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Propriétés de la formation d’argilites du Callovo-Oxfordien

2.3 Le contexte géologique du site de Meuse/Haute Marne – La formation du Callovo-Oxfordien du Callovo-Oxfordien

2.3.2 Propriétés de la formation d’argilites du Callovo-Oxfordien

Ce paragraphe présente les caractéristiques déterminantes des argilites du Callovo-Oxfordien : caractéristiques de perméabilité et de transport, géochimiques, mécaniques et thermiques. En liminaire, on notera la très grande homogénéité de la formation au travers des divers forages du secteur. Par ailleurs, les nombreuses investigations n’ont mis en évidence aucune faille au sein du Callovo-Oxfordien.

2.3.2.1 Flux d'eau, transport des solutés dans le Callovo-Oxfordien

Les propriétés texturales du Callovo-Oxfordien lui confèrent une faible perméabilité sur toute son épaisseur ([6] - Tome 1). D’après les différentes mesures réalisées tant sur échantillon qu’in situ, la perméabilité est comprise entre 5.10-14 mètres par seconde (m/s) et 5.10-13 m/s.

Cette perméabilité, associée aux faibles différences de charge hydraulique de part et d’autre de la formation, impose des écoulements verticaux très faibles au sein de la couche. Elle est due à une taille des pores de la roche très petite et aux interactions entre eau porale et minéraux. De fait, la porosité contribuant à cet écoulement (porosité cinématique) correspond à la fraction d’eau libre dans la roche, soit environ la moitié de la porosité totale.

Lors du creusement d’une cavité souterraine dans la formation étudiée, le débit d’eau drainé par cette cavité est quasi nul du fait de la faible perméabilité des argilites. Tant que cette cavité est ventilée, l'eau se trouvera exclusivement sous forme de vapeur dans l'air de ventilation et n’existera pas sous forme liquide.

Les flux d'eau circulant naturellement, par convection dans la formation du Callovo-Oxfordien étant particulièrement faibles, la diffusion dans l'eau porale y est le mécanisme de transport dominant des espèces en solution.

Les petites dimensions de pores déterminent des chemins de transfert tortueux et donc, des coefficients de diffusion faibles. Ceux-ci sont relativement homogènes sur toute l’épaisseur de la couche, reflétant l’homogénéité lithologique et texturale de celle-ci. Les valeurs des coefficients de diffusion effectifs De ([6] - Tome 1) ont été évalués à :

- De = 5.10-12 m²/s pour une porosité accessible de 5 %, dans le cas des anions ; - De = 2,5.10-10 m²/s pour une porosité accessible de 18 %, dans le cas des cations.

La diffusion peut être accompagnée d’autres processus. Les vitesses de déplacement des espèces en solution correspondant à ces phénomènes sont en tout état de cause très lentes et négligeables vis-à-vis de la diffusion.

Des salinités différentes de l'eau ont été observées dans le Callovo-Oxfordien et dans ses encaissants : entre 3 et 4 grammes par litre (g/l) dans l'eau interstitielle des argilites, de l’ordre de 4 g/l dans le Dogger, et 0,9 g/l dans l’Oxfordien carbonaté ([6] - Tome 1). Une forte salinité de l'eau interstitielle du Callovo-Oxfordien indique l'absence d'échanges hydrauliques avec des formations aquifères. Elle confirme la faible perméabilité des argilites et le déplacement très lent des ions en solution.

La formation du Callovo-Oxfordien comporte des microstructures en très petit nombre, qui ont été le plus souvent colmatées par de la calcite ou de la célestine dès le début de la compaction des argilites.

Les investigations menées sur le site ont montré un espacement moyen entre ces structures d'une trentaine de mètres environ dans la partie supérieure (dont le comportement est plus fragile), et hectométrique dans le reste de la couche.

Les tests hydrauliques réalisés ont indiqué que ces microstructures n’ont pas d’impact sur la perméabilité de la couche.

