemble.

2.2.2.2 Sûreté et réversibilité

Même si sa mise en œuvre implique les générations à venir, la conception d'un stockage se doit d'être robuste en matière de protection à long terme de l'homme et de l'environnement, ce qui constitue l’objectif premier d'une telle installation. La prise en compte de la réversibilité n'autorise aucun compromis vis-à-vis des objectifs de sûreté.

La sûreté et la réversibilité trouvent toutes deux un fondement dans une attitude de modestie, conduisant à prendre acte de l'existence d'incertitudes et à les gérer dans le respect du droit des générations futures. La première conduit, au stade de la conception d'une installation, au choix d'options techniques robustes, la seconde renvoie à une gestion prudente de cette installation.

Ainsi, les incertitudes de connaissance actuelles ont été prises en compte systématiquement dans le choix des options techniques présentées dans la suite.

Par ailleurs, il convient que des dispositions qui pourraient trouver leur justification, au moins partiellement, dans la prise en compte de la réversibilité, ne soient pas susceptibles de dégrader des fonctions de sûreté. Ainsi, aucune disposition technique pouvant perturber significativement un élément contribuant à une fonction de sûreté, n’est ajoutée dans le seul objectif de réversibilité. En effet, dans un tel cas réversibilité et sûreté pourraient entrer en conflit, et la sûreté primerait. Par exemple, on ne peut justifier par la seule prise en compte de la réversibilité, l’introduction de matériaux qui induisent une perturbation d’une nature nouvelle ou d’un ordre de grandeur significativement différent de celles qui préexistent pour d’autres raisons.

2.2.2.3 Organisation du processus de stockage en étapes

Si la réalisation d’une installation de stockage était décidée, sa première phase de vie opérationnelle correspondrait à la construction d’installations de service en surface et d’ouvrages d'accès à la formation géologique d'accueil, ainsi qu'à la préparation d'installations souterraines de stockage.

Elle serait suivie par une phase d’exploitation et d’observation, correspondant à la mise en stockage de colis de déchets. La recherche de flexibilité conduit à ne pas fixer de durée a priori pour la phase d'exploitation et d'observation : l’échelle de temps envisageable est séculaire à pluriséculaire.

La prise en compte de la réversibilité se traduit d’abord par une souplesse de gestion des colis mis en stockage, comparable à un entreposage.

Mais un stockage est aussi conçu pour pouvoir être fermé et de ce fait rendu passif5 : la fermeture consiste principalement à remblayer et à sceller les installations souterraines.

La recherche de flexibilité suggère alors une fermeture qui serait progressive. Cela ouvre la possibilité d’une diminution graduelle du niveau de réversibilité du stockage, au fur et à mesure que des choix auront été faits.

Ainsi, la construction, l’exploitation puis la fermeture d'un stockage sont structurées suivant une succession d'étapes. Celles-ci peuvent être conduites indépendamment pour chaque catégorie de déchets.

L’étape initiale correspond à la construction d'une unité (ou module), de stockage ; il s'agit ensuite d'y mettre en place des colis.

La fermeture, conçue de manière progressive, donne lieu à plusieurs étapes : fermeture de modules, fermeture des accès à ces modules, des installations de stockage de la catégorie de déchets concernée, et enfin de l'ensemble des installations souterraines. Quant aux installations de surface, leur déconstruction6 pourrait, pour partie, commencer avant la fin de la fermeture des installations souterraines, elle s'achèverait ensuite.

Les premières étapes d'exploitation peuvent s'apparenter à une phase d'entreposage, qui serait réalisée en souterrain. On notera qu'à la différence d'une installation dédiée à l'entreposage, une grande part des éléments devant contribuer aux fonctions de sûreté à long terme sont d'ores et déjà présents, et qu'il est possible de les observer en situation.

La conception modulaire des installations permet une construction par phases successives, donnant ici encore une liberté de choix dans le pilotage du développement d’un stockage

L’approche par étape pour la gestion d’un stockage a fait l’objet de travaux au niveau international.

Une action concertée menée dans le cadre de l'Union européenne sur la réversibilité des différents concepts de stockage étudiés dans les programmes nationaux, a montré la pertinence d'un découpage du processus de stockage en étapes pour analyser et appréhender cette question et fournir un cadre progressif à la prise de décision [20]. Dans une même logique, on peut aussi noter des réflexions aux États-Unis sur la conception du stockage par étapes. Dans la démarche par étapes (« adaptive staging ») proposée par le National Research Council (NRC), un éventail de choix le plus large possible est offert à chaque étape aux décideurs [21]. Le NRC met en avant les avantages de cette approche par rapport à une approche « linéaire » (« linear staging ») tant du point de vue technique que social, politique et économique.

5 Après fermeture, les fonctions de sûreté présentées plus haut seront assurées sans nécessiter d'intervention directe de l'homme.

6 L’opération comprend la déconstruction des installations de surface ainsi que la mise en état définitif du stock de déblais (« verse») en surface.

2.2.2.4 Capacité de retirer les colis stockés, capacité d'action sur le processus de stockage, réversibilité de conception

Au fur et à mesure que des choix ont été faits et que des étapes ont été franchies dans le processus de fermeture, le niveau de réversibilité pourra diminuer. Les options techniques présentées dans la suite visent à ce que cette diminution soit aussi progressive et maîtrisée que possible.

La capacité de retirer des colis de déchets est évaluée jusqu'au chargement de ces colis sur des moyens de transport vers d'autres sites. Dans les premières étapes d'exploitation, la récupération des colis s'effectue comme en entreposage, par simple inversion du processus de mise en stockage. Au fur et à mesure du franchissement d'étapes de fermeture, la capacité de retirer des colis implique la possibilité de ré-ouvrir et dé-sceller les installations.

La capacité d'action sur le processus de stockage est la possibilité donnée aux futurs exploitants de gérer avec souplesse chaque étape. Cela concerne la durée techniquement possible avant passage à l'étape suivante ou retour en arrière, la capacité de maintenir les installations en état. L'observation du comportement des installations de stockage fournit des éléments de connaissance sur l'état et l'évolution du stockage, en appui à sa gestion.

Par ailleurs, les nouveaux ouvrages pourront être conçus (ou re-conçus) au fur et à mesure du développement phasé des installations du stockage. Cette conception bénéficiera en particulier de l’expérience et des connaissances acquises au cours de l’exploitation et de l’observation des ouvrages antérieurs, ainsi que des progrès techniques réalisés par ailleurs. Elle pourra prendre aussi en compte des données provenant de l’environnement social, technique et scientifique.

Il est à noter que la gestion réversible du stockage s'accompagne d'une gestion des connaissances sur la durée, qu'il s'agisse de connaissances scientifiques ou de la configuration technique du stockage.

Une analyse de la gestion réversible du stockage (capacité d'action au fur et à mesure de l'avancement du processus, capacité de retirer les colis stockés) est présentée au chapitre 10.

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