2.3.2.2 Géochimie du milieu

Le Callovo-Oxfordien est un milieu naturellement réducteur ; cette propriété est particulièrement favorable pour limiter la corrosion des matériaux métalliques et le relâchement des radionucléides (§ 2.2.1.2).

Pendant l'exploitation d'ouvrages souterrains, la ventilation entraînera un phénomène d'oxydation au voisinage de la paroi. Ce phénomène concernera aussi les déblais d'argilites extraits en surface.

Toutefois, les argilites contiennent des minéraux (des pyrites en particulier) et des matières organiques qui réagissent avec l'oxygène, ce qui limitera ce phénomène à une très faible épaisseur.

Après la fermeture d'ouvrages souterrains, l'eau interstitielle des argilites qui percolera vers ces ouvrages pourra entraîner des ions chlorures ; l'interaction de ces ions avec les matériaux mis en place dans les ouvrages (aciers, béton) est prise en compte dans l'évaluation de leur dégradation à long terme.

Les argilites présentent aussi une forte capacité tampon vis-à-vis d’une perturbation alcaline, telle que celle qu'y induirait la dégradation progressive dans le temps d'ouvrages en béton.

2.3.2.3 Propriétés mécaniques et aptitude au creusement

La composition minéralogique des argilites du Callovo-Oxfordien leur confère une résistance relativement élevée pour une roche argileuse, un comportement peu déformable, de type endommageable à partir d’un certain seuil de charge et de type fragile à la rupture. Leur teneur importante en minéraux argileux limite le seuil de déformation réversible, atténue le comportement fragile (plasticité), tend à réduire la résistance à la rupture de la roche et lui donne un comportement visqueux (fluage à long terme) non négligeable.

Pour ce qui concerne le comportement mécanique à court terme, la résistance des argilites à la compression simple est de 21 mégapascals (MPa) en moyenne, au milieu de la formation étudiée ([6] -Tome 2)12.

Il est à noter que cette résistance est comparable à celle de roches ayant fait l'objet de travaux souterrains importants, dans des conditions proches. On peut citer en particulier (voir Figure 2.3.4) le tunnel autoroutier de Chamoise (Savoie), qui traverse, à une profondeur d'environ 400 mètres, une roche argileuse de même âge, dont la résistance à la compression simple est de 20 à 35 MPa ([32], [33]).

Le module de déformation élastique des argilites du Callovo-Oxfordien se situe entre 3 000 et 5 000 MPa, dans la même gamme de valeurs que celui de la roche argileuse traversée par le tunnel de Chamoise (3 000 à 6 000 MPa).

12 On notera que cette résistance n’est que légèrement inférieure à celle d'un béton de construction courant (30 MPa).

© SCETAUROUTE. Photo P.PETTIER

Figure 2.3.4 Entrée du tunnel de Chamoise (à gauche tube en construction, au centre galerie de reconnaissance, à droite tube en exploitation)

La résistance des argilites est à mettre en regard des contraintes mécaniques naturelles régnant dans la formation étudiée. La contrainte verticale est égale au poids des terrains, soit 12 MPa à l'emplacement du laboratoire de recherche souterrain. La contrainte horizontale majeure est en moyenne de direction nord 155° est dans le Callovo-Oxfordien, elle est légèrement supérieure à la contrainte verticale. La contrainte horizontale mineure est égale à la contrainte verticale.

Dans un tel champ de contraintes naturelles, l'ouverture d'une cavité souterraine engendre en paroi une contrainte tangentielle (c'est-à-dire parallèlement à la paroi) proche de la résistance mécanique des argilites. Aussi, le comportement de la formation étudiée se situe sur un seuil entre l'apparition, ou non, de fractures dans les argilites à proximité immédiate des ouvrages. Cet effet de seuil se traduira notamment dans la sensibilité de la réponse mécanique des argilites à la profondeur d'implantation des ouvrages. En tout état de cause, le soutènement des argilites lors de leur creusement (§ 2.2.3.2) permet d’éviter le risque de chute de bloc durant les travaux. D’autres dispositions constructives, présentées plus loin, permettent par ailleurs d'éviter que l'apparition éventuelle d'une zone fracturée n'altère les fonctions de sûreté à long terme d'un stockage.

Figure 2.3.5 Vue de la galerie à -445m du laboratoire de recherche souterrain de Meuse/Haute-Marne

Soumises à une contrainte déviatorique (c'est-à-dire non isotrope), les argilites se déforment progressivement, tendant à se rapprocher d'un état de contrainte plus isotrope. Ce mécanisme de comportement différé (fluage) est lent ; une vitesse de déformation de fluage de 10-3 à 10-4 par an a été mesurée sur des échantillons saturés en eau, au bout de deux à trois années, pour des contraintes déviatoriques constantes de 5 à 15 MPa ([6] - Tome 2)13 Le comportement différé des argilites se traduira par une mise en charge progressive des ouvrages souterrains. Les revêtements des excavations souterraines, puis à plus long terme l'ensemble des matériaux remplissant ces excavations, permettront de reprendre les contraintes et de maîtriser l’endommagement de la roche.

La ventilation des ouvrages souterrains entraîne une désaturation progressive des argilites à proximité : leur teneur en eau diminue, au profit de la formation d'une phase gazeuse dans les pores de la roche. La désaturation induit un accroissement de la raideur et de la résistance de la roche, et ralentit considérablement les déformations différées, voire les suspend, aussi longtemps que l'argilite reste non saturée ([6] - Tome 2).

Les niveaux supérieurs de la formation du Callovo-Oxfordien se distinguent par une plus grande résistance que le niveau médian de la formation (30 MPa en moyenne). L’endommagement y est naturellement faible, comme le montrent les observations faites dans les puits du laboratoire de recherche souterrain. Cet élément représente un atout favorable pour le scellement des puits d'une éventuelle installation de stockage.

13 Par comparaison, l'argile de Boom, étudiée en Belgique pour un éventuel stockage (Laboratoire souterrain Hadès, site de Mol) présente une vitesse de fluage nettement supérieure : elle varie entre 0.06 et 0.3 par an pour une contrainte déviatorique de 2,25 à 2,75 MPa [34].

2.3.2.4 Caractéristiques thermiques

La température géothermique au sein de la formation du Callovo-Oxfordien s'élève à 22 °C à la profondeur du laboratoire de recherche souterrain. L'augmentation de la température avec la profondeur est de 2,3 °C par centaine de mètres, partant d'une température à proximité de la surface du sol, stable dans le temps, de 10 °C, ce qui est faible pour le contexte français. Les cycles saisonniers ou de périodicité limitée s’amortissent en effet rapidement à faible profondeur. Seuls, les cycles climatiques montrant les périodes les plus longues (cycles glaciaires-interglaciaires de 100 000 ans) ont un impact de quelques degrés à 500 mètres ([6] - Tome 2).

Les argilites du Callovo-Oxfordien présentent des conductivités thermiques anisotropes, l'anisotropie résultant de la stratification correspondant au dépôt des sédiments. Parallèlement à la stratification, la conductivité thermique varie entre 1,9 et 2,7 watts par mètre et par degré Celsius (W/m.°C), selon la teneur en carbonate de l'horizon considéré. Orthogonalement à la stratification, la conductivité varie entre 1,3 et 1,9 W/m.°C. On notera que ces conductivités thermiques sont moyennes pour une roche ; à titre de comparaison, un granite sera plus conducteur de la chaleur, avec une conductivité de 2,5 à 4 W/m.°C [35]. Elles sont toutefois suffisantes pour permettre une évacuation de la chaleur par la roche.

Une augmentation de température des argilites n’a pas d'effet significatif sur la résistance mécanique et la déformation à court terme de la roche pour des températures inférieures à 70 °C. Elle augmente les vitesses et les amplitudes de déformation différée des argilites, hors la prise en compte des effets de désaturation ([6] - Tome 2).

